A l’heure où le film Don’t look up (de Adam McKay avec Leonardo DiCaprio sur Netflix) montre l’incapacité de nos sociétés à se mobiliser face à la catastrophe annoncée, le secteur du spectacle vivant lance son chantier de transition écologique sous l’impulsion du SYNDEAC. Pistes et obstacles d’une indispensable transformation.
Qui dit nouvelle année dit bonnes résolutions. Et celles du SYNDEAC (Syndicat des Entreprises Artistiques et Culturelles) ont été formulées dès son assemblée générale, fin novembre dernier. A cette occasion, le syndicat des scènes majeures du théâtre public a dessiné trois nouveaux chantiers au premier rang desquels « la transition écologique du spectacle vivant ». A l’heure où sans mauvais jeu de mot, les enjeux écologiques deviennent de plus en plus brûlants, il était indispensable que le spectacle vivant apporte sa pierre à l’édifice d’un avenir davantage compatible avec le respect du vivant.
Pour mener ce chantier, le SYNDEAC pourra s’appuyer sur une étude également publiée fin 2021 par le Shift Project. Ce Think Tank dirigé par Jean-Marc Jancovici prend depuis quelques années à bras le corps la question climatique et développe des plans d’action pour la décarbonation de notre économie, plans qu’il décline secteur par secteur. Le Shift Project a ainsi édité un rapport intitulé « Décarbonons la culture ! » qui, s’il concerne tout le secteur culturel, consacre toute une partie au cas spécifique du spectacle vivant. Une approche pratique, pragmatique, qui essaye d’identifier les leviers sur lesquels agir pour réduire les émissions de CO2. Une approche qui différencie le cas d’un festival de celui d’une salle qui fonctionnerait toute l’année, et qui ausculte toutes les dimensions de chaque activité : du transport des spectateurs aux modes de mise en scène en passant par les déplacements des artistes, l’alimentation du public ou encore la mobilité des salariés…etc.
On ne détaillera pas ici l’ensemble des recettes préconisées. Elles sont nombreuses et proposent des calculs projectifs des économies en termes d’émissions de CO2 qu’elles pourraient générer. Elles sont organisées selon cinq grandes « dynamiques de transformation » : relocaliser les activités / allonger la durée de déplacement des artistes pour en diminuer le nombre / diminuer les échelles des événements par les réductions des jauges / éco-concevoir et enfin renoncer à des pratiques spécifiquement coûteuses en carbone, comme celles des groupes électrogènes qui alimentent les sonos des festivals. Certaines mesures produiraient des économies majeures. Pour un festival : une alimentation locale et végétarienne et un service de boissons locales uniquement (-15%), ou la subdivision d’une jauge de 280000 en dix festivals de 28000 (-16,5%). Pour une salle de spectacle de taille moyenne en périphérie : la réduction des transports des équipes programmées via la mutualisation et la réduction des programmations, l’allongement des durées de séjour des artistes et l’éco-conception et la mutualisation des décors, produirait pas moins de 66 % de réduction des émissions !
Très riche boite à idées, ce rapport a donné lieu à des présentations n’éludant pas les difficultés qui se poseront pour leur application. Réduire les programmations, est-ce tout simplement imaginable ? On se rappelle qu’il y a deux ans, Nicolas Dubourg excluait cette possibilité dans nos colonnes. Évidemment, la lenteur de la transition écologique est aussi liée à tous les enjeux techniques, sociaux et organisationnels qui lui sont liés.
Comme le relève un article de la gazette des communes, Paul Rondin, directeur délégué du Festival d’Avignon, affirmait ainsi lors de la présentation du rapport « Cette logique de « faire moins » pose problème aux acteurs culturels ». Tandis que Cécile Le Vaguerèse-Marie qui dirige l’Onda (Office National de Diffusion Artistique) renchérissait sur la nécessité de faire circuler les œuvres « qui fait l’ADN de notre secteur ».
Le spectacle vivant pourra-t-il encore se contenter de proscrire les gobelets en plastique des festivals et d’opter pour les éclairages Led afin de réduire son impact ? Comme tous les secteurs de notre économie, c’est une révolution qui, pour le Shift Project, semble l’attendre sur le chemin de la transition écologique. Dans ce cadre, les décideurs ont évidemment un rôle important à jouer, puisqu’ils pourraient conditionner leurs aides à de bonnes pratiques. Don’t look up laisse peu d’espoir de ce côté. C’est donc au secteur lui-même, comme le fera, espérons-le, le Syndeac, de se saisir sans tabou de la question.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
A la suite de la parution de l’article, Nicolas Dubourg nous écrit pour préciser qu’il n’a pas exclu la possibilité d’une réduction des programmations, ce que nous affirmions à partir d’un précédent article. Mais qu’il se place bien dans cette perspective que mentionnait ledit article : « Il ne faut pas se contenter des nombreuses actions écoresponsables des festivals, des initiatives des théâtres sur les bouteilles plastique ou les éclairages LED, aussi importantes soient-elles. La question centrale qui se pose, c’est à quoi peut servir la politique culturelle pour accompagner la mutation de la société vers une politique non productiviste ? ». Dont acte.
Décarbonons la Culture ! : le Shift publie son rapport final
Les pistes du Shift Project pour décarboner la culture en question dans La Gazette des Communes
L’association Arviva est très active depuis un an dans ces problématiques concrètes posées aux lieux et aux compagnies