La 16ème édition des Repérages organisée par Danse à Lille – le Centre de Développement Chorégraphique se déroulera du 24 au 26 mars 2011 à Roubaix, Lille et Charleroi, puis les 28 et 29 mars au Centre National de la Danse à Pantin.16 jeunes compagnies internationales vont présenter leur travail. Danse à Lille a tissé un réseau de 15 partenaires à travers le monde, en Europe et au Brésil. Et chaque structure invite un coup de cœur : une jeune compagnie. C’est la chance pour ces compagnies émergentes de sortir de leur pays, de confronter leur travail et d’échanger. Et ensuite d’émerger, comme cela a été le cas pour Akram khan. Catherine Dunoyer de Segonzac est à l’initiative de ces Repérages depuis 16 ans. Rencontre
Quel est le concept des Repérages ?
Ces repérages sont battis sur un réseau de partenaires. On a commencé avec trois pays étrangers, car la volonté de Danse à Lille était de s’éclater et de s’ouvrir d’autres chorégraphes et de travailler sur l’international. Nous sommes aujourd’hui quinze pays. La volonté est de promouvoir la circulation des œuvres et des artistes hors de leurs propres pays. Je donne une carte blanche aux partenaires qui choisissent la compagnie présentée. Chaque partenaire assiste à l’ensemble des Repérages et doit inviter au minimum une compagnie chez lui.
C’est donc un vrai lieu d’échange ?
Oui c’est un lieu de rencontres fabuleux. On prend le temps, on critique dans le bon sens du terme, on argumente, il y a un échange entre les professionnels, et on défend le pourquoi des choix. C’est instructif de voir comment les œuvres sont choisies. En France on a un panel de choix gigantesque, il y a plus de 600 compagnies de danse, et c’est épouvantable de choisir. C’est important d’entendre les gens parler. Souvent les chorégraphes n’ont pas une facilité à parler de leurs œuvres, c’est le corps qui parle à leur place. Et c’est intéressant d’entendre avec des mots ce que les programmateurs disent. Il y a un vrai discours, on perçoit, on est sensible.
Sentez des sensibilités différentes selon les pays ?
Il y a des courants comme au théâtre, mais c’était plus flagrant au début des Repérages. Même si on ne me donnait pas le pays d’origine de la compagnie, on arrivait à savoir d’où elle venait. Maintenant il y a une circulation des interprètes plus facile, et la caractéristique des pays se perd un peu. Mais on se rend compte que les gens du Nord et les gens du Sud travaillent différemment. Les gens du Nord sont plus proches du conceptuel, ils utilisent l’image, sont plus portés sur les nouvelles technologies. Alors que dans le Sud, on est plus proche de la terre, les italiens, les portugais, sont plus théâtraux. Et j’aime montrer toutes ces différences et permettre au public de réaliser un parcours chorégraphique, un vrai voyage à travers les écritures. Chaque soir le public voit 4 à 5 pièces, elles sont courtes en général, donc si on n’aime pas une pièce on se rattrape sur la suivante. Cette diversité est un cadeau pour le public.
J’imagine que par rapport au début des Repérages il y a 16 ans il est encore plus difficile pour une jeune compagnie d’émerger ?
Oui c’est plus difficile car économiquement il y a de gros problèmes, ce sont des emplois précaires, malgré tout je suis optimiste et je pense qu’on peut encore faire des choses. Il y a de plus en plus d’artistes, les intermittents rament comme des cinglés, c’est vrai. Mais c’est affreux de dire cela, cela va peut-être « éliminer » les gens qui pensent qu’ils sont artistes, et revenir à quelque chose de plus vrai et de plus vital. Un artiste quand il dit quelque chose c’est vital. Ce n’est pas évident d’avoir la finesse de trouver l’artiste qui doit continue. La France est un pays qui continue d’être exemplaire dans le soutien aux danseurs, même si les budgets sont réduits, on n’a même pas le 1% du budget de la Culture avec la danse, malgré cela on est loin devant tous les autres pays européens. Donc on est encore un pays privilégié. Et c’est pour cela que nous avons autant de danseurs, autant de compagnies qui viennent danser en France, et du coup on a un vivier fantastique. Je vois des gens étonnant avec des techniques extraordinaires. Il y a des évolutions depuis des années. On est passé du très dansé à quelque chose de conceptuel où les danseurs ne bougeaient pratiquement plus, abstrait, on revient à quelque chose de plus dynamique avec une utilisation du corps visible sur le plateau et qui est plus facile pour le grand public. Donc il y a plein de chose qui bougent.
Vous travaillez avec la Belgique, avec Charleroi, est-ce que cette passerelle est importante pour vous ?
On est transfrontalier, il y a un vivier aussi important en Belgique. Et l’énergie des compagnies est forte. Je trouve cela intéressant par rapport à la France, en fait il y a des façons d’abord l’espace qui sont différentes. Et je trouve important pour un Centre de Développement Chorégraphique de s’associer avec le seul Centre Chorégraphique en Belgique. Ca pérennise le travail que l’on fait. Ils reçoivent la moitié de la programmation à Charleroi, et j’ai envie que le public français se déplace à Charleroi. Le Centre à Charleroi est installé dans une ancienne usine réhabilité, c’est un réinvestissement de la culture dans un lieu industriel et un des lieux dans lequel nous travaillons à Roubaix, la Condition publique, et aussi une ancienne usine donc il y a des parallèles et le partenariat à son sens. Et puis je trouve formidable qu’un centre chorégraphique qui n’aurait pas besoin de travailler avec nous soit intéressé par la promotion des jeunes chorégraphes qui ont besoin de ce tremplin. Chapeau !
Quels sont les chorégraphes repérés qui ont émergé ?
Le plus frappant c’est Akram Khan. Il nous avait été amené par l’Angleterre, puisqu’il vit à Londres. Il est passé ensuite au Théâtre de la Ville, sa carrière est internationale, et il est passé chez nous il était inconnu. Ce n’est pas que les Repérages lui ont permis…mais il se trouve que…des chorégraphes bénéficient d’une tournée, de mâturer leurs créations, de se confronter et d’échanger, et cela les aide énormément à se confronter à des publics différents, et la pièce prend sa densité plus facilement que s’il devait rester sur son territoire.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON
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