Canine Jaunâtre 3, de la chorégraphe Marlene Monteiro Freitas entre au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon. Ce ballet de pantins étrange où la musique est omniprésente, met en tension, sans possibilité de relâchement.
Devant un filet sur l’avant-scène un groupe de vingt-cinq danseurs, affublés d’un dossard du numéro 3 entre sur scène. Ils forment un cercle au centre. Ils commencent à se mouvoir, comme des pantins, scandés par un chronomètre accroché dans le fond de la scène. Assiste-t-on à une compétition sportive ? À un ballet d’humains-machines ? Depuis les années 2010, Marlene Monteiro Freitas chorégraphe cap-verdienne, formée à P.A.R.T.S à Bruxelles, distille sur les scènes européennes sa danse grimaçante, étrange et intimement liées à la musique, imprégnée de l’entrain du carnaval. Elle crée Canine Jaunâtre 3 en 2018 pour la Batsheva Dance company, la compagnie israélienne dirigée par Ohad Naharin. Cette année elle transmet cette pièce au Ballet de l’Opéra de Lyon, qui entre à leur répertoire. Ce ballet post-humain nous balade entre tension et confusion.
Répartis en trio le plateau, les interprètes, habillés de velours noir et gants violets, le menton blanc et les lèvres rouges, déploient un ensemble très lisible, bien segmenté où chaque groupe répète une séquence différente, font bouger leurs chevilles sur le même rythme comme un métronome, marche le corps raide, comme des pantins, imitent des mitraillettes. Simples ou plus virtuoses (sauts ou grand écart) les actions se succèdent, alors que les groupes se déplacent sur le plateau, évoquant des automates hantés d’une vitrine de jouet. Les gestes sont entrecoupés par des prises de paroles impromptues dans des micros (le pied de micro est un leitmotiv des mises en scène de la chorégraphe) situés de part et d’autre de l’avant-scène, d’une voix cartoonesque, aigüe et aspirée.
Une tension semble habiter les corps des danseuses et danseurs, une entrave qui empêche la fluidité des mouvements, mais aussi une énergie électrique, une excitation qui anime les corps dans une raideur comique, qui fige autant les gestes que les expressions faciales. À chaque fois que la machine s’emballe, que l’excitation monte pour devenir presque orgasmique, la scène se stoppe presque immédiatement, nous fait redescendre, enchaîne sur un autre tableau. Nous tenant toujours en haleine. Beaucoup repose sur le timing dans cette pièce musicale, rythmée de plusieurs titres connus, comme The Weeping Song de Nick Cave and The Bad Seeds, She’s Lost Control de Joy Division, Back to Black de Amy Winehouse ou Man Down de Rihanna, chanté au piano, joué en sourdine ou diffusé à pleine balle. Baladé entre les émotions, on se laisse manipuler par ces pantins étranges, pour prendre part à leur drôle de rituel.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Canine Jaunâtre 3
Marlene Monteiro Freitas & Ballet de l’Opéra de Lyon
Création 2018 • 17 interprètes
Chorégraphie, costumes et musique Marlene Monteiro Freitas | Interprétation Ballet de l’Opéra de Lyon | Assistant chorégraphique Ben Green | Scénographie Yannick Fouassier, Marlene Monteiro Freitas | Lumière Yannick Fouassier | Son Rui Antunes | Crédit photographique Peter HönnemanProduction Ballet de l’Opéra de Lyon.
En collaboration avec P.OR.K (Joana da Costa Santos, Soraia Gonçalves – Lisbonne, Portugal. Commande originale de la Batsheva Dance Company, en coproduction avec Julidans et Montpellier Danse, 2018. L’association culturelle P.OR.K est financée par le gouvernement portugais – ministère de la culture / direction générale des arts.Durée 1h30
La Villette dans le cadre de la saison de Chaillot
du 12 au 14 décembre 2024
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