Au Théâtre Joliette, à Marseille, L’Avantage du doute présente sa dernière création : un patchwork d’écritures de plateau autour du vivant et des morts. Drôle et sombre à la fois, décousu et attachant, d’un spectacle à l’autre, le collectif dessine un théâtre ouvert et rassembleur.
Du féminisme ou de l’écologie, c’est finalement cette dernière qui l’a emporté. Les deux thématiques s’affrontaient dans l’hilarant Encore plus, partout, tout le temps, le précédent spectacle du collectif L’Avantage du doute – qui résolvait cette opposition par la voie de l’écoféminisme. Comme un symbole, deux femmes piliers du collectif, Judith Davis et Mélanie Bestel, ne participent pas, au plateau, à ce nouvel opus qui penche résolument du côté de l’angoisse environnementale et prend un degré de plus dans sa pente vers le grave. Les comédien.ne.s vieillissent, l’heure des comptes approche et la fin du monde menace chaque jour davantage – After Show peut aussi s’entendre « After Chaud ». Autant de bonnes raisons de teinter la déconne d’encore plus de sérieux.
Et ça ne fait pas de mal. D’autant qu’une mort avec sa tête de crâne et sa grande faux viendra dans de grands éclats de rire délivrer les spectateurs des turpitudes de cette vie. Si la grande faucheuse pouvait être aussi marrante que l’irrésistible Maxence Tual – fragilité d’enfant et art du show réunis en un seul homme –, on partirait sans doute le cœur léger de ce monde en plein bouleversement cosmologique, comme le montre avec pédagogie et efficacité une parenthèse Bruno Latour, menée elle aussi avec pas mal de drôlerie. Comme d’habitude avec ce collectif qui fonctionne à l’horizontale – sans metteur.se en scène ni chef.fe –, on se demande où le coq à l’âne de leurs écritures de plateau va nous mener. On regrette vaguement un manque d’unité – qui pourtant se dessine petit à petit –, mais le charme tient dans le décousu d’une suite de propositions que lient fermement de nombreux fils invisibles, à première vue.
RED, chimpanzé devenu homme, en un retournement d’une nouvelle de Kafka, le profond désemparement de Nadir, dont le prénom porte son ombre sur sa vie, ou le retour de Hannah Arendt parmi nous, fumant, mais pas fumeuse, croisent ainsi une tentative de mise en scène de La Nuit des rois, où l’impro d’une artiste de rue aux accents sud-américains veut à tout prix nous donner de la joie. Inégal, mais toujours surprenant, ne serait-ce que parce que l’on se demande sans cesse où tout cela conduira, After Show dessine en fin de compte l’envie de réinventer sa vie dans un monde mourant. Cela passe forcément par la nécessité de repenser son rapport au vivant et la vanité des écrans. Références intellos, qui dépassent le name dropping, et culture pop se mêlent ainsi dans un spectacle qui, puisqu’il n’a pas de guide, laisse librement penser. L’avantage du doute, c’est bien de toujours se remettre en question et de ne pas péter plus haut que son cul. Spectacle humble et ambitieux à la fois, After Show crée, comme le fait souvent ce collectif, un précieux espace de sympathie, de fragilités partagées et de rire.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
After Show
Une création du collectif L’Avantage du doute
de Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas, Nadir Legrand et Maxence Tual
Avec Claire Dumas, Charline Grand, Nadir Legrand, Manuel Peskine, Maxence Tual, en alternance avec Servane Ducorps, Joseph Kempf, Jean-Luc Vincent
Direction musicale et arrangements Manuel Peskine
Scénographie Lisa Navarro
Lumières Mathilde Chamoux
Son Isabelle Fuchs
Costumes Marta Rossi
Régie générale Nicolas BarrotProduction L’Avantage du doute
Coproduction La Ferme du Buisson – Scène nationale ; le Quartz, Scène nationale de Brest ; le Théâtre Joliette, Marseille – Scène conventionnée art et création expressions et écritures contemporaines ; Le Lieu Unique, cultures contemporaines – Scène nationale de Nantes ; EMC Saint-Michel-sur-Orge
Action financée par la Région Île-de-France
Avec le soutien de La Villette à Paris, du Théâtre Public de Montreuil – CDN, du Théâtre de la Bastille à Paris, du Théâtre de l’Atelier à Paris, et de La Ferme du Buisson pour leurs accueils en résidence.Durée : 1h40
Théâtre Joliette, Marseille
du 5 au 8 novembre 2024Théâtre du Rond-Point, Paris
du 21 novembre au 21 décembreEspace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge
le 9 janvier 2025Le Quartz, Scène nationale de Brest
du 4 au 7 févrierLa Ferme du Buisson, Scène nationale, Noisiel
les 13 et 14 févrierMalraux, Scène nationale de Chambéry Savoie
les 18 et 19 févrierThéâtre Sorano, Toulouse
du 11 au 13 marsLe Lieu Unique, Nantes
du 18 au 20 mars
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !