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Un « Caligula » ukrainien dans le Off d’Avignon

A voir, Avignon, Les critiques, Théâtre
La troupe du Théâtre National Académique Dramatique Ivan Franko de Kiev monte Caligula de Camus au Festival Off d'Avignon 2024
La troupe du Théâtre National Académique Dramatique Ivan Franko de Kiev monte Caligula de Camus au Festival Off d'Avignon 2024

Photo Julia Weber

Adaptée par la troupe du Théâtre National Académique Dramatique Ivan Franko de Kiev, que la Manufacture invite dans le cadre du « Pavillon du futur, Ukraine 2024 », la pièce de Camus trouve une résonance particulière avec le contexte de guerre et examine les fondements de la dictature et ses dangers.

Un grand mur métallique se présente comme seul décor. Un mur constitué de plusieurs trappes et autant d’ouvertures qui figurent d’étroites brèches sur un monde où la violence et l’autorité arbitraire règnent de façon omniprésente, mais à peine visible, comme tapies dans l’ombre. Ces menus espaces évoquent les cavités d’une prison, voire les grands tiroirs d’une morgue. Plus ou moins croupis derrières des portes qui se ferment comme d’implacables couperets, les personnages y paraissent en position inconfortable. Dans l’un des recoins tout en hauteur, la présence d’un magnétophone enregistreur témoigne du contrôle permanent qui sévit sous un régime totalitaire. Tout le monde est sur écoute, surveillé, menacé. Subrepticement, un bras sort et quelqu’un se fait étrangler.

Voilà l’univers claustrophobique, particulièrement oppressant et malaisant, qui transpire sur le plateau, dans la belle et puissante mise en scène d’Ivan Uryvtski, pleine de froideur et de zones d’opacité. Dans ce dispositif simple et efficace, s’offre une lecture nette, drue, sans fioritures, si ce n’est l’utilisation un peu envahissante de la musique, de Caligula, dont le texte et le sens adviennent de manière très resserrée et désespérée. Si la version proposée fait l’économie des longues méditations philosophiques et éthiques parfois un peu verbeuses de Camus, elle restitue d’emblée toute sa force brutale et alarmante. Dans cette atmosphère de peur, de suffocation, les enjeux politiques de l’œuvre sont particulièrement mis en avant. La figure centrale du tyran y est interrogée, mais le spectacle donne surtout à voir le danger et l’effroi qu’elle inspire.

Sans excès de monstruosité exacerbée, Caligula dévoile tout « en douceur », et en ambivalences, son penchant destructeur. C’est une composition très intéressante du personnage que propose le jeune acteur Oleksandr Rudynskyi. Décrit dans la pièce comme un empereur « enfant », « sans expérience », son Caligula est bel et bien svelte, juvénile, un peu hagard, rêveur et lunatique. Il a l’allure d’un vagabond, d’une effrayante pâleur, d’une singulière et dérangeante beauté, cultivant le culte de lui-même, affichant sans complexe son pervers narcissisme de séducteur et provoquant blasphémateur. Insatisfait, il confie sa soif d’idéal – « Je veux la lune car c’est une des choses que je n’ai pas » – à Hélicon que joue une vieille femme rappelant la nourrice ou la suivante dans les tragédies. C’est juché tout en haut du décor et tutoyant le ciel qu’il finit par mourir. Impulsif prédateur dans son rapport aux hommes comme aux femmes, et notamment avec sa sœur qui est aussi sa maîtresse, Caligula se présente comme une totale énigme qui culmine lorsqu’il se pourpre les lèvres et les yeux, enfile lentement des bas noirs féminins et une robe de soirée, puis chausse des talons pour entamer une danse follement éperdue.

Une émotion particulière et bien palpable se dégage du spectacle, et encore plus des saluts lorsque ses cinq comédiens apparaissent en larmes derrière le drapeau ukrainien. La version de la pièce qu’ils viennent de jouer pour la première fois en France, et qu’on espère revoir en tournée, a été créée et représentée dans de difficiles conditions de guerre, mais n’a pourtant rien de fébrile. Elle évite les parallèles trop faciles et forcément réducteurs avec ce que vit l’Ukraine en perpétuelle lutte, et s’offre comme un éloquent avertissement des erreurs de l’Histoire qui se répètent inlassablement et ébranlent les individus comme les fondements de la société. Si au moins le théâtre de Camus pouvait nous empêcher d’en être coupables…

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Caligula
Texte Albert Camus
Mise en scène Ivan Uryvskyi
Avec Oleksandr Rudynskyi, Tetiana Mikhina, Liudmyla Smorodina, Akmal Huriezov, Roman Yasinovskyi
Scénographie Petro Bogomazov
Costumes Tetiana Ovsiichuk
Son Oleksandr Kryshtal, Pavlo Natalushko
Directrice adjointe de scène Mariia Savka
Lumières Andryi Kononenko, Olena Antohina

Production Ivan Franko National Academic Drama Theatre

Durée : 1h

Festival Off d’Avignon 2024
La Manufacture – Patinoire
du 5 au 11 juillet (relâche le 10), de 18h à 20h10 (trajet en navette compris)

10 juillet 2024/par Christophe Candoni
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