Au Théâtre de la Criée, à Marseille, Antichambre de la compagnie Stereoptik raconte par deux fois et selon des itinéraires (comme des formes et des médiums) différents une rencontre amoureuse entre un homme et une femme.
Depuis 2008 et leur premier spectacle Stereoptik – opus qui a, peut-être, donné autant son intitulé que son identité à la compagnie –, Romain Bermond et Jean-Baptiste Maillet creusent au fil de leurs créations leur sillon : soit la fabrication live d’un monde animé. Un univers où par la convocation de divers procédés et médiums (la peinture ; le dessin fixe comme animé ; les théâtres d’ombres, de papiers, d’objets ou de marionnettes ; le film muet ; la présence d’une musique acoustique comme électronique, etc.) des histoires se déploient. De spectacles en spectacles, ce qui fonde leur esthétique se prolonge, s’enrichit tout autant que s’amende, dans un travail de variation autour de mêmes motifs – celui de la rencontre amoureuse et de ce qu’elle suscite intimement ayant déjà nourri plusieurs spectacles (Stereoptik, Stellaire).
Programmé à la Criée dans le cadre de la dixième édition d’En Ribambelle ! (festival dédié aux arts de la marionnette et au théâtre d’objets), Antichambre commence par un spectacle mêlant nombre des procédés précités, avant de se prolonger avec un film d’animation. Sobrement intitulée « recherches de création », la première partie se déplie autant sur le vaste écran occupant le centre de la scène qu’au plateau. Installés pour l’un à cour, pour l’autre à jardin, les deux artistes sont entourés d’une myriade de médiums et d’instruments auxquels ils recourent au fil du spectacle, le résultat de leurs expérimentations étant projeté live. L’histoire narrée sans aucun recours à la parole débute modestement : d’abord par un son, le bourdonnement agaçant d’une mouche, puis visuellement. Et comme à l’image de nombre d’œuvres, qu’il s’agisse d’un film, d’un roman, d’une BD ou, encore, d’un spectacle, Antichambre commence avec des notes et des esquisses compilées au crayon de papier dans un carnet. Projetés sur l’écran occupant le centre de la scène, ces croquis cèdent la place à d’autres procédés d’animation.
L’on arpente ainsi des espaces et des géographies naturelles (forêt, montagne, etc.) ou urbaines (rues, immeubles), des territoires vastes et d’autres très intimes (mansarde avec vue sur les toits). Dans cet univers éclectique, volontairement fragmentaire et en transformation constante, l’homme et la femme dont on suit la rencontre ne sont que des silhouettes. Des figures dont les émotions et les réflexions prennent corps graphiquement, et l’on découvre à travers leur début de relation leurs rêves, leurs projections imaginaires et leurs fantasmes. Autant de sentiments, de pensées, d’espoirs, de rêves et de craintes permettant également de passer d’une technique à l’autre, de glisser de la craie blanche sur une ardoise à des superpositions de calques aux couleurs chatoyantes. Au gré de cette succession de séquences largement soutenue par la création musicale, le public a tout loisir pour relier ces fragments et se raconter « sa » version de l’histoire.
Suit le film d’animation qui agrège et réagence ce qui a précédé. À découvrir cette seconde partie, force est de constater que son intérêt et sa force sont bien moindres. Outre que le récit de la rencontre de ce couple hétérosexuel est plus linéaire, la fascination face à la construction et à l’animation des images a, de fait, disparu. Les coulisses de la recherche (l’antichambre) ayant abouti à l’existence du film se révèlent plus puissantes que les seules images, certaines étant un brin banales. La virtuosité de l’ensemble s’incarne dans l’ingéniosité et l’inventivité perpétuelles du duo d’artistes-bricoleurs, leur capacité à enchaîner les techniques, la plasticité sidérante de certains artifices – ce qui relève du théâtre, donc. Si l’on peut au passage regretter la permanence du motif de la rencontre amoureuse comme arc narratif, l’intérêt d’Antichambre réside non pas dans son aboutissement mais dans ce que suscite l’articulation des deux parties. En suivant chacune leur propre dramaturgie et cheminement avec les mêmes éléments, Antichambre nous (re)dit avec intelligence que la forme et le fond sont toujours en dialogue, tout en nous rappelant la liberté interprétative de chacune et chacun face à une histoire. Le goût du jeu exprimé par ailleurs dans la polysémie du titre « Antichambre » (mot dont l’origine hybride renvoie à la « camera », un terme italien qui, s’il désigne la « chambre », se révèle ici un faux-ami ludique par son sens tout cinématographique) peut se lire comme une invitation à chaque spectatrice et spectateur à recomposer à sa guise une histoire, toutes les histoires (y compris la sienne), en en explorant tous les possibles.
Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr
Antichambre
de et par Romain Bermond et Jean-Baptiste MailletPRODUCTION
STEREOPTIKCOPRODUCTION
Théâtre de la Ville-Paris, Le Trident – Scène Nationale de Cherbourg-en-Cotentin, Le Parvis – Scène Nationale Tarbes Pyrénées, Lux – Scène Nationale de Valence … (en cours)DIFFUSION ADMINISTRATION
Les 2 BureauxSTEREOPTIK est artiste associé au Théâtre de la Ville-Paris et à l’Hectare, scène conventionnée de Vendôme. Ses projets sont soutenus par La Criée, Théâtre national de Marseille.
STEREOPTIK est en convention avec la DRAC Centre Val de Loire – Ministère de la Culture et la Région Centre Val de Loire.Durée : 50 min
Du 22 au 24 septembre 2023
Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes
Théâtre de Charleville-Mézières Place du Théâtre, Charleville-Mézières3 et 4 novembre 2023
La Criée – CDN 30 Quai de Rive Neuve, Marseille, France
Festival en Ribambelle16 novembre 2023
Lux – scène nationale de Valence Valence, FranceDu 13 au 23 décembre
Théâtre de la ville Place du Chatelet, Paris, France26 janvier 2024
Le Forum – Théâtre de Falaise Boulevard de la Libération, Falaise, France27 janvier 2024
Théâtre des deux rives 107 rue de Paris, Charenton-le-Pont, France16, 17 et 20 février 2024
Le Forum – Théâtre de Falaise Boulevard de la Libération, Falaise, France22 et 23 février 2024
Le Trident – Scène nationale Cherbourg-en-Cotentin Pl. Général de Gaulle, Cherbourg-en-Cotentin, France21 mars 2024
L’Hectare – Territoires Vendômois 8 Rue César de Vendôme, Vendômedu 26 au 28 mars 2024
La Garance – Scène nationale de Cavaillon Rue du Languedoc, Cavaillon4 et 5 avril 2024
MC2: Grenoble
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