Il n’y a jamais de cycle autour de « la joie au théâtre », peut-être parce que si le monde n’était que gaité, il n’y aurait plus besoin de la scène pour en montrer sa face sombre ? La « violence au théâtre », elle-est particulièrement appréciée, importante ? A travers son cycle « Mauvaise graine », la Maison des Métallos en fait l’objet de ses réflexions artistiques jusqu’au 18 février.
La représentation de la violence comme composante essentielle de l’histoire du théâtre a été longuement étudiée. Du théâtre classique cathartique, où l’horreur est seulement racontée, aux pièces françaises et anglaises du XVIIe siècles obsédées par l’horreur et les monstres en passant par les mystères religieux du Moyen Âge gorgés de martyres… Seule l’instauration de la règle des trois unités classiques, qui englobe l’interdiction de l’exposition du meurtre aux yeux du public, semble avoir marqué une pause dans l’exposition de la violence. Elle restera en action de Racine jusqu’à (au moins !) la fin d’un long XVIIIe siècle féru de tragédies.
Aujourd’hui, qu’en est-il ? Porter l’horreur sur scène fait encore débat presque à chaque manifestation d’envergure sur les cinq continents de Séoul à Avignon, et c’est tant mieux ! Car la violence n’est pas davantage présente au théâtre aujourd’hui qu’elle l’était dans une sorte d’autrefois fantasmé mêlant tous les auteurs de Sophocle à Tchekhov en passant par Shakespeare ou même Strinberg. Un certain nombre de réflexions échangées sur le sujet cette dernière décennie accusent à peu près unanimement les médias de masse dans l’amplification de l’impression de violence omniprésente. Arrive en seconde position le débordement esthétique du cinéma, où la violence est presque un passage obligé pour faire d’un film un chef d’œuvre, sur les arts de la scène.
Quoi qu’il en soit, une sorte de banalisation de la brutalité au théâtre est bien là. Sa présence est tour à tour critiquée, jugée utile pour lutter contre la barbarie en l’exposant froidement aux yeux d’un public attentif. Il n’y a plus pour autant de théâtre de l’horreur ni même de grand guignol sanglant servis par les progrès technologiques. Actuellement, la violence n’est plus montrée seulement pour elle-même mais comme un objet qui pousse à la dénonciation ou à la réflexion et sa matière pioche bien souvent dans l’actualité ou l’histoire récente, à la manière de Romeo Castellucci, Vincent Macaigne, Rodrigo Garcia, Ivo van Hove ou encore Angelica Liddell. Sous ce verni intelligent, plus rien ne choque, tout peut être montré…
Autour d’une exposition appelée « Mauvaise graine ? », la Maison des Métallos vient ajouter de l’eau au moulin des débats sur la monstration scénique des violences de société, particulièrement sur le sujet de la violence « chez les jeunes ». Philippe Mourrat, directeur des lieux, souligne que « l’artiste offre un regard décalé sur nos réalités de société, il nous invite à décoller le nez du guidon » car la brutalité juvénile envahit les médias jusqu’à « générer des poncifs, des affirmations caricaturales ». Autour d’un programme riche, l’équipe des Métallos veut inviter « à prendre de la hauteur » et voir ce que cette violence « renvoie de notre société et des valeurs sensées nous animer ».
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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