Tout juste auréolée d’un Lion d’Or à la Biennale de Venise, Meg Stuart reprend BLESSED au Centre Pompidou. Créée en 2007 et déjà présentée la même année à Paris avec le danseur et chorégraphe Francisco Camacho, la pièce qui se situe entre le solo dansé et l’installation visuelle dépeint l’extrême fragilité de l’homme dans un état de dénuement total.
La danse de Meg Stuart aime à s’emparer de sujets forts, bousculants. Elle se réinvente à chaque fois pour rendre compte des bouleversements, des inégalités, des catastrophes dans le monde. Inspiré du passage de l’ouragan Katrina à l’été 2005 sur La Nouvelle Orléans, BLESSED met en scène une apocalypse superbement esthétique. Un palmier géant, un cygne majestueux, une simple cahute sont les éléments exotiques d’un paradis d’opérette à la facticité assumée. Ce monde de pacotille, seulement construit en carton, finit par plier puis s’annuler sous les trombes d’une pluie diluvienne. Sur un accompagnement musical aux accents New Age méditatifs, un danseur vêtu de blanc, prend l’allure d’un touriste en tongs de plage réincarnant le faune de Nijinski dont il pastiche avec malice la gestuelle cubiste. Il déambule strictement, suit d’imperturbables lignes droites et diagonales, jusqu’à ce que des torrents d’eau s’abattent sur lui et détruisent son environnement enchanteur.
BLESSED donne à voir un lent processus d’effondrement, de décomposition, qui rend les choses éphémères et l’homme immuablement vulnérable. Adoptant des réflexes de survie, l’homme désormais sans abris tente de bâtir un refuge puis un radeau en manipulant tristement les restes de décombres détrempés avant de tomber progressivement dans la folie. L’interprétation courageuse et habitée de Francisco Camacho, l’expressivité de ses mains, de son corps rampant, souffrant, replié dans son dénuement total, sont d’une telle intensité qu’elles donnent parfaitement chair et sensibilité à un discours politique salutaire même si un peu trop démonstratif.
Meg Stuart décrit une condition humaine incurablement précaire dans un monde illusoire et agonisant, celui de la société de divertissement et de consommation, dont tous les séduisants fétiches commerciaux et la spiritualité parfois douteuse s’affichent sans vergogne sur le plateau. Fringues, fourrure, allure, tout est objet d’artifice endossé par le corps nu, presque cadavérique, d’un être réduit à un mannequin manipulable et abusé, fragilisé par l’adversité. Humaniste, la fable est puissante comme sa représentation.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
BLESSED / Meg Stuart / Compagnie Damaged Goods et EIRA
Chorégraphie Meg Stuart. Créé avec et dansé par Francisco Camacho et Kotomi Nishiwaki. Musique Hahn Rowe. Dramaturgie Bart Van den Eynde. Installation Doris Dziersk. Costumes Jean-Paul Lespagnard. Lumière Jan Maertens. Assistant chorégraphie Abraham Hurtado. Chargée de la production Tanja Thomsen. Coordination technique Britta Mayer et Jan Maertens.Production Damaged Goods et EIRA. Coréalisation Kunstencentrum Vooruit (Gand), Volksbühne am Rosa-Luxemburg-Platz (Berlin), PACT Zollerein (Essen), Centro Cultural de Belém (Lisbonne). Coréalisation Festival d’Automne à Paris et Théâtre de la Bastille.
Meg Stuart et Damaged Goods sont soutenus par les autorités flamandes et la Commission de la Communauté flamande. Francisco Camacho et EIRA bénéficient du soutien du MC/IA.Du 7 au 9 février 2018
Centre Pompidou
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