Lorsque le rideau de fer se lève, c’est un lieu austère qui se dévoile, sorte de cellule monacale, composée de trois immenses murs gris, décrépits, qui montent jusque dans les cintres du théâtre. La première image du spectacle d’Alain Françon est glaçante, refroidissante. Les éléments décrits dans les didascalies de Samuel Beckett figurent sur scène : les deux poubelles et le fauteuil de Hamm recouverts de draps blancs crasseux, les deux petites fenêtres, seules ouvertures vers l’extérieur, se font face côté cour et jardin. Clov (Jean-Quentin Châtelain à la création et Gilles Privat dans la reprise à l’Odéon), le dos vouté, arpente cet espace confiné, comme une bête sauvage qui tourne en rond dans sa cage. Il hôte les draps, laissant apparaître le visage de Hamm (Serge Merlin), la tête cachée sous son mouchoir ensanglanté. Alain Françon retrouve ainsi avec son décorateur Jacques Gabel les scénographies qui ont fait son succès. On pense aux Pièces de guerre d’Edward Bond lors de la création au Festival d’Avignon en 1994 dans la Cour du Lycée Saint-Joseph.
Et si cette Fin de partie était un recommencent pour Alain Françon. Depuis son départ du Théâtre National de la Colline, le créateur du Théâtre éclaté a monté avec des succès divers Les trois sœurs de Tchekhov à la Comédie-Française et de courtes pièces de Feydeau au Théâtre National de Strasbourg. Il retrouve ici un théâtre brut. Sa direction d’acteur est brillante et donne tout son sens au texte de Beckett. Il a réuni une distribution parfaite. Serge Merlin est magistral dans le rôle de Hamm, maître des lieux, arrogant, aveugle, cramponné à son fauteuil roulant, crachant sur l’univers et sur les êtres qui l’entourent. Autour de lui, il y a ce pauvre Clov, le souffre douleur. Le dos courbé pendant tout le spectacle, il est aux ordres de cet aveugle. Et puis il y a les parents cul-de-jatte de Hamm, enfermés dans des poubelles. Michel Robin et Isabelle Sadoyan s’amusent de cette situation. Affublés de pauvres bonnets de nuit, leurs apparitions sont de purs moments de bonheur.
La tension est extrême pendant tout le spectacle entre Hamm et Clov. Dans cet univers de fin du monde, le vieil homme sait que la fin approche. Fin de partie est un match de boxe entre ces deux personnages, attachés l’un à l’autre. Les joutes verbales fusent. Et dans ce jeu pervers à la violence contenue, Serge Merlin est éblouissant.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr – critique écrite lors de la création en 2011 au Théâtre de la Madeleine.
Fin de partie
De Samuel Beckett
Avec
Serge Merlin
Gilles Privat
Michel Robin
Isabelle Sadoyan
Mise en scène d’Alain Françon
Décors et costumes Jacques Gabel
Lumières Joël Hourbeigt
Du 10 janvier au 10 février 2013
je me régouissais tant de voir cette pièce, cette mise en scène. or, le spectacle a été annulé! que s’est il passé? depuis j’échaffaude plein d’hypothèses… qui peut me dire ? j’espère que ce n’est pas un souci grave et que la pièce pourra à nouveau se rejouer. Merci de m’éclairer.
À l’Odéon, Clov n’est plus joué par jean-Quentin Chatelain.
Et c’est justement l’état de santé de JQCh qui avait entraîné les annulations à la Madeleine. Lire à ce propos « Grandes et petites histoires d’un théâtre » de Frédéric Franck.