Avec Le Bal, Jeanne Frenkel et Cosme Castro poursuivent au théâtre une recherche autour du « métacinéma ». Sans réussir à nous entraîner dans la danse.
Tandis que le public prend place dans la salle du Monfort, les comédiens du Bal discutent entre eux au pied de la scène. D’emblée, l’excitation qu’ils manifestent les placent dans une situation d’étrangeté par rapport au théâtre. Et pour cause, il s’agit de la première mise en scène de Jeanne Frenkel et Cosme Castro, dont la pratique du « métacinéma » – « art consistant à projeter des films en même temps qu’ils sont tournés ou à tourner des films en même temps qu’ils sont filmés », selon leur définition – s’est d’abord orientée sur internet. En maître de cérémonie bavard et peu conventionnel, Thibaut Evrard lève l’ambiguïté. « Bienvenue à la projection de notre film ‘’Le Bal’’ », dit-il. L’écran blanc tendu sur toute la longueur de la scène fait sens. Pas pour longtemps.
Après quelques images montrant une bande de jeunes – la même que sur le plateau – en pleine préparation d’un bal, la projection s’arrête. Problème technique. Avec les moyens du bord, l’équipe décide alors de refaire en direct son film, dont l’argument est simple : lors d’une soirée de promo de fin d’année, deux anciens amoureux (Justine Bachelet et Julien Campani) se retrouvent. Alors que la jeune fille est accompagnée de son nouveau petit ami (Joris Avodo). Soit une tragi-comédie romantique largement inspirée de West Side Story, qui en cours de route se transforme en course-poursuite façon films de gangsters. Sans la dimension politique du drame lyrique adapté au cinéma par Jérôme Robbins et Robert Wise en 1961, ni la violence des films de genre.
Bien que porté par la belle énergie de ses 14 comédiens, Le Bal se distingue mal de ses modèles. Faute d’être assez affirmée et originale, la tonalité humoristique de la mise en abyme peine à relever les faiblesses de l’écriture. Quant au bricolage utilisé pour la reconstitution du film, il est trop souvent écrasé par les images projetées et par les bruyantes et dynamiques scènes de groupe pour s’imposer comme un élément dramaturgique structurant. À peine installé dans un avion de fortune, perché sur un échafaudage à roulettes, le couple central redescend poursuivre son escapade sur la piste de danse transformée en hôtel de passe. L’avion de papier qui symbolise leur ascension vers la lune apparaît quelques minutes à l’écran avant de laisser place à une scène plus réaliste. Elle-même rapidement balayée par une chorégraphie de style comédie musicale.
Malgré une profusion d’idées ingénieuses et le très bel accompagnement musical orchestré par Lou Rotzinger, Le Bal échoue ainsi à questionner profondément les rapports entre théâtre et cinéma. Dans le sillage des performances filmiques de Cyril Teste et des nombreux artistes qui explorent depuis une dizaine d’années les liens entre les deux arts en question, Jeanne Frenkel et Cosme Castro explorent simultanément trop de voies pour se démarquer ne serait-ce que dans une seule. Nous attendrons la prochaine danse
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Le Bal
Écrit et mis en scène par Jeanne Frenkel et Cosme Castro
Avec : Joris Avodo, Justine Bachelet en alternance avec Zoé Fauconnet, Julien Bouanich, Bastien Bouillon, Sigrid Bouaziz, Julien Campani, Arnaud Charrin, Thibaut Evrard en alternance avec Cosme Castro, Félix Kysyl, Basile Lacoeuilhe, Léo Poulet, Mathias Pradenas, Richard Sammel, Fanny Santer, Vladimir Seguin
Musique originale orchestrée par Lou Rotzinger
Accompagné de Théo Glaas et Guillaume Latil
Caméra : Robin Lachenal
Chorégraphie : Anai Castro Heyman
Costumes : Nathalie Saulnier
Scénographie : Jeanne Frenkel
Régie générale : Xavier Lescat
Régie plateau : Pierre Frenkel
Son : Rémi Parguel
Production exécutive : Assia Princet, Arthur Alagille et Paul Des Lyons
Production : La Comète ! Avec le soutien de Catherine Rimbaud – A.E.R.I, Xavier Lescat, Josie Peron, Anne Prigent & Jean-Philippe Frenkel, Jean Christophe Bonneau, et le CENTQUATRE – Paris.
Durée: 1h15
Le Monfort
Du 15 mai au 2 juin 2018
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