Toujours fidèle à l’artiste italien, le théâtre du Rond-Point accueille en cette rentrée la dernière création de Pippo Delbono : un chant d’amour et de douleur entre passion et épure.
Inspiré par le Portugal, porté à la fois par la voix des poètes, le Brésilien Eugenio de Andrade entre autres, et la vibrante mélancolie des airs populaires de fado, Pippo Delbono, affable et adouci, en élégant costume blanc, semble vouloir quelque peu délaisser les grandes éruptions au lyrisme déflagrateur dont il est coutumier, pour aboutir à une forme d’art plus sensible et dépouillée. Sur le vaste plateau nu, simplement encadré de trois hauts murs rouge incendiaire, on assiste bien à une fête fugace au cours de laquelle des figures blafardes, dont certaines à têtes d’animaux, entament une procession, et des villageois font une ronde urgente et endiablée autour d’une maigre tronc d’arbre mort. L’allégresse carnavalesque qui caractérise, de spectacle en spectacle, son geste artistique libertaire et bigarré a cette fois laissé place à de menus tableaux qui font bien sûr écho aux sujets de prédilection de l’artiste : la revisite d’une pietà par exemple, mais dans des tonalités plus graves et surtout dans une économie totale d’ostentation. Les scènes défilent et inspirent autant de beauté que de tristesse, une certaine sagesse aussi. Il y paraît de simples présences isolées, souvent de noir vêtues mais non dépourvues de solarité. Le vide insondable du temps et de l’espace y est palpable. Celui-ci transpire dans une large déclinaison de couleurs massivement chaudes et moites passant du clair au sombre des jours et des nuits infinies de l’été Méditerranéen.
Seul élément de décor, éminemment symbolique, entre désolation et reverdie finale, un saule fait écho à celui de Godot mais surtout à l’histoire relatée par Pippo Delbono lui-même, lecteur-récitant assis à sa table de travail au milieu du public. Au micro et de sa voix aussi suave que rocailleuse, il raconte la fable elliptique d’un jeune moine orthodoxe qui, chaque jour, à l’aube, gravit la montagne et gagne son sommet pour arroser l’arbre éternellement sec qui y est planté. Trois ans après, il trouve ses branches couvertes de fleurs. Il en conclut que « l’humanité a besoin de rituel ».
Les mots, les corps, les images, déployés et combinés, font sens et langage. Sans Bobo qui est décédé en 2019, la troupe de comédiens est toujours là, si familière, si singulière, et notamment Gianluca Ballarè tout en douceur et en malice. Elle est renforcée de chanteurs et musiciens dont l’irradiante artiste angolaise Aline Frazão. Le chant, accompagné à la guitare, dit dans toute sa puissance et sa plénitude ce qui ne peut être autrement exprimé. Delbono chante l’amour, le manque d’amour, le besoin d’amour. Il offre une pièce aussi profonde, fragile et nécessaire que le sentiment qu’elle explore. « Tel est notre destin : aimer sans limite » fait-il entendre avec conviction. À la force et à la violence qui agissent sur le monde, Delbono oppose l’art, la nature, la spiritualité. Et l’émotion est à son comble.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Amore
Une création de : Pippo Delbono
Avec : Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Margherita Clemente, Pippo Delbono, Ilaria Distante, Aline Frazão, Selma Uamusse, Mario Intruglio, Pedro Jóia, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Miguel Ramos, Pepe Robledo, Grazia Spinella
Musiques originales : Pedro Jóia
Décor : Johana Villaverde
Costumes : Elena Giampaoli
Lumière : Orlando Bolognesi
Conseiller littéraire : Tiago Bartolomeu Costa
Son : Pietro Tirella
Chef machiniste : Enrico Zucchelli
Responsable de projet au Portugal : Renzo Barsotti
Responsable de production : Alessandra Vinanti
Organisation : Silvia Cassanelli
Administrateur de compagnie : Davide Martini
Directeur technique des tournées : Fabio Sajiz
Assistante volontaire : Susana Silverio
Traduction surtitrage : Marie Galey
Diffusion dans les pays francophones : Théâtre de Liège (Belgique)Production exécutive Emilia Romagna Teatro Fondazione – Teatro Nazionale, Coproduction associée São Luiz Teatro Municipal – Lisbonne, Pirilampo Artes lda, Câmara Municipal de Setúbal, Rota Clandestina, República Portuguesa – Cultura / Direção-geral das Artes (Portugal), Fondazione Teatro Metastasio di Prato (Italie), Coproduction Teatro Coliseo, Instituto Italiano di Cultura di Buenos Aires et Italiaxxi – Buenos Aires (Argentine), Comédie de Genève (Suisse), Théâtre de Liège (belgique), Les 2 scènes – Scène Nationale de Besançon (France), KVS Bruxelles (belgique), Sibiu International Theatre Festival/Radu Stanca National Theater (Roumanie), avec le soutien du Ministero della Cultura (Italie), Photos Luca del Pia et Estelle Valente – Teatro São Luiz, Remerciements pour les costumes mis à disposition pour les répétitions : São Luiz Teatro Municipal de Lisbonne, Théâtre de Liège et la compagnie Teatro o Bando (Portugal)
Théâtre du Rond-Point
du 8 au 18 septembre 2022
du mardi au samedi 20h30, dimanche à 15h
Relâche les 11 et 12 septembreMa Scène nationale à Montbéliard
le 15 octobre 2022Théâtre Molière – Scène nationale de Sète
du 23 au 24 mars 2023Bonlieu Annecy
du 10 au 11 mai 2023
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