Travail inégal mais ambitieux sur la capacité à s’inventer son propre chemin, The Lulu Projekt renoue par endroits avec le souffle incandescent de l’adolescence. Un road trip entre Derrick et barres d’immeubles signé Magali Mougel à l’écriture et Cécile Arthus à la mise en scène.
Ainsi va l’écriture de Magali Mougel : touffue, dense, parfois simple, parfois référencée, belle, poétique et charnelle, mais aussi intello, qui échappe par endroits. Ainsi va la difficulté de porter ses textes à la scène : un défi passionnant et risqué. Ainsi va donc The Lulu Projekt, spectacle dirigé par Cécile Arthus : pas exempt de défauts mais, par vagues, exaltant et somme toute à découvrir.
Le départ est un peu laborieux, manque de rythme et souffre d’une structure un peu simpliste. D’un côté, Lulu, jeune homme de 18 ans, qui ne voit pas le monde et sa vie comme les autres voudraient qu’il les voit ; de l’autre, sa mère qui ne pense qu’à rester dans les clous et sa sœur qui fait tout pour lui plaire. Si l’on ne connaissait pas l’autrice, on crierait au schéma traditionnel. Bien sûr, il sera subverti, et l’épopée nécessite ses clarifications. Nous sommes en Allemagne de l’Est, alors qu’elle touche à sa fin. Lulu écoute les Sex Pistols et rêve de devenir cosmonaute. Il se fait passer pour quasi aveugle afin de ne pas intégrer l’école militaire à laquelle on le destine. Le récit manque de dynamique. La structure à cheval entre récit et action ralentit les choses jusqu’à l’apparition de Moritz. Lui, ce sera le meilleur pote de Lulu. Un malvoyant pour de vrai, dont le champ de vision progressivement se rétrécit. Comme Lulu, il ne voit pas donc pas le monde comme les autres. Alcool et Marylin Manson à l’appui, l’histoire et Lulu prennent là le grain de folie qui leur manquait encore. L’amour suivra sous une forme mi-extraterrestre, mi-mythologique. Les scènes s’enchaînent plus vivement et le récit se métamorphose.
Pièce sur l’adolescence, sur le devenir de ce désir que tout soit différent, à commencer par soi et la vie qu’on va construire, The Lulu Projekt s’appuie régulièrement sur la musique qui peut donner l’énergie de croire à ses rêves. Punk, rock et metal – Nina Hagen, Neil Young, Nirvana and co – offrent ainsi au spectacle des moments jouissifs qui se passent de mots. De ces mots par lesquels Magali Mougel rend également, dans une écriture charnelle, les instants de libération, ces vagues de bonheur qui peuvent traverser la vie et dont, jeune, on croit encore qu’elles pourraient durer éternellement.
La fin un peu didactique avant de virer à nouveau sur une métaphore de la fuite à laquelle on ne comprend pas tout séduit cependant. Dans son ensemble, porté par une distribution inégale, The Lulu Projekt est décousu, mais touche au but par endroits. Il partage, transmet la force qui lui permet de s’engouffrer dans la marge, et fait surgir le souffle tourbillonnant de l’adolescence. Les personnages oscillent entre réalisme à l’est-allemande et espace onirique. Les lieux, cette barre au milieu de rien et des champs de colza, vivent dans l’imaginaire. On se fait embarquer même si parfois on reste à quai.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
The Lulu Projekt
Texte Magali Mougel
Mise en scène Cécile Arthus
Avec Guillaume Fafiotte, Blanche Adilon-Lonardoni, Blanche Giraud-Beauregardt, Philippe Lardaud, Laurent Robert
Dramaturgie Guillaume Clayssen
Scénographie Esther Gautier, Claire Gringore
Corps et mouvements Stéphanie Chêne
Lumières Maëlle Payonne
Sons Valérie Bajcsa
Costumes Séverine ThiébaultProduction Oblique compagnie
Coproduction La Méridienne – Scène conventionnée de Lunéville, Théâtre de la Tête noire – Scène conventionnée de Saran, Théâtre de La Madeleine – Scène conventionnée de Troyes, Bords2Scènes – EPCC de Vitry-le-François, Espace Bernard Marie Koltès – Scène conventionnée de Metz, TAPS de Strasbourg
Soutiens en résidence La Méridienne – Scène conventionnée de Lunéville, Théâtre de la Tête noire – Scène conventionnée de Saran, Bords2Scènes – EPCC de Vitry-le-François, Espace Bernard Marie Koltès – Scène conventionnée de Metz, TAPS de Strasbourg, Le NEST – CDN de Thionville Grand Est
Soutiens financiers SPEDIDAMLa compagnie Oblique bénéficie de l’aide au conventionnement de la DRAC Grand Est et de la Région Grand Est. Le spectacle The Lulu Projekt fait partie des spectacles proposés dans le cadre du projet Avignon 2022 enfants à l’honneur coordonné par Scènes d’enfance – Assitej France.
Durée : 1h20
Festival Off d’Avignon 2022
11 Avignon
du 7 au 29 juillet à 16h45 (relâches les mardis)
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