Créé en octobre dernier par des attachés de presse indépendants spécialisés en musique, le syndicat APRES vise à défendre les intérêts d’une profession dont la crise actuelle révèle les fragilités. En rejoignant cette structure, des attachés de presse œuvrant dans d’autres disciplines du spectacle vivant s’engagent dans ce travail collectif.
L’idée de créer un syndicat n’est pas neuve chez les attachés de presse du spectacle vivant. Il y a vingt ans, Isabelle Muraour, qui travaille alors depuis dix ans déjà auprès de compagnies et de structures théâtrales, créée par exemple une association qui vise à offrir aux personnes de sa profession un cadre d’action et de réflexion collectif. Un endroit à partir duquel défendre leurs intérêts, et penser les évolutions de leurs pratiques. « Nous avons notamment réalisé une étude sur la diminution de l’espace consacré au théâtre dans la presse. Un phénomène qui n’a cessé de s’accentuer depuis, et qui s’est encore accéléré avec la crise actuelle », explique-t-elle. Lorsqu’elle entend parler du syndicat APRES (Attaché·e·s de Presse, Réseau d’Entraide et Syndicat), créé en octobre dernier par des attachées de presse indépendantes spécialisées en musique, elle n’hésite donc pas : elle va vers les fondatrices de ce nouveau groupe et leur propose de les rejoindre. C’est officiellement chose faite le 6 avril 2021, avec l’élection d’Isabelle Muraour au Conseil d’administration d’APRES en tant que présidente de la section « théâtre, danse, cirque, arts du geste, marionnette, arts de la rue ».
Un collectif face à la crise
« C’est en nous regroupant que nous pourrons trouver des solutions pour nous protéger (entre autres de la crise sanitaire que nous subissons actuellement), mettre en place des stratégies pour préparer l’avenir et continuer à exercer au mieux notre métier et défendre notre savoir-faire », lit-on dans un communiqué de presse annonçant cette union des attachés de presse. Car quelles que soient les disciplines qu’ils défendent, ces professionnelles du spectacle vivant rencontrent les mêmes difficultés depuis la mise à l’arrêt presque total de la vie culturelle en mars 2020. « Si nous étions plusieurs à songer depuis un moment à la nécessité de créer un syndicat, c’est la crise provoquée par le coronavirus qui a été le déclencheur. Face à l’absence de prise en compte de notre profession par le gouvernement et le Centre National de la Musique (CNM) dans leurs dispositifs d’aide, nous avons dû réagir », affirme Cécile Legros, attachée de presse pour des festivals et des groupes de musique et cofondatrice de l’APRES.
À ce jour, le syndicat a en partie obtenu gain de cause auprès du CNM, qui a créé un fonds d’intervention pour les managers et attachés de presse. Ce qui, pour Cécile Legros et ses consœurs et confrères, est une belle réussite qui est loin de mettre fin au combat. « Nous espérons l’adoption d’une seconde version de cette aide, dont les calculs et les critères d’éligibilité ne sont pas encore tout à fait adaptés à nos besoins », dit notre interlocutrice. Au niveau du gouvernement, la situation n’a guère évolué. « Afin de bénéficier d’une aide à la hauteur des difficultés que nous connaissons depuis le premier confinement, nous avons demandé à passer en secteur S1 sur les listes du fonds de soutien, autrement dit à être reconnus comme prioritaires. Ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui : toujours classés en S1 bis, nous touchons des aides qui dépendent de nos codes APE, qui permettent d’identifier la branche d’activité principale de l’entreprise ou du travailleur indépendant. Or d’un attaché de presse à l’autre, ces codes ne sont pas les mêmes… », détaille Cécile Legros. Un problème que partagent les attachés de presse de la section dirigée par Isabelle Muraour. De même que bien des questions structurelles, que la conjoncture a rendues plus sensibles pour ceux qui les vivent au quotidien.
Solitaires mais solidaires
Pour Catherine Guizard, attachée de presse dans le milieu du théâtre et directrice de sa structure La Strada & Cie – une association loi 1905 – , « il est important de porter les enjeux du syndicat au-delà des problématiques précises liées au contexte actuel. En nous rassemblant, nous pourrons mieux travailler à la reconnaissance de notre profession, qui est très largement ignorée du grand public, mais aussi d’une grande partie des différents secteurs du spectacle vivant, alors que nous en sommes un maillon important », observe-t-elle. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle accepte très vite l’invitation d’Isabelle Muraour à rejoindre l’APRES. Au moment de l’écriture de cet article, une vingtaine d’autres attachés de presse pour le théâtre, la danse, le cirque, les arts du geste, la marionnette et les arts de la rue ont déjà pris la même décision qu’elle. Ce qui porte à 120 environ le nombre total de membres du syndicat. « Une bonne base pour réfléchir », estime Cécile Legros. Et pour développer une conscience de groupe, une solidarité dont le désir existe de longue date chez bon nombre de jeunes syndiqués.
« Intermédiaires entre les artistes et les journalistes, nous exerçons un métier solitaire. Cet isolement a pour moi et pour d’autres été très difficile à vivre pendant le premier confinement. Intégrer l’APRES, commencer à travailler au sein de ses différentes commissions m’a fait beaucoup de bien », témoigne Catherine Guizard, qui planche notamment sur la question des grilles tarifaires. « En définissant de bonnes pratiques en la matière, nous pourrons mieux nous faire respecter par les compagnies et les structures qui nous emploient. Et entre nous, cela nous permettra de davantage nous respecter, de vivre notre concurrence de manière plus saine ». Comme tout syndicat, l’APRES permettra de défendre les professionnels victimes d’abus de la part de leurs employeurs. Il devrait aussi permettre d’accéder en cas de besoin à une aide psychologique. Chose d’autant plus indispensable que le métier doit faire face depuis plusieurs années à d’importantes transformations des paysages médiatiques et artistiques.
Un tournant à prendre
« Tout au long de ma carrière, j’ai vu diminuer l’espace consacrer aux arts dans la presse, et baisser les budgets des compagnies pour les attachés de presse, du fait de la multiplication des charges qui pèsent sur elles. Fragilisés par ces évolutions des deux secteurs avec lesquels nous travaillons, nous avons besoin de nous réunir, de penser ensemble comment y faire face », exprime Isabelle Béranger. Avec ses 35 ans de carrière à la fois dans la musique et le théâtre, celle-ci possède une expérience riche pour l’APRES, qui se soucie aussi beaucoup des jeunes générations. « Si nous ne nous chargeons pas de sécuriser nos métiers, de lui donner des cadres clairs, les jeunes risquent de ne plus y voir une perspective d’avenir et de s’en détourner. Ce qui serait dommageable pour l’ensemble du milieu artistique », estime Isabelle Béranger. Laquelle voit entre autres dans le syndicat l’opportunité de revendiquer une aide à la formation pour les attachés de presse prenant des stagiaires. Le développement de la presse internet et des réseaux sociaux impose aussi une évolution de la profession, pour le syndicat peut offrir un espace de réflexion commune. Le monde de l’APRES est déjà plein de promesses.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
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