Dans un monde lointain, des scientifiques arrivent sur une source géothermique ou volcanique qui émet les signes d’une activité prochaine. Bien décidés à ne pas manquer l’éruption annoncée, ils installent un campement scientifique et se mettent à sonder et analyser le sol environnant dans l’attente de l’évènement. Après quelques secousses, le volcan entre soudainement en éruption et les scientifiques assistent alors à une puissante coulée pyroclastique… sonore ! Une éruption de sons parvenus des profondeurs jaillit soudain. Il s’agit de voix humaines, et plus précisément de chants d’opéra, véritable magma sonore en fusion et sous pression. Sans comprendre l’enjeu et la nature véritable de ces sons, les scientifiques saisissent cependant qu’il s’agit là d’échos du passé – notre passé, le passé de la Terre – et vont tâcher de fixer, d’isoler cette matière fuyante pour pouvoir l’analyser et la comprendre. D’une part, se posera la question de savoir quoi faire de ces reliquats sonores du passé. D’autre part, cette étape marquera le début de l’expérience sensible de la mission, où l’exposition prolongée à cette matière risque de durablement modifier les sensations des scientifiques et leur rapport au groupe…
J’ai cherché la manière la plus concrète de mettre en scène, ou plutôt mettre en art, ce combat à la fois intime et civilisationnel entre force de perte et de conservation. L’idée d’effectuer l’archéologie de notre propre présent par le truchement d’un monde lointain (dans le temps et/ou dans l’espace) s’est alors imposée. Pour illustrer cette tension de manière concrète, j’ai eu l’envie de partir d’une passion personnelle, l’opéra, et plus particulièrement le chant lyrique, la voix. Un art relativement récent (l’Orfeo de Monteverdi, créé en 1607, est souvent donné comme date de naissance de l’opéra) qui depuis ses débuts fait mourir nombre de ses personnages. Un art qu’on considère régulièrement comme élitiste, sénile, moribond, on pourrait même dire comme Boulez que la mort de l’opéra est peut-être sa plus belle tradition. Un art qui relève pourtant par sa magnificence et son expressivité hyperbolique d’une célébration du monde, comme un cri, une ode à la vie. Michel Poizat, dans L’Opéra ou le cri de l’ange, réinterprète l’histoire de l’opéra au travers d’une tension entre parole et musique, respectivement entre langage et jouissance : prima la musica o prima le parole ? Mouvement de balancement qui fait apparaître un seul et unique point de fuite : la recherche d’un cri (et de son conséquent : le silence). Celui de l’enfant à sa naissance – du latin in-fans qui ne parle pas –, celui de la mort de Lulu sous les coups de Jack l’Éventreur dans l’opéra éponyme d’Alban Berg, jusqu’au cri – de rage, de peur, de colère – de notre civilisation. Un art qui me semble donc capable de parler de notre époque capitaliste. Capitalisme triomphant au XIXe siècle et décadent (et critiqué) depuis. Mais là où la mort de l’opéra est l’occasion perpétuelle d’un réenchantement du monde, le monde capitaliste est un opéra dont la croissance infinie est souffle d’épuisement, vers une mort inéluctable.
Romain Daroles
Ars Nova
Conception
Romain DarolesCollaboration artistique et écriture
Marion Chabloz
Mathias Brossard
François-Xavier RouyerAvec
Mathias Brossard,
Marion Chabloz,
Romain Daroles,
François-Xavier RouyerScénographie et costumes
Mélissa RouvinetAccessoires
Mélissa Rouvinet
Achille DubauCréation son
Charles-Edouard de SurvilleRégie son
Philippe de RhamCréation lumière et régie générale
Achille DubauAdministration et diffusion
Marianne AguadoChargé de production
Simon HildebrandProduction
La Filiale Fantôme
ISKANDAR
Collectif CCCCoproduction
Théâtre Saint-Gervais Genève Théâtre Vidy-LausanneSoutien
Soutien en résidence de la vie brève – Théâtre de l’Aquarium, Fondation SIS, La Fondation Ernst Gohner, Fondation Leenaards, La Grange, Centre / Art et Sciences / UNIL, Pro Helvetia, soutien en résidence Association OPNA, Fondation Jan Michalski pour l’écritureCréation mars 2024
Remerciements
Diane Albasini, Anne Costes, Jean-Marc Cuenet, Alain Borek, François Gremaud, Roman Hüben, Laura Rehm, Christian Rehm, Sibylle Portenier, Thomas Beimowski, Mathieu Dorsaz et Amaranta Fontcu.du 26 février au 9 mars 2025
Théâtre de Vidy-Lausanne
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