Le Châtelet reprend la fastueuse production de Saül créée au festival de Glyndebourne en 2015. Son metteur en scène Barrie Kosky théâtralise et sensualise avec bonheur l’oratorio de Haendel.
Ce qui passionne dans l’oeuvre du génial directeur de la Komische Oper de Berlin, déjà très présent sur la scène lyrique internationale mais dont on découvre encore le travail en France, c’est qu’elle ne repose pas sur une seule et unique esthétique qui serait la marque de fabrique de son créateur mais aime au contraire voyager d’une forme, d’un univers à l’autre. Homme de théâtre prolifique et accompli, d’une éclatante vivacité, Barrie Kosky n’aime rien moins que brasser et varier les tons et les genres, s’adonnant passionnément à la tragédie essentialiste comme à la comédie musicale. Il ne cache pas sa gourmande appétence pour le spectaculaire et l’entertainment. Il fait souvent merveille dans le si difficile répertoire barque.
Mettre en scène Saül n’est pas mince affaire. Rarement représenté et inspiré d’un sujet biblique prenant pour point de départ le combat de David contre le géant Goliath, l’oratorio n’appelle pas l’action scénique. Pourtant, Kosky s’y prend de la plus étonnante des manières, c’est-à-dire en adoptant une théâtralité hyper affirmé se situant dans une veine profondément shakespearienne dopée à l’engagement total des interprètes. Danseurs, chanteurs, membres du chœur, tous exemplaires d’entrain et d’homogénéité, se sont couverts de gloire tout comme les musiciens issus de la formation Les Talens Lyriques dirigés avec tranchant et frémissement par Laurence Cummings qui sait mettre en valeur la beauté des sonorités.
Très enlevée, la première partie plante les rivalités entre le victorieux David et l’orgueilleux Saül dans le cadre orgiaque d’un banquet animé, soit autour d’une longue table qui regorge de fruits et de fleurs, de plumes et de gibiers. Plus austère et posée, la seconde partie met davantage l’accent sur la dégradation physique et psychique du rôle-titre enfermé dans son obtuse jalousie. L’inclinaison sévèrement pentue du plateau et son recouvrement d’une terre brune ne peuvent qu’annoncer la chute funeste d’un roi défait. Des bougies sont d’abord disposées, leurs flammes ardentes contrastent avec le sombre crépuscule qui règne. Puis, la lande nue reçoit les dernières errance d’un roi Lear plongeant dans la folie.
Cela a été magistralement incarné par Christopher Purves le soir de la première. Souffrant, le baryton habitué du rôle a dû renoncer à chanter mais s’est jeté corps et âme dans une incarnation physique époustouflante. C’est le jeune ukrainien Igor Mostovoi qui a chanté le rôle en fosse, non sans solidité mais en manquant tout de même d’aspérité. Autre défection notable, Benjamin Hulett n’a pas assuré comme prévu le rôle de Jonathan et a été remplacé par David Shaw, présent scéniquement. De la distribution, on retiendra surtout la silhouette sculpturale et le chant lumineux de Christopher Ainslie qui campe un David plein de sensibilité et la composition fantasque queer de Stuart Jackson qui combinait plusieurs personnages secondaires. Les rôles féminins ont été tenus avec une belle grandeur tragique. Karina Gauvin a fait montre de son superbe abattage. Tout a donc concouru à faire de de Saül une reprise particulièrement inspirée.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Saül de Haendel
Direction musicale
Laurence CummingsMise en scène
Barrie KoskyChorégraphie
Otto PichlerSaül, roi d’Israël/Apparition Samuel
Christopher PurvesMerab, fille aînée de Saül
Karina GauvinMichal, fille cadette de Saül
Anna DevinJonathan, fils de Saül et ami de David
Benjamin HulletDavid, successeur de Saül
Christopher AinslieLe Grand Prêtre / Doeg (un édomite) / Abner (général de l’armée d’Israël) / un amalécite
Stuart JacksonLa sorcière d’Endor
John Graham-HallDanseurs
Thomas Herron, Robin Gladwin, Hellyn Hebron, Merry Holden, Yasset Roldan, Gareth MoleCostumes et décors
Katrin Lea TagLumières
Joachim KleinEn anglais surtitré
Durée 3h15 avec entracte
Théâtre du Châtelet
Du 21 au 31 jan 1920
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