Le spectacle joué au Théâtre du Train Bleu, à Avignon, crée avec peu de moyen un monde d’images et de sensations autour de la fragilité de notre existence.
La poésie ne tient parfois à pas grand-chose. Un peu de sable, quelques rais de lumière, des nuages de vapeur qui tourbillonnent sur eux-mêmes, une petite marionnette à l’allure chétive… et hop ! Un monde prend forme et s’offre à nous, renvoyant chacun dans l’imaginaire pur et tendre de l’enfance. Avec Poussière, présenté au Théâtre du Train Bleu, à Avignon, la compagnie Infra ravive le théâtre de marionnettes, dans une mise en scène plastique et délicate.
Tout commence par la fin. L’univers tourmenté plonge la salle dans un chaos ambiant. Sous nos yeux, le monde disparaît petit à petit, balayant la vie sur son passage. Cette expérience monumentale n’est visible qu’à échelle réduite, dans le petit terrarium posé au centre du plateau. Avis aux spectateurs myopes, Poussière requiert une vue de lynx. Sans doute le spectacle n’est-il fait que pour être joué dans des salles intimistes, rendant l’expérience bien plus forte. Mais la distance entre le plateau et les gradins réduit déjà grandement le champ visuel du public installé au plus proche de la scène. Ceux des derniers rangs peineront – et c’est dommage – à saisir ce qui se joue dans le petit cylindre de verre.
C’est dans cet espace contraint que naît Poussière. Deux interprètes-marionnettistes, masqués derrière les rideaux noirs, animent avec un grand soin cette histoire quasi mythologique. Sans mots, le spectacle créé des images comme des poèmes. Des tourbillons de matière dessinent des paysages, sublimés par la musique classique. Là, un nuage de fumée devient l’émanation d’un volcan ; ici, des projections vidéo animent des aurores boréales. Avec trois fois rien, la compagnie Infra révèle un univers. Lorsque tout espoir de vie paraît éteint, une petite créature apparaît. Son corps n’est pas encore tout à fait défini. Il faut attendre que le temps fasse son œuvre et façonne dans l’atmosphère aride une présence née des cendres de l’humanité.
Ce petit être fait de poussière peine à se tenir debout, son corps vacille, son pas est mal assuré ; et nous confronte alors comme un effet miroir à notre vulnérabilité. La metteuse en scène Sophie Mayeux s’est directement inspirée de Pompéi et de ses corps figés à jamais. Pour quiconque ayant déjà observé les visages de la cité antique, la ressemblance est frappante. À sa manière, le spectacle explore la candeur enfantine des premiers instants, mais aussi l’inaction des Hommes devant les trépassements du monde et la destruction de notre environnement. Mais cette dimension politique n’est pas ce qui prime. Poussière est avant toute chose un voyage d’une grande beauté, porté par une jeune compagnie prometteuse, et démontre malgré sa forme courte, 45 minutes seulement, que la magie du spectacle ne nécessite pas toujours de grands effets.
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
Poussière
Mise en scène Sophie Mayeux
Avec Coline Ledoux, Tim Hammer
Création lumière et vidéo Stéphane Bordonaro
Régie plateau, jeu et manipulation Marie Boulogne en alternance avec Lila Maugis
Construction Ionah Mélin, Alma Roccella, Ninon Larroque
Conseil scénographie Jane Joyet
Dramaturgie Julie PostelProduction Compagnie Infra
Coproduction Le Grand Bleu – Scène conventionnée d’intérêt national Art, Enfance et Jeunesse (Lille), La Nef (Pantin), Espace Périphérique (Paris), Usinotopie (Villemur-sur-Tarn), Culture Commune – Scène nationale (Loos-en-Gohelle)Partenaires et soutiens DRAC Hauts-de-France, Région Hauts-de-France, Département de l’Oise, Spedidam, Aviama – Bourse Marionnettes et Mobilité, Collectif Jeune Public Hauts-de-France, Théâtre du Chevalet – Scène conventionnée d’intérêt national Art et création (Noyon), l’Oiseau-Mouche (Roubaix), Halle Roublot (Fontenay-sous-Bois), Le Tas de Sable-Ches Panses Vertes – Centre national de la marionnette (Amiens), Théâtre aux Mains Nues (Paris), Maison de la Marionnette (Tournai – BE) Ce spectacle bénéficie du soutien de la Région Hauts-de-France, dans le cadre du dispositif Hauts- de-France en Avignon.
Durée : 45 minutes
Festival Off d’Avignon 2023
Théâtre du Train Bleu
du 7 au 26 juillet, à 20h45 (relâche les 13 et 20)Ville de Betz, Communauté de communes de Crépy-en-Valois
les 18-19 octobreScène nationale de la Beauvaisie, Théâtre de Beauvais
Mai 2024
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