Le Syndeac – Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles a réalisé un comptage auprès de 306 structures sur la saison 2019/2020 de la représentation des artistes femmes dans les programmations des établissements et festivals publics, financés par l’État et les collectivités publiques. Le résultat est sans appel : le spectacle vivant est à la traîne sur ces questions. Seuls 35 % des spectacles programmés dans le réseau de scènes publiques sont réalisés par des femmes. Le Syndeac a voté lundi 25 octobre 2021 en Conseil national une nouvelle feuille pour atteindre une parité exemplaire.
Le Syndeac a souhaité mettre en œuvre lui-même le comptage des programmations des spectacles imaginés et réalisés par des femmes dans le réseau des scènes publiques. Cet engagement répond à un double constat. La feuille de route ministérielle pour l’égalité adoptée en 2018 prévoit des objectifs de progression chiffrés mais cette mesure n’a toujours pas été mise en œuvre faute d’une remontée des chiffres par les lieux ! Quinze ans après la parution du premier rapport de Reine Prat et alors que le diagnostic est posé depuis longtemps, notre secteur du spectacle vivant est à la traîne, gravement à la traîne. On ne peut plus se contenter d’un constat intuitif et ne plus agir. Le comptage répond à une volonté d’objectivation pour favoriser une prise de conscience dont la solution appartient d’abord aux professionnels eux-mêmes. Le travail que nous avons réalisé avec « Les archives du spectacle » sur la base de la saison 2019/2020 nous permet d’agréger des résultats contrôlés, vérifiés par nos adhérents, et en définitive incontestables. Nous faisons le choix de publier des résultats nationaux et non par lieu : le but est de donner un électrochoc à toutes celles et tous ceux qui, malgré l’évidence, continuent de dénier une réalité qui ne peut être acceptée de la part d’un secteur dont la ressource provient d’abord de l’impôt.
Deux chiffres sont édifiants. Seuls 35 % des spectacles programmés dans notre réseau de scènes publiques sont réalisés par des femmes. Mais nous allons plus loin en proposant un tout nouvel indicateur chiffré, celui du potentiel de public : compte tenu du nombre de représentations inférieur et des jauges plus petites, les créatrices ne présentent leurs spectacles qu’à 31 % du public potentiel, soit 2,5 fois moins que les hommes. Comment faire l’impasse sur l’enjeu de l’accès aux publics, alors même que nous défendons l’idée d’un service public de l’art et de la culture ? Ces deux seuls chiffres sont sans appel. Le détail par champ disciplinaire ou par label n’apporte que des nuances à la marge. Le phénomène est systémique et donc structurel.
● Le Syndeac demande à ses adhérents de faire progresser ces chiffres deux fois plus vite que ce que prévoit la feuille de route pour l’égalité : + 20 % au lieu de 10 % par an pour les lieux et festivals ayant un chiffre inférieur ou égal à 25 % ; plus 10 % au lieu de 5 % par an pour les lieux et festivals ayant un chiffre situé entre 25 et 40 % (décision du Conseil national du 25 octobre 2021).
● Le Syndeac considère que le non-respect de cette progression et la non-atteinte de la parité devra constituer un des critères d’évaluation du renouvellement des directions. Pour ce faire, il demande que les objectifs de progression soient précisément inscrits dans le cadre des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO).
● Le Syndeac réalisera un comptage annuel national tant que la parité ne sera pas atteinte, garantie et stabilisée. Ces chiffres seront rendus publics.
● Le Syndeac organisera annuellement un colloque national sur la question des inégalités de genre dans la production et la diffusion du spectacle vivant, en mobilisant ses délégations régionales.
● Enfin, le Syndeac réclame une augmentation massive des moyens de production : les financements publics accordés aux équipes artistiques dirigées par des femmes doivent faire l’objet d’un rééquilibrage rapide, et cette responsabilité relève, elle, des seuls pouvoirs publics, collectivités territoriales et direction régionale des affaires culturelles. Le Syndeac demande en particulier que, dans le cadre des moyens nouveaux en faveur des équipes artistiques dégagés par le plan de relance et par la loi de finances, les nouveaux crédits disponibles soient alloués à 66 % aux équipes artistiques dirigées par les femmes. L’objectif de la parité dans les subventions doit être affiché, et pour y parvenir, un déséquilibre momentané semble indispensable.
Les grandes lignes du comptage
Mise en scène
Les spectacles mis en en scène par des femmes ne représentent que 35 % des spectacles programmés dans les théâtres, scènes pluridisciplinaires et festivals de notre réseau professionnel, alors que 65% des spectacles programmés sont mis en scène par des hommes.
Le même écart s’observe tout champ disciplinaire confondu, ce qui conforte le caractère structurel de l’observation statistique. Seules deux disciplines ont des résultats plus proches de la parité, sans l’atteindre tout à fait. Il s’agit de :
– la marionnette, avec 47 % de spectacles programmés mis en scène par des femmes ;
– les spectacles « jeune public », avec également 47 % de spectacles programmés mis en scène par des femmes ;
La répartition de la programmation selon le label apporte des nuances sans changer la structure du déséquilibre :
– L’écart est plus marqué dans les pôles nationaux cirque qui programment des spectacles mis en piste par 70% d’hommes contre 30% de femmes ;
– Les scènes pluridisciplinaires, qu’elles soient scènes nationales (67% d’hommes contre 33 % de femmes) ou Conventionnées d’Intérêt National (64 % d’hommes contre 36% de femmes) s’inscrivent dans la statistique moyenne ;
– Et les théâtres nationaux (64%/36%) et les festivals (65%/35%) confirment la tendance observée.
Potentiel de spectateurs : 31 % contre 69 %
Le groupe de travail égalité femme / homme du syndicat a proposé de mesurer l’exposition offerte aux artistes, et de mesurer ainsi le potentiel de spectateurs susceptible de voir les spectacles des femmes porteuses de projet par rapport à ceux des hommes. Il s’agit d’une donnée qui n’avait jamais été envisagée et dont les résultats apportent un éclairage très important. Force est de constater que les femmes porteuses de projets sont programmées, essentiellement dans des salles plus petites, offrant des jauges réduites et réduisant ainsi l’exposition publique qui leur est permise.
Le potentiel de spectateur pour les femmes programmé se révèle plus de deux fois inférieur à celui des hommes. A l’instar de ce qui est observé en termes de programmation Femme / Homme, on retrouve les deux mêmes exceptions disciplinaires :
– La marionnette offre aux femmes programmées un potentiel de spectateur de 48 % contre 52 % aux hommes ; la parité est presque atteinte.
– Le jeune public bénéficie de la même tendance, même si elle est légèrement inférieure : (46 %/54 %).
Tous les autres champs disciplinaires confirment la statistique générale et se situent dans une moyenne très basse.
L’influence des labels sur cette donnée est inexistante. Tous, quelles que soient leurs différences, produisent le même effet et confirment la statistique générale.
Les autrices
Les spectacles programmés dans le réseau des scènes publiques sont très majoritairement des spectacles écrits par des hommes, à 71%. Les autrices ne représentent que 29 % des spectacles
diffusés. Cet écart se retrouve quel que soit le champ disciplinaire concerné, avec des atténuations relatives dans trois disciplines :
– Le secteur chorégraphique atténue l’effet observé globalement tout en conservant la structure du déséquilibre entre homme et femme auteur de pièces chorégraphiques (37 % d’autrices femmes contre 63 % d’auteurs hommes.)
– Même le secteur de la marionnette qui, sur d’autres items, s’approche de la parité, n’y parvient pas sur la question des auteurs : 37% des spectacles de marionnette ont une femme pour autrice contre 63 % d’hommes.
– Les auteurs de « Jeune public » sont mieux répartis entre femmes (44 %) et hommes (56%).
Même écart important, quel que soit le label, avec trois nuances à relever :
– Les femmes autrices sont majoritaires dans les spectacles diffusés par les CNAREP (57 % de femmes contre 43% d’hommes.)
– Les femmes autrices sont moins mal représentées dans les spectacles diffusés par les CCN, mais le déséquilibre reste notoire (35% de femmes contre 65 % d’homme).
– Les CDCN diffusent davantage les spectacles dont les autrices sont des femmes à 48 % contre 52 % pour les auteurs hommes.
Artistes au plateau
La comptabilisation des artistes femmes au plateau dans le cadre des spectacles diffusés par les opérateurs publics constitue un indicateur d’une nature relativement différente. Elle est nécessaire car elle contribue à une représentation de la place des femmes dans la société actuelle ; cette donnée n’est cependant pas directement liée à la programmation mais souligne les choix des porteuses et porteurs de projet dans leur distribution propre.
Il n’est pas indifférent de noter l’écart sensible dans la présence des femmes dans les distributions des spectacles diffusés dans le réseau des scènes publiques : les femmes représentent 41 % des artistes au plateau contre 59 % des artistes hommes.
La répartition des artistes entre femmes et hommes au plateau est atténuée pour :
Les secteurs du « Jeune public » (47/53) et de la marionnette (46/54)
La répartition de la présence des femmes et des hommes au plateau selon le label, marque par deux observations contradictoires :
D’une part, les lieux labellisés du secteur chorégraphique CCN et CDCN diffusent des spectacles où la parité est atteinte ou proche de l’être : 51% des femmes au plateau dans les spectacles diffusés dans les CCN et 49% de femmes au plateau dans les CDCN : le champ chorégraphique se révèle quasi égalitaire au plateau.
– En revanche, les festivals programment de façon très majoritaire des spectacles où les hommes artistes présents au plateau sont ultramajoritaires : 65 % contre 35 % de femmes. Il s’agit de l’écart le plus élevé selon la nature de l’opérateur qui diffuse.
– Tous les autres labels se situent dans la moyenne agrégée.
Le Syndeac affiche une volonté sans faille en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et le mandat qui s’achève a pris des décisions fortes dans tout ce domaine. Le comptage constitue, nous le pensons, un outil essentiel d’une politique en faveur de l’égalité.
Les chiffres des directions
Scènes Nationales
Sur les 76 scènes nationales :
34,2 % sont dirigées par des femmes (26 scènes nationales)
64,5% sont dirigées par des hommes (49 scènes nationales)
Un poste de direction est pour le moment vacant.
CDN
Soit, 44,7% des CDN sont dirigés par des femmes, ou 36,8% si on ne comptabilise pas les codirections
Sur les 38 CDN, 14 sont dirigés par des femmes, 3 sont dirigés par des binômes femme/homme, 21 par des hommes.
CCN et CDCN
84% d’hommes à la tête des CNN et 31% d’hommes à la tête des CDCN.
15,78% des CCN sont dirigés par des femmes uniquement.
10,52% des CCN sont dirigés par des collectifs (incluant femmes et hommes).
73, 68% des CCN sont dirigés par des hommes uniquement.
66,66% des CDCN sont dirigés par des femmes. et 33,33% ont dirigés par des hommes.
Le CDCN jusqu’alors dirigé par Céline Bréant n’est pas encore pourvu.
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