Deux jeunes femmes, dans leur appartement parisien, se demandent comment se relier au vivant. Ça ne résonne pas/ça résonne trop traite avec humour de questions écolo-sérieuses et cherche aussi de nouvelles manière de faire du théâtre aujourd’hui. Des questions en suspens qui en disent long sur notre condition actuelle.
Dans le cadre du printemps des jeunes artistes au Théâtre de la Commune, lors duquel l’on peut également découvrir Don Carlos et Les garçons qui croient sont très seuls, les autres garçons sont perdus, la compagnie Secteur in.Verso présente ça ne résonne pas/ça résonne trop. Ces deux derniers spectacles traitent d’écologie – schématiquement. Signe d’une jeunesse inévitablement imprégnée du sujet, le contraire serait surprenant et inquiétant sauf à ce que nous ayons résolu la crise du siècle. Puisqu’il s’agit d’un moment, dans la saison du théâtre imaginée par Marie-José Malis, destiné à faire se rencontrer de jeunes artistes et à leur donner l’occasion de montrer leurs premiers travaux, observons avec eux comment la question écologique les travaille.
Chiara Boitani, Climène Perrin – qui sont également au plateau – et Mathilde Chadeau – qui est restée hors-scène – ont initié leur création il y a cinq ans. Les deux performeuses sont alors étudiantes à Paris VIII et entreprennent de faire spectacle de leurs interrogations, de leurs réflexions, expériences et autres lectures. La matière en est sérieuse, philosophique et tourne autour d’un rapport au vivant qu’il est indispensable de revisiter au vu de la crise écologique, pensent-elles avec raison. L’arrivée de Mathilde donnera au projet une tournure moins sérieuse et plus concrète, et de leur commune écriture de plateau naît ce spectacle qui marie l’intello et l’absurde, le sérieux et la dérision. Aujourd’hui Chiara habite à Rome et Climène vit près de Bure, où l’on veut enfouir les déchets du nucléaire. Le spectacle fait d’ailleurs dialoguer le français et l’italien. Mais sur scène, leurs deux personnages se retrouvent et reconstituent l’appartement en ville où elles se demandaient comment comprendre, ou plutôt ressentir, ce qui se passe à l’autre bout du monde – les incendies, la mer qui se réchauffe… – ou même tout près d’elle. Autrement dit comment retrouver le lien avec quelque chose du vivant alors qu’on en est apparemment coupé. Leurs recherches les conduisant par exemple à retrouver la forêt dans la table ou dans l’appareil électrique la centrale nucléaire…
Le principe de ce printemps n’est pas de proposer des formes abouties mais plutôt de se faire croiser des expérimentations, des premières signatures qui ouvrent le théâtre à des approches nouvelles issues des jeunes générations. Les trois jeunes femmes à l’origine de ça résonne… sont militantes écologistes, mais réfléchissent aussi à des questions plus larges, intersectionnelles sur les rapports de pouvoir qui structurent nos sociétés. Leur spectacle s’en ressent. Délicat, naïf, joyeux, dans un ton rappelant la 2b company ou Defoort, mais moins distancié, plus sérieux. S’y déploie une réflexion mise en pratique sur la relation, au vivant – on l’a dit – mais aussi à l’autre – ces deux langues cousines qui se parlent, ces réflexions qui s’entraînent l’une l’autre plutôt que de se confronter – et finalement au public du théâtre. On n’y trouve pas sur ces sujets non plus de réponses – c’est éloquent et c’est tant mieux – autre qu’absurdes. Pour que ça résonne avec les spectateurs, par exemple, le spectacle s’achève. Ou autre qu’un besoin de renouveau, de repenser le monde, de créer des liens qui nous libèrent des anciens. Et que le théâtre s’y engage.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Ça ne résonne pas / Ça résonne trop
un spectacle de Secteur in.Verso
dramaturgie et mise en scène Chiara Boitani, Mathilde Chadeau et Climène Perrin
avec Chiara BoitAni et Climène Perrin
création lumières Titiane Barthel
production Secteur in.Verso
coproduction Romaeuropa Festival, 369 Gradi, Cranpi
Avec le soutien de la Halle aux cuirs – La Villette, Cndc – Centre national de danse contemporaine – Angers, Studio Lab de La Ménagerie de Verre, Ecurey Pôle d’avenir – Monthiers–sur-Sceaux, Théâtre-cinéma de Choisy-le-Roi, École Normale Supérieure de Paris, Teatro Biblioteca Quarticciolo, Carrozerie N.O.TDurée : 1h10
CDN Aubervilliers
du 21 au 24 mars 2024
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