
Photo Sammi Landweer
Guidés par la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues, neuf danseurs créent un univers étrange, festif et excessif. Borda fait surgir les luttes et l’entrain du monde.
Un imposant tas de tissus inspire et expire. C’est un monochrome blanc plus ou moins uniforme aux nuances salies et grisonnantes. On distingue ensuite un amoncèlement de bâches en plastique et de différentes textures de tissus, plus ou moins voluptueuses et rugueuses. Sous ce décor mou, îlot sur le plateau de théâtre dénudé, il y a neuf danseuses et danseurs de la Lia Rodrigues Companhia de Danças. Figure de proue de la danse brésilienne à l’international, Lia Rodrigues revendique une esthétique explosive et joyeuse imprégnée de militantisme. Après Fúria (2018), transcription de la violence dirigée contre les populations minorisées au Brésil, et Encantado (2021), jaillissement d’une lutte émancipatrice, inspirée par les traditions spirituelles africaines et amérindiennes, la chorégraphe clôt sa trilogie. Dans Borda, des présences invisibles surgissent, dans un ensemble en perpétuelle transformation.
Borda commence dans le silence, prend le temps de se dévoiler et de se mettre en mouvement. Au risque de dérouter. Au bout de quelques minutes, les visages des interprètes, grimaçants, apparaissent dans le grand tas de tissus monstrueux. Un tableau vivant, aux airs de scène sainte, se déploie. Progressivement, les personnages sortent de leur torpeur, s’agitent, changent de position, lâchent des paroles et des chants discrets. Le monde de Borda germe dans ce terreau fertile et fourmillant.
Les neuf interprètes, reliés les uns aux autres, évoluent comme un seul corps. En trainant la masse de tissu et plastique, comme devenue vivante, ils s’engagent dans un mouvement circulaire. Ce groupe compact et grimaçant rappelle l’expressivité théâtrale de May B (1981), pièce emblématique de la danse contemporaine signée Maguy Marin, dont certains costumes ont été empruntés pour ce spectacle. Mais Borda est loin d’être une redite du tube de Maguy Marin, dans lequel Lia Rodrigues a par ailleurs dansé (elle a fait partie de la compagnie de 1980 à 1982) et qu’elle a transmis aux jeunes de l’École libre de danse de Maré, fondée à Rio de Janeiro. Si la pièce inspirée de l’œuvre du dramaturge Samuel Beckett est peut-être un point de départ, elle change et se régénère avec un entrain contagieux.
Du plastique noir dégueule de la montagne blanche, évoquant une coulée de pétrole. Les parties du monstre se désolidarisent pour engendrer plusieurs hybrides : des créatures à deux ou trois corps, un homme à dix jambes, un homme aux ailes immenses ou des postérieurs nus calés sous les bras de danseurs alignés. Alors que la musique emplit le théâtre, dont les percussions et les chants rappellent le carnaval brésilien, figures et paysages surgissent, à coups de couleurs et de paillettes. La danse, énergique, constellée de gestes amples, souples et bien scandés, ne cesse de se métamorphoser. Malgré cet air instable et imprévisible, la chorégraphie millimétrée reste d’une cohérence saisissante. Grâce à sa puissance évocatoire, Borda donne accès à un monde débordant, complexe, en tension entre lutte et fête. Comme par magie.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Borda
Direction artistique Lia Rodrigues
Avec Leonardo Nunes, Valentina Fittipaldi, Andrey da Silva, David Abreu, Raquel Alexandre, Daline Ribeiro, João Alves, Cayo Almeida, Vitor de Abreu
Dramaturgie Silvia Soter
Collaboration artistique / regard extérieur Sammi Landweer
Création lumières Nicolas Boudier
Bande sonore Miguel Bevilacqua
Mixage et mastering Ronaldo Gonçalves
Équipe technique sur la tournée Nicolas Boudier, Magali Foubert et Baptistine Méral
Costumes Lia Rodrigues Companhia de Danças
Couturière Antonia Jardilino de PaivaProduction Lia Rodrigues Companhia de Danças
Coproduction Kunstenfestivaldesarts ; Maison de la danse, Lyon/Pôle européen de création, en soutien à la Biennale de la danse 2025 ; Chaillot – Théâtre National de la Danse ; CENTQUATRE – Paris ; Festival d’Automne à Paris ; Wiener Festwochen ; Festival La Bâtie – Comédie de Genève ; Roma Europa ; Pact Zollverein ; One Dance Festival ; Theater Freiburg ; Muffathalle ; Passages Transfestival ; Festival Perspectives ; Le Parvis, Scène nationale Tarbes Pyrénées ; Tanz im August ; HAU Hebbel am Ufer ; Théâtre Garonne, Scène européenne ; Le Lieu Unique, Scène nationale de Nantes
Avec le soutien de la Fondation Ammodo, Redes da Maré et Centro de Artes da Maré.Lia Rodrigues est artiste internationale associée au CENTQUATRE-PARIS et à la Maison de la danse/Pôle européen de création, en soutien à la Biennale de Lyon.
Durée : 1h20
Maison de la danse, dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon
les 6 et 8 septembre 2025Centquatre-Paris, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 12 au 17 septembreChaillot – Théâtre national de la Danse, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 19 au 21 septembreL’Azimut – La Piscine, Châtenay-Malabry, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
le 24 septembreThéâtre Joliette, Marseille, dans le cadre d’actoral
les 27 et 28 septembreLa Comédie de Valence
les 2 et 3 octobreLa Comédie de Clermont-Ferrand
les 6 et 7 octobre
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