Le chorégraphe présente en première mondiale au Festival d’Avignon une nouvelle pièce de grande ampleur dont l’énergie est séduisante, car généreuse et enfiévrée, mais qui manque parfois d’originalité.
Inspiré par les mouvements de protestation qui se multiplient à l’échelle mondiale à l’image des marches pour les femmes ou le climat, Black Lives Matter ou les Gilets Jaunes, Jan Martens s’interroge sur la manière dont s’investit l’espace pour y exprimer un désir commun de mobilisation et de contestation. Cultivant l’envie de convoquer cette dynamique de résistance au plateau, il signe une pièce dont le titre any attempt will end in crushed bodies and shattered bones est emprunté à un discours adressé par le président chinois Xi Jinping à des manifestants.
Finalement, les préoccupations sociétales n’occuperont pas le premier plan de cette création où un propos politique et dénonciateur des nouveaux populismes n’apparaît que de manière furtive et absconse. En revanche, la pièce se découvre davantage comme une joyeuse et rassembleuse célébration de la danse et des danseurs. Habitué à des formes intimistes, l’artiste s’offre l’occasion de se confronter à un grand format pour lequel il réunit un effectif important de 17 danseurs de tous âges, toutes origines, tous horizons. Une multitude d’identités et une nette diversité permettent de voir se constituer au plateau une sorte de micro-communauté contemporaine pour qui la danse tend à garantir la possibilité de s’affirmer, de se revendiquer. Jan Martens a à cœur que chaque danseur porte une histoire personnelle et s’illustre d’abord dans une partition qui lui est propre. Il travaille pour cela autant sur le collectif en mettant en scène d’importants effets de masse que sur les individualités. Inévitablement, certains se démarquent plus que d’autres.
Investissant la scène totalement nue, un à un, puis par groupes, les danseurs déploient progressivement une frénésie survoltée, mais toujours maîtrisée. Ils se distinguent à travers des gestes frontaux et disloqués qui épousent les entêtants martèlements du Concerto pour clavecin et orchestre de Górecki répété à l’envi et évoquant les pulsations primitives d’un Sacre du printemps. Le geste qui repose sur l’accumulation et la profusion vient soudainement s’immobiliser et se dépouiller à l’occasion de longues marches rectilignes faisant s’apparenter la pièce à un sit-in scénique. Dans l’accalmie, se fait entendre la voix archi musicale de Kae Tempest qui offre un rare moment d’émotion, avant que la troupe, à nouveau dynamisée, et cette fois délestée de ses uniformes gris, ne revienne à l’état d’ébullition pour livrer un final écarlate apothéotique.
Jan Martens aborde donc sa pièce la plus maximaliste avec une gourmandise tout à fait palpable et assumée qui réjouit. La danse se présente comme une synthèse de son travail souvent axé sur l’itération et l’amplification du mouvement jusqu’à la saturation. Elle est aussi la convocation de sources d’inspiration aussi illustres que variées, à commencer par Lucinda Childs et Keersmaeker entre autres (trop) nombreuses citations qui confèrent à la représentation un caractère sans doute un peu trop impersonnel et étonnamment classique. Il n’empêche qu’any attempt… est traversé par de belles envolées. L‘humour y abonde et on retiendra notamment les réjouissants accents histrioniques de Steven Michel et de toute une troupe en grande forme.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
any attempt will end in crushed bodies and shattered bones
Chorégraphie Jan Martens
Avec Ty Boomershine, Truus Bronkhorst, Jim Buskens, Baptiste Cazaux, Zoë Chungong, Piet Defrancq, Naomi Gibson, Kimmy Ligtvoet, Cherish Menzo, Steven Michel, Gesine Moog, Dan Mussett, Wolf Overmeire en alternance avec Pierre Bastin, Tim Persent, Courtney May Robertson, Laura Vanborm, Loeka Willems en alternance avec Georgia Boddez
Collaboration artistique Anne-Lise Brevers
Lumière Jan Fedinger, Vito Walter
Costumes Cédric Charlier, Thibault Kuhn, Alexandra Sebbag
Regards extérieurs Marc Vanrunxt, Renée Copraij, Rudi Meulemans, Siska Baeck
Musiques additionnelles Henryk Górecki, Kae Tempest, Max Roach, Abbey Lincoln
Texte extrait de Spring de Ali Smith avec la permission de Wylie AgencyProduction GRIP
En collaboration avec Dance On Ensemble
Coproduction deSingel (Anvers), Theater Freiburg, Sadler’s Wells (Londres), Festival d’Avignon, Julidans (Amsterdam), Le Gymnase CDCN Roubaix Hauts-de-France, Norrlandsoperan (Umeå, Suède), La Bâtie Festival de Genève et l’Association pour la danse contemporaine Genève, tanzhaus nrw (Düsseldorf), Le Parvis Scène nationale Tarbes-Pyrénées, La Danse en grande forme (projet A-CDCN : CNDC Angers, Malandain Ballet Biarritz, La Manufacture – CDCN Nouvelle-Aquitaine Bordeaux – La Rochelle, CCN de Caen en Normandie, L’échangeur – CDCN Hauts-de-France, CCN de Nantes, CCN d’Orléans, Atelier de Paris / CDCN, Collectif Fair-e CCN de Rennes et de Bretagne, Le Gymnase | CDCN Roubaix Hauts-de-France, Pôle Sud CDCN Strasbourg, La Place de La Danse CDCN Toulouse Occitanie), Perpodium (Anvers)
Avec le soutien de De Grote Post (Ostende), Charleroi Danse, Théâtre d’Orléans, December Dance – Concertgebouw and CC Brugge (Bruges), le gouvernement flamand, Ville d’Anvers, Tax Shelter du gouvernement fédéral de Belgique, Cronos Invest
Avec Les Hivernales – Centre de développement chorégraphique national d’AvignonDurée : 1h30
La Villette
dans le cadre de la sasion hors les murs du Théâtre de La Ville
du 11 au 13 mai 2023
Grande Halle
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