La chorégraphe et nouvelle présidente de La Villette Blanca Li livre une version danse contemporaine de l’opéra de Purcell pour un groupe de dix interprètes. Une variation plus lisse qu’émouvante.
Quand elle ne s’intéresse pas aux nouvelles technologies – ROBOT en 2013 ou Le Bal de Paris en 2021, en réalité virtuelle –, ou qu’elle ne met pas en scène des danses urbaines – Casse-Noisette en 2022 –, Blanca Li chorégraphie aussi des opéras. En suivant cette voie, elle s’empare de Didon et Énée, l’unique opéra du compositeur anglais Henry Purcell. En une heure seulement, il raconte le passage du héros fondateur du mythe romain dans la ville de Carthage – au cours d’un périple de Troie à Rome – et son histoire d’amour avec la reine Didon, dans un ensemble teinté de passion, de sorcellerie et de séparation forcée par les dieux. La star andalouse, oeuvrant sur les scènes françaises depuis une trentaine d’années et nommée il y a quelques semaines présidente de La Villette, s’empare de cette œuvre baroque, à la fois mythe méditerranéen et histoire d’amour tragique, pour créer une pièce à la scénographie minimaliste, où une danse souple se déploie entre coucher de soleil et plateau mouillé.
Dix danseuses et danseurs vêtus de noir font onduler leurs bras en les balançant au-dessus de leur tête. Les voix lyriques et les notes de clavecin de l’interprétation de Didon et Enée par Les Arts Florissants de William Christie résonnent, un poil lointaines. Au fil des actes, défilent plusieurs paysages, fonds de scène orange, bleu ou aux volutes blanches, où les interprètes en jupe noire ou maillot de bain forment différentes figures – lignes, en cercle, quinconce, diagonales. Alors que l’intrigue se déplie, on attrape des bribes au passage : une étreinte entre Didon et sa suivante Belinda, les maléfices des sorcières aux doigts crochus, les amants séparés… Quelles subtilités de cet opéra tente-t-on de nous faire comprendre ? Difficile à dire, le récit flotte, à la fois littéral et flou. Difficile aussi de saisir les liens entre musique et danse, tant ils semblent décorrélés, sauf peut-être lorsque les performeur.eus.es lip-sync les paroles par fragments. Avec l’intention de souligner des moments importants de l’intrigue, ou de raccrocher les voix à leurs équivalents danseurs ? L’association semble ici arbitraire.
Les gestes, eux, sont habilement liés les uns avec les autres, faisant cohabiter pas de classique, figures de break, pulsations du buste vues chez Ohad Naharin, moulinets de mains au-dessus de la tête, empruntés au voguing ou waacking. L’ensemble est fluide, rappelant l’eau renversée sur la scène, sur laquelle les danseurs glissent au gré de traversées sur un genou à travers le plateau. Une manière de figurer les bateaux s’éloignant sur la Méditerranée ? Cette vision de carte postale peine toutefois à nous parvenir dans la confusion, ou peut-être à cause d’une chorégraphie lisse, sans signature remarquable. Malgré sa grâce, son élégance et son entrain, Didon et Énée n’a pas réussi à nous remuer.
Belinda Mathieu- www.sceneweb.fr
Didon et Énée
Mise en scène et chorégraphie Blanca Li
Avec Alizée Duvernois, Gaël Rougegrez, Julien Marie-Anne, Meggie Isabet, Victor Virnot, Coline Fayolle, Maeva Lassere, Martina Consoli, Gaëtan Vermeulen, Quentin Picot
Assistantes à la mise en scène et chorégraphie Glyslein Lefever, Déborah Torres Garguilo
Scénographie Blanca Li, avec la collaboration de Pierre Attrait
Assistante scénographie Nina Coulais
Musique enregistrée Les Arts Florissants – William Christie
Lumières Pascal Laajili
Assistant lumières Jean-Luc Passarelli
Costumes Laurent Mercier
Assistant costumes Ghjulia Giusti MuselliProduction Compagnie Blanca Li (Calentito)
Coproduction La Villette ; Chaillot – Théâtre national de la Danse ; Théâtre de Liège
Soutien Ministère de la Culture – DRAC d’Ile-de-France
Résidence Le Cube Garges
Enregistrement de la musique au Gran Teatre del Liceu de BarceloneLa Compagnie Blanca Li a effectué la création chorégraphique du spectacle dans ses studios de danse à la Fondation Fiminco (Romainville).
Durée : 1h15
Vu le 19 septembre 2024 au Théâtre de l’Olympia, Arcachon dans le cadre du Festival Cadences
La Villette, Espace Chapiteaux, Paris
du 17 au 31 octobreThéâtre de Liège
du 31 décembre 2024 au 2 janvier 2025KVS, Bruxelles
les 4 et 5 janvierMC2: Grenoble
les 9 et 10 janvierLe Cube Garges, Garges-lès-Gonesse
le 13 févrierThéâtre Alexandre Dumas, Saint-Germain-en-Laye
le 19 marsPalais des Festivals, Cannes
le 23 mars
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