Cela était en marche depuis longtemps. Le poète fut relégué dans la sphère privée, dans les territoires intimes. Il disparut de l’espace public, des débats. Sa dimension prophétique, son interprétation sensible du monde, ses visions n’ont plus trouvé de places aux tribunes. Sa fonction a été sacrifiée.
Telle une espèce menacée à laquelle on confisque son territoire, il s’est retranché dans l’invisibilité.
Nous ne le connaissons pas – ou si peu -, nous ne le voyons plus. Il appartient au théâtre de le « montrer », de raconter sa vie, sa besogne et de redire sa nécessité.
Je me suis mis en tête de raconter une vie ; celle de Robert Walser, si folle, si tragique, si exemplaire. Je devais mettre en scène cette existence invraisemblable, construire un spectacle qui témoigne d’une vie dédiée à la littérature, au travail de la prose, au labeur de la phrase. Je devais adapter cette vie, entremêlée de façon vertigineuse à l’oeuvre, écrite jusqu’à la confusion.
L’entreprise paraissait possible en transposant les éléments biographiques et « les motifs » de Walser par fragments, par effets de réminiscence. Et cela dans un paysage factice, un « paysage-cage », ouvertement et cruellement artificiel, à l’image de ceux qui accueillent les espèces menacées dans les jardins d’acclimatation. Les mêmes simulacres de la nature que Gilles Aillaud a tant peint. Les mêmes enceintes, peut-être aussi, de l’asile d’Hérisau qui hébergea Walser les trente dernières années de sa vie.
Le titre du spectacle est emprunté à la dernière phrase du Lenz de Büchner. Walser admirait cette nouvelle et s’y réfère à plusieurs reprises dans Vie de poète, comme un leitmotiv. Même si sa filiation avec les romantiques du XVIIIe siècle est évidente, la conclusion empruntée à Büchner, n’est pas pour Walser l’annonce d’une errance tragique, et encore moins d’une résignation. Cette dernière phrase, il la fait sienne, la transforme en une devise ; elle l’encourage chaque fois dans sa démarche libre et insouciante.
Ainsi se laissa-t-il vivre
D’après Vie de poète, Microgrammes, Petite prose et Lettres de Robert Walser
Traduit de l’allemand par Marion Graf
Adaptation, mise en scène et scénographie Guillaume Delaveau
CRÉATION DU TNS
Création son Valérie Bajcsa • Création costumes Alice Thomas • Création vidéo François Weber et Guillaume Delaveau • Régie générale Yann Argenté • Machinerie et accessoires Vincent Rousselle
Avec
Emmanuelle Grangé
Gérard Hardy
Daniel Laloux
Régis Laroche
Régis Lux
Vincent Vabre
Benjamin Wangermée
Production Cie Xici, Théâtre National de Strasbourg, Centre dramatique national Besançon-Franche-Comté. Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication, DRAC Midi-Pyrénées. Avec l’aide artistique du Jeune Théâtre National.
Contact pour la Compagnie Xici :
Anne-Laurence Vesperini compagniexici@yahoo.fr
> Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS
Théâtre National de Strasbourg
Du mardi 4 au dimanche 16 novembre 2014
Du mardi au samedi à 20h, dimanche 16 à 16h
Relâche dimanche 9, lundi 10, mardi 11
Espace Grüber
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