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On ne badine pas avec le couple

A voir, Avignon, Les critiques, Paris, Théâtre



photo Lucie Gautrain



Avec Le Boxeur invisible, Anna Bouguereau signe sa deuxième pièce et s’attaque au sujet du couple avec une maturité nouvelle. Au plateau, aux côtés de Jean-Baptiste Tur qui prend en charge la mise en scène, ils forment un duo lumineux en lutte avec le réel, aux prises avec l’enfance. Vivant et vibrant.

Pour sa deuxième pièce, Anna Bouguereau prend pour cible le parangon de notre structure sociale, lieu ambivalent perclus de contradictions, écrin du sentiment amoureux libre et volatile autant que norme commune vecteur de conformisme comportemental. La conjugalité comme le point de réunion des contraires, le terreau du vivre ensemble, la surface de projection de nos fantasmes et illusions, le berceau de l’amour autant que de la haine. Le couple ou la cristallisation des paradoxes. Le sujet pourrait sembler rebattu, il ne l’est pas car il est inépuisable. Ce qui compte, c’est la façon dont on l’attrape, l’angle par lequel on l’aborde, le regard posé dessus. Après Joie, monologue sensible et délicat hanté par les émois de la jeunesse, Anna Bouguereau accouche d’une nouvelle partition, à deux voix cette fois et passe un cap notoire dans l’écriture. La vie est passée par là, la maturité, la clairvoyance et cet écartèlement inconfortable entre l’inéluctable lucidité et l’envie tenace de s’accrocher à nos anciennes croyances. Son texte gagne en complexité, en nuances et ambivalences, il s’offre à nous dans sa dimension poétique délectable autant qu’il échappe dans sa part d’ombre et de mystère. Entre fable onirique et enfantine et sociologie du couple, la pièce oscille entre frontalité implacable des situations et fiction tendre et grinçante. On y glisse sans transition des jeux dangereux de l’enfance à la réalité de la vie à deux, de la rivière de tous les possibles aux quatre murs de la cuisine, de la première rencontre à l’engagement pour longtemps, de l’existence qui se projette et s’invente à l’engluement du quotidien, la répétition des gestes et des jours qui passent.

A la mise en scène, Jean-Baptiste Tur orchestre ce duel amoureux dans un rapport de miroir et de porosité avec le public. Il ne cherche pas à expliciter rationnellement les zones floues de la narration, au contraire, il leur donne la possibilité de s’épanouir au plateau pour que chacun.e puisse projeter sa propre perception. En limitant la scénographie à un mobilier minimal, une table qui fait office de cuisine, salon, chambre, appartement, il lui confère une valeur métonymique et singulièrement symbolique. A mesure que la table s’augmente de rallonges, leurs corps s’éloignent en même temps que l’embourgeoisement irréversible qui agrandit leur cadre de vie. En tenue de mariés, comme des enfants qui se déguisent et jouent la grande scène de l’amour, Anna Bouguereau et Jean-Baptiste Tur, endossent tout à la fois la narration et les personnages dans un mélange d’incarnation et de distanciation traversé avec fluidité. Il était une fois deux enfants, Clara et Juan. L’enfance ici n’est pas insouciante, elle porte déjà en elle son lot de violence. Elle porte déjà en elle la tragédie à venir. On ne badine pas avec l’amour. Sinon on le tue. A petit feu ou d’un coup sec, comme on écrase une grenouille dans son poing.

Les scènes s’enchaînent sans souci de chronologie puisque nous sommes plongés dans une temporalité qui échappe à la logique et à la raison, une temporalité des affects qui ressurgissent, une temporalité du cœur qui se gonfle d’ardeur et s’étiole sous les peurs. L’enfance ne finit jamais. Elle revient, elle poursuit, elle s’acharne, elle s’invite à la table malgré la mélancolie, malgré les angoisses, malgré les crispations et les tensions, les malentendus, les incompréhensions. Lumineuses de justesse et de finesse, les situations s’accordent avec la vie, la vraie, sans psychologie superfétatoire, dans l’escalade des phrases blessantes, les tentatives de se comprendre, l’enchevêtrement des rêves et du réel, l’échec à se faire du bien et la facilité à se faire du mal et cette façon, maladive et déplorable, de voir le mal partout quand tout va bien. Anna Bouguereau décortique le huis clos d’une relation hétérosexuelle basique et traditionnelle aujourd’hui, héritière de générations d’injonctions, de rôles assignés, de scènes de ménage, réceptacle d’une violence externe tentaculaire et envahissante, terreau de nos névroses, attentes déçues, projections fausses. Interprètes funambules et de haut niveau, Anna Bouguereau et Jean-Baptiste Tur se prêtent au jeu de Juan et Clara avec un mélange de candeur et de gravité. Beaux, généreux, entiers, ils se donnent la réplique comme s’ils jouaient leur vie. Le public ne s’y trompe pas. En apnée, bouleversé, il résonne de concert avec les multiples tonalités de la petite musique de l’amour, tantôt rieur, tantôt pétrifié d’émotion.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Le Boxeur invisible
texte Anna Bouguereau
mise en scène Jean-Baptiste Tur
avec Anna Bouguereau et Jean-Baptiste Tur
scénographie Lucie Gautrain
lumière Carine Gérard
production, diffusion, administration Les singulières – Léa Serror, Loyse Delhomme et Mahis Leroux
Production Compagnie QUATRE VINGT NEUF – Coproduction Scène nationale d’Aubusson, Théâtre de Lorient – Centre dramatique national, Théâtre de l’Etoile du Nord et Antisthène. Avec l’aide à la création de la ville de Paris – Soutiens Gare au Théâtre, Théâtre du Beauvaisis – scène nationale, Théâtre de l’Aire Libre, Le Grand Bain et Fragment(s)#8, Studios Virecourt. © photo : Lucie Gautrain

Durée : 1h

Du 21 mars au 1er avril 2023
Au Monfort (cabane) – Paris 15

Juillet 2023 au Théâtre du Train Bleu
Dans le cadre du Festival d’Avignon Off

27 mars 2023/par Marie Plantin
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