Avec Betroffenheit création entre danse et théâtre la paire Pite/Young frappe fort. Au risque de nous perdre en chemin.
Rares sont les spectacles qui arrivent précédés d’une telle rumeur : couronné d’un Olivier Award -entre autre récompense Outre-Manche- et plus encore encensé par la presse et le public un peu partout en Europe Betroffenheit débarque enfin à Paris. On sentait ce soir de première à la Colline à une réelle attente. Deux heures pus tard une partie de la salle -et Aurélie Dupont avec elle- était debout pour saluer la troupe. Plus exactement les troupes : d’un côté Kidd Pivot soit les danseurs de Crystal Pite nouvelle étoile de la danse actuelle que la France découvre avec retard; de l’autre l’Electric Company Theatre de Jonathon Young. Ce dernier est d’ailleurs sur scène pour un impressionnant one man show où le texte et le mouvement sont étroitement imbriqués. Il raconte, ou plutôt se raconte. C’est un peu lui ce personnage traumatisé dont on ne sait plus trop si il est du côté des vivants ou des morts. Dans cet entre-deux il va croiser des fantômes et des voix. L’arrivée tonitruante de danseurs de cabaret maquillés vient bousculer ses certitudes. Plus tard ce sera un numéro de claquette qui paraît résonner dans sa tête jusqu’à la faire exploser.
Betroffenheit est tout entier traversé de séquences proprement vertigineuses où la gestuelle est d’une rare intelligence. Crystal Pite a été à bonne école, celle de William Forsythe pour lequel elle a dansé. Mais elle a su se débarrasser des tics que l’on retrouve trop souvent chez les anciens interprètes du maître américain. Betroffenheit n’est pas The Season’s Canon le ballet presque trop parfait de Pite pour l’Opéra de Paris. Ici la complexité le dispute à une ambition affirmée, celle de mélanger les disciplines. Sans jamais brouiller les pistes. A ce petit jeu Jonathon Young excelle tout comme Jermaine Spivey, son « double ». Manipulant une marionnette comme le cerveau du protagoniste principal, Spivey se voit offrir un solo dans le plus pur style Pite. Superbe.
Betroffenheit a aussi les défauts de ses qualités : l’ensemble est monté comme un long-métrage une série tv. Les scènes se succèdent dans un découpage millimétré. Au final cela laisse peu d’espace au spectateur pour entrer en empathie avec cet homme à la dérive. On a plus d’une fois le sentiment d’être pris en otage devant ces tableaux vivants. La maîtrise affichée par Crystal Pite et Jonathon Young n’en reste pas moins une rareté par les temps qui courent. C’est déjà beaucoup.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Betroffenheit
Une co-création de Kidd Pivot et Electric Company Theatre
Concept et scénario Jonathon Young
Chorégraphie et direction Crystal Pite
Composition musicale Owen Belton, Alessandro Juliani et Meg Roe
Décors Jay Gower Taylor
Costumes Nancy Bryant
Lumières Tom Visser
Chorégraphies additionnelles Bryan Arias and Cindy Salgado (salsa), David Raymond (claquettes)
Répétiteur Éric Beauchesne
Créé en 2015 – Durée 100 min
10 et 11 mai 2017 à la Maison de la danse – Première française
Théâtre National de la Colline
du 29 Mai au 2 Juin 2017
du lundi au vendredi à 20h30
spectacle en anglais surtitré en français
Programmation du Théâtre de la Ville hors les murs
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