Aurélie Van Den Daele propose au Théâtre de l’Aquarium un diptyque autour de deux huis clos. Il s’agit d’une pièce de l’allemand Roland Schimmelpfennig et une adaptation autour de Cris et chuchotements de Bergman. Indéniablement Aurélie Van Den Daele a le sens de la mise en scène. On a de loin préféré la pièce de Roland Schimmelpfennig.
Dans Peggy Pickit voit la face de dieu de Roland Schimmelpfennig, deux couples de médecins qui se sont rencontrés sur les bancs de la faculté se retrouvent après quelques années d’écart. Karen et Martin ont fait le choix de s’investir dans l’humanitaire après leurs études. Ils rentrent d’Afrique et sont invités chez Liz et Frank, couple déjà embourgeoisé. Ils ont tellement choses à se raconter depuis toutes ces années. Mais leurs retrouvailles vont se solder par un échec car plus rien qui les relie. C’est en quelque sorte la révélation de l’abîme qui existe entre l’Afrique et l’occident. Alors cette soirée va devenir un cauchemar formidablement bien orchestré par Aurélie Van Den Daele et les quatre comédiens.
Un vieux disque en bout de course tourne en boucle sur une platine. Un bruit indisposant qui ne semble pas troubler ces deux couples. Liz et Frank ont eu une fille, Karen et Martin en ont adopté une qu’ils n’ont pas ramenée en Europe. Cette pièce sur l’incommunicabilité est habilement construite par Roland Schimmelpfennig qui utilise les dialogues comme des partitions musicales. Les vérités ne sont pas toute dites pendant dans la soirée, mais l’auteur allemand les révèle par des apartés qui sont jouées par les comédiens dans le noir. Ce jeu habile crée un nombre incalculable de ruptures dans la mise en scène. Les dialogues s’arrêtent pour laisser les non-dits s’installer dans le noir, puis les comédiens reprennent les conversations et des bouts de phrases là où ils les avaient laissés. L’effet répétitif était casse-gueule mais il est parfaitement maîtrisé par Aurélie Van Den Daele. Cette pièce est un pur bonheur.
Dans l’adaptation de Cri et chuchotements par Elsa Granat, il est aussi question d’incommunicabilité entre trois sœurs. Agnès se meure. Elle réclame Karin et Maria à son chevet dans son atelier de photo qui va servir de mouroir. La pièce est sombre, pesante mais très bien scénographiée. On observe cette cellule familiale oppressante. La tension monte peu à peu entre les trois sœurs mais elle n’est pas aussi bien incarnée que dans le Roland Schimmelpfennig. Ici le jeu des comédiens est plus en retenu, moins dans la chair et dans le pathos. On comprend bien la volonté d’Aurélie Van Den Daele de coller au plus près de la vision de Bergman. Mais ce qui fonctionne à l’image, ne fonctionne pas toujours sur scène. Et dans cette atmosphère clinique, face à la douleur de la maladie, on aurait aimé ressentir plus d’émotion dans le jeu des comédiens. Cela dit l’ensemble donne un bel exemple du travail ciselé d’Aurélie Van Den Daele qui sait utiliser l’espace scénique et qui fourmille d’idées de mise en scène.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
> PEGGY PICKIT VOIT LA FACE DE DIEU
de Roland Schimmelpfennig (Éd. L’Arche)
mise en scène Aurélie Van Den Daele
avec Gwendal Anglade, Lorraine de Sagazan, Sol Espeche, David Seigneur
assistant à la mise en scène Grégory Fernandes, scénographie, lumières et son Collectif In Vivo (Chloé Dumas, Julien Dubuc et Samuel Serandour), costumes Laetitia Letourneau, conception visuelle / photographie Marjolaine Moulin
Deux couples d’amis, anciens étudiants en médecine, se retrouvent pour un dîner cosy. Le premier a construit sa vie ici, dans le confort bourgeois d’une vie sans histoires, tellement sans histoires… L’autre couple (l’invité) avait choisi d’exercer dans un pays du tiers-monde : Mais que reste-il de ce bel engagement, quand la guerre et la maladie les ont obligés à s’enfuir brusquement ? Et qu’ont-ils fait de la petite fille qu’ils avaient adoptée là-bas ?
Sous le vernis de la conversation entre amis, affleurent les désarrois les plus intimes, explose le malaise d’un Occident désorienté…
production : Deug Doen Group
coproduction : Ferme de Bel Ebat- Guyancourt et le théâtre de l’IMR de la Verrière ; avec le soutien du Collectif 12 à Mantes la Jolie et de la Ferme du Mousseau-Elancourt ; avec l’aide à la création du Conseil Général des Yvelines.
Avec l’aide du Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes dans le cadre de résidence de répétitions et de présentation d’étapes de travail et d’ARCADI dans la cadre des plateaux solidaires. Ce projet a fait l’objet d’une première session de travail présentée dans le cadre des petites formes de fin d’études de la formation à la mise en scène du CNSAD (Conservatoire National supérieur d’art dramatique de la ville de Paris).Durée; 1h10
> DANS LES VEINES RALENTIES
d’après Cris et chuchotements d’Ingmar Bergman
Texte d’Elsa Granat
mise en scène Aurélie Van Den Daele
avec Aurore Erguy, Julie Le Lagadec, Marie Quiquempois, Antoine Sastre, Aurélie Toucas
assistant à la mise en scène Grégory Fernandes, scénographie, lumières et son Collectif In Vivo (Chloé Dumas, Julien Dubuc et Samuel Serandour), costumes Laetitia Letourneau
La grave maladie d’Agnès réclame ses sœurs à son chevet. Mais n’est pas la plus malade celle qui sait ses jours comptés : Comme les photos que développe encore Agnès dans leur bain chimique, c’est toute l’histoire d’une fratrie qui se révèle empoisonnée par les non-dits, les jalousies, les empêchements. Pourtant, peu à peu, la vie se remettra à chuchoter dans le secret des cœurs…
production : le Deug Doen Group. Ce projet a reçu le campagnonnage de la DRAC Île-de-France (Théâtre Cazaril dirigé par Antoine Caubet / Deug Doen Group dirigé par Aurélie Van Den Daele).
avec l’aide à la création de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin en Yvelines.
coproduction : la Ferme du Mousseau, l’IMR-Théâtre de Chair de la Verrière. Avec l’aide du Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes et d’ARCADI dans le cadre des Plateaux Solidaires.Durée: 1h20
Théâtre de l’Aquarium
du 1er au 30 novembre 2014
du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h
AVANT L’OUBLI, SE RETROUVER
2 spectacles à voir ensemble ou séparément
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