Comme la théorie du tout qui visent à unifier la mécanique quantique et la relativité générale, cette pièce a tout d’abord été un projet visant à concilier deux domaines aux abords quelque peu antithétiques : La science et le théâtre. Vous épargnant la dissertation potentiellement indigeste bien qu’intéressante sur « l’art et la science », le projet a, au fur et à mesure des recherches, pris des allures biographiques.
Parti d’une question « Quel est la part de l’inné et de l’acquis en chacun de nous ? Le destin existe-t-il ? La fatalité ? », puis d’une réflexion (déjà abordé, je tiens à le souligner car il est probable
que mon inconscient est fait le lien lors de mes recherches, par Eric-Emanuelle Schmitt dans le roman « la part de l’autre » .) sur ce qui fait de nous ce que nous sommes, les événements qui nous conduisent de la naissance à la mort : qu’est-ce qui fait que ma vie est ce qu’elle est ?
L’écriture a donc d’abord été une réflexion philosophique sur « l’innée et l’acquis » et sur la question de « la fatalité » ou « destinée ».
Dans le même temps je commence à chercher un sujet plus théâtrale que cette « simple » réflexion. C’est un peu par hasard que mon chemin à croisé celui de Marie Curie (le destin ?), ne connaissant que très succinctement sa vie et son œuvre j’ai passé des mois à découvrir (disons-le nous tous de suite) un destin hors du commun et une œuvre scientifique ayant aujourd’hui encore des répercutions et des applications flagrantes.
Mais un problème c’est rapidement posé face à cette figure immense. Avec une vie si dense et complexe, il fallait trouver un angle d’attaque pertinent, qui bien que ne contenant pas l’entièreté de sa vie, soulignerait avec délicatesse la personne de Marie Curie. Le choix d’une approche « intimiste » c’est très vite imposé mais celui des climax de sa vie s’est avéré beaucoup plus long et laborieux : Comment faire quand la vie même d’une personne est un climax ?
Lisant et relisant des biographies de proches et de journalistes, je me perds petit à petit dans les détails de sa vie, même les anecdotes de ses vacances en Bretagne me fascinent, je suis perdu.
Partir de son enfance en Pologne, la perte de sa mère, de sa sœur, l’oppression ? Son adolescence déjà brillante, son père fervent défenseur de la science et du savoir, son sacrifice pour sa sœur « tu étudiera, je travaillerais pour te payer tes études », son départ (enfin) pour Paris et le début de ses études, sa rencontre avec Pierre Curie, leur œuvre ? Je n’arrive pas à me décider et change d’avis à longueur de temps.
Finalement, comme une évidence, une première scène se dessine : La mort de Pierre Curie. Quel meilleur point de départ que la renaissance forcée de cette femme. Si la vie de Marie Curie était une courbe, la mort de Pierre Curie est probablement le point le plus bas. Une chute soudaine pour une remontée douloureuse, précaire, et ralenti par des asymptotes d’ordre sexiste et nationaliste. L’étude poussée de sa vie m’a permis, partant donc de la mort de Pierre Curie en 1906, de faire des liens entre son passé et ce présent choisi. C’est donc tout naturellement que son présent s’est mêlé à son passé, torturé à la fois par cette vie passée et par la dureté de la réalité.
Pendant un moment seul cette scène est demeurée écrite. La Mort de Pierre Curie. Puis viens l’échéance Carte Blanche. L’épreuve du feu, je décide dès décembre 2017 de parler de mon projet à quelques-uns de mes camarades. Je leur présente la scène le potentiel TFE que je veux en faire et en février le moment est venu. 5 min. C’est le temps d’une carte blanche que le projet c’est vraiment lancé. Encouragé par mon
professeur et mes camarades, je me plonge dans la suite de l’écriture. De nouvelles idées et points de vues ont été apportés. La question de la transmission est évoquée par mon professeur, l’importance de parler aujourd’hui d’une femme si marquante dans l’histoire et pourtant mal connue. On me surligne le côté ostensiblement féministe de mon projet (trait que je n’avais, je le confesse, pas vraiment voulu souligner avant qu’on me le mette sous le nez…).
Mais j’ai également conscience du côté (à ce moment-là) un peu trop « dictionnaire » ou biographique. Cette pièce se prend trop au sérieux et risque d’ennuyer avec cette couleur un peu morne et monotone du deuil et du savoir scientifique pur et de la possible incompréhension de la temporalité de la pièce (assez changeante il faut l’avouer). Il faut faire quelque chose !
En effet, une fois l’écriture de la pièce commencée, je me suis vite rendu compte de la complexité temporelle de l’histoire (Voir schéma N°1 ci-dessous). Histoire passé mais raconté au présent avec des projections futures et des flashbacks ainsi qu’une omniprésence de la mort… joli cocktail qui ne pouvait qu’amener l’incompréhension et le décrochage des spectateurs. Prenant alors du recul sur l’écriture, je proposais à des regards extérieur (pas tous objectif mais au moins extérieur) de m’aider.
Restructurer, rendre plus personnel et intime, avoir une trame de base solide et un peu d’humour voilà les points principaux qu’il me fallait développer.
J’ai donc pris un cadre de base : Le discours de François Mitterrand pour l’entrée au Panthéon de Marie et Pierre Curie en 1995. Ce discours racontant peu ou prou l’histoire de Marie Sklodowska Curie, j’ai décidé de présenter la pièce comme une projection de ce discours. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le livreur y fera allusions à plusieurs reprises. A l’intérieur de ce discours nous avons donc une trame principale : Une femme, Marie, devant faire face au deuil de son mari. Mais dans cette histoire vient se confondre le passé et les hallucinations/ rêve de Marie dans lequel le spectateur peut prendre les éléments nécessaires à la compréhension de la trame principale.
L’introduction de personnages haut en couleur tel que le livreur ou les réflexions de Pierre, décédé, sur sa femme et sa vie, se sont imposé comme des évidences, ces deux personnages, un peu hors du temps, sont là pour guider le spectateur et l’aider à s’y retrouver dans les couloirs du temps. Le livreur, dont le rôle est, à la base, simplement de donner des indications temporelles, prend petit à petit son rôle très à cœur et ( l’auteure étant légèrement tomber sous le charme de cette petite bulle d’énergie traversant la pièce) sa partition a pris de plus en plus d’ampleur. Ce joint à ce premier luron Pierre Curie qui une fois décédé a décidé de participer à la narration de cette histoire et les échanges loufoques entre ces différents personnages ce sont avérez être un déclencheur de la forme finale de cette pièce.
Au final (deux fois « final » en deux phrase ça sent la fin de note d’intention), cette pièce est devenue une petite bulle hors du temps contant l’histoire d’une femme vouée à un destin tout aussi tragique qu’exceptionnel. Une pièce sur la transmission, l’amour, la persévérance saupoudré d’un peu (peut-être) de destinée et d’un léger glaçage au féminisme (non ce n’est pas un gros mot).
Enfin je voulais souligner que tout en m’inspirant de la vie de Marie Curie, j’ai, dans cette pièce, insérée quelques références à une autre femme, qui a su transmettre les valeurs cités ci-dessus à ses enfants et ses élèves, qui, bien que n’étant pas une scientifique mondialement connue, est une femme exceptionnelle dont la vie pourrait elle aussi faire l’objet d’une pièce. Elle a, comme Madame Curie, tracée sa destinée contre des vents souvent défavorables. A toutes ces femmes (et ces hommes) qui ont lutté et lutte encore pour un monde plus juste, a madame Curie et à ma mère. J’espère au travers de cette pièce leur rendre une partie de l’hommage qui leur ai dût.
Note d’intention de Ambre Reynaud
D’après l’histoire de Marie Curie, Anciupecio ou le destin de Mania
d’Ambre ReynaudDirection :
Ambre ReynaudAvec :
Catherine Klein, Claire Leroux, Clément Jézéquel, Yassine Zerhouni, Nicolas Guillet, Christian Schweda, Nicolas Faure, Lauriane Riquet et Ambre ReynaudProduction :
Je pose ça làDurée 1h10
Théâtre La Croisée des Chemins
Du 6 septembre 2020 au 27 décembre 2020
Dimanche 15h
Relâche le 1er novembre
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