Créer, « c’est ma vie », affirme la chorégraphe, dont l’actualité prochaine la verra participer, à 81 ans, à des événements dansés dans des musées parisiens et publier un recueil de poèmes encore en préparation.
Sur le fil entre ces deux univers, la franco-américaine Carolyn Carlson, qui a joué un rôle majeur dans l’éclosion de la danse contemporaine en Europe et définit son art comme de la « poésie visuelle », déclamera ses textes ce lundi 30 septembre devant Les Nymphéas à l’Orangerie. Dans ce spectacle qui réunira également deux artistes de sa compagnie, un acteur et un violoncelliste, poésie et danse s’entremêleront lors d’une représentation faisant la part belle à l’improvisation devant les tableaux de Claude Monet. « Ces tableaux sont extraordinaires ! Ce qui me plaît, c’est que Monet travaille avec la nature », s’exclame l’artiste, dont une partie des pièces qu’elle a chorégraphiées ces dernières années « s’inspiraient de thèmes écologiques ». « Je suis terrifiée par le dérèglement climatique », confie-t-elle. Pour ces « événements poétiques », elle a choisi vingt de ses poèmes qui parlent « de nature et d’humanité ».
Avec une centaine de pièces et ballets à son actif, dont certains sont devenus cultes comme Blue Lady ou Signes, Carolyn Carlson, à la tête d’une compagnie qui compte aujourd’hui douze danseurs et une vingtaine d’artistes collaborateurs, n’a arrêté, depuis cinq décennies, de repenser la danse, s’affranchissant du carcan classique. En juin prochain, dans la nef du musée d’Orsay, une traversée de son répertoire est programmée, dans un registre éclectique : des improvisations poétiques des danseurs de sa compagnie avec musique live, un solo inspiré des arts martiaux, un duo créé au son de hurleurs finlandais, ou un solo spécialement conçu pour le danseur étoile de l’Opéra de Paris, Hugo Marchand.
Envisage-t-elle de s’arrêter ? « C’est ma vie ! », rétorque-t-elle. J’ai la volonté de travailler parce que je sais que je peux toucher les gens. Ce que nous créons avec mes danseurs donne une sorte d’espoir, de lumière, une âme. Je suis reconnaissante ». Avec la pièce The Tree, réflexion poétique sur la nature et l’humanité – reprise en tournée à Reims, puis à Paris en octobre –, « les gens me disent ‘merci de me donner des émotions’ », ajoute-t-elle.
« Visionnaire »
La chorégraphe ne danse plus, mais pratique la méditation et les arts martiaux – Qi gong, Tai Chi – « parce qu’ils ont à voir avec la nature, le symbolisme de la montagne, du tigre, les pierres, la terre ». Cette femme blonde, aux allures de Pierrot, ne se « considère pas comme bouddhiste », mais « suit cette voie depuis les années 1960 ». Carolyn Carlson continue en revanche de s’exprimer par la calligraphie et l’écriture, mettant actuellement la dernière touche à son septième recueil de poésies, prévu en 2025 (Actes Sud).
« Nous avons besoin de poésie aujourd’hui. C’est quelque chose d’ouvert, qui vous donne un signe que vous devez écouter », assure-t-elle. « Je pourrais écrire de la poésie, même à 100 ans ! », ajoute cette grande admiratrice du philosophe Gaston Bachelard, notamment parce que ce dernier, « brillant et spirituel, s’intéresse aussi à ce genre littéraire. Avec mes danseurs, nous partons de la poésie et, à travers elle, nous recherchons le mouvement », dit-elle.
La danse « vient de l’intérieur, de quelque chose de profond », souligne celle qui, née en Californie, a d’abord étudié le classique à San Francisco et à l’Université de l’Utah, puis s’en est affranchi après avoir rencontré son « maître », Alwin Nikolais, grand scénographe innovateur du mouvement, des lumières et des couleurs.
Elle se souvient de ses débuts à l’Opéra de Paris dans les années 1970, où le directeur de l’époque Rolf Liebermann l’engage comme « chorégraphe-étoile », puis comme directeur du « groupe de recherches théâtrales » de l’institution et où elle secoue les conventions. « Quand on a commencé, les gens se sont dit : ‘qu’est-ce que c’est ?’ Ce n’était pas facile. Pour une partie du public, des bravos, pour une autre, des huées. J’ai introduit l’improvisation auprès des Français. Je ne le savais pas mais c’était une révolution. Rolf Liebermann croyait en moi, il a été visionnaire. »
Karine Perret © Agence France-Presse
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