Avec le début de la réouverture des salles, revient la saison des Prix. Avant la cérémonie des Molières demain soir sur France 2 à 21, le Syndicat de la critique théâtre, danse et musique vient de dévoiler la liste de ses prix 2019/2020. Pour la première fois depuis sa création, en raison des mesures sanitaires, le syndicat n’a pas organiser une remise des prix pour honorer les artistes.
Depuis 1963, les Prix du Syndicat de la Critique saluent chaque année les spectacles et les personnalités artistiques, que ce soit en théâtre, en musique ou en danse, qui ont marqué la saison. Une saison qui s’est brutalement arrêtée en mars en raison de la covid-19. Le syndicat a décidé de maintenir ses prix pour affirmer son soutien au spectacle vivant, particulièrement impacté par une crise sanitaire dont les répercussions sociales et économiques se font déjà sentir. Portés par un élan
solidaire, de très nombreux adhérents ont témoigné cette année par leur vote de l’importance de la création, de l’engagement des artistes pour partager avec le public le désir d’un monde poétique. Riche de toutes ces voix passionnées et singulières, le 57ème palmarès reflète une belle diversité, un art florissant sous toutes ses formes esthétiques.
En attribuant à Clément Hervieu-Léger, le Grand Prix Théâtre, la critique salue le travail d’un artiste délicat, exigeant. L’ensemble du palmarès Théâtre révèle de belles nuances anticipatrices et politiques d’une société féministe non genrée et plus égalitaire. Ainsi, deux metteuses en scène sont primées, l’une pour son adaptation poétique de Maeterlinck (Julie Duclos pour Pelléas et Mélisande) ; l’autre pour sa pièce « footballistiquement » féministe (Pauline Bureau pour Féminines). L’interprétation par André Marcon d’une femme comme les autres lui vaut le prix du Meilleur comédien. Ludmilla Dabo, actrice protéiforme qui joue, danse et chante avec une fougue contagieuse obtient le prix de la Meilleure comédienne. Prime à la jeunesse avec Romain Daroles qui réinvente Phèdre en un seul en scène décapant et Aurore Fremont, la figure d’Électre dans la fresque féministe de Simon Abkarian. Une mention spéciale est attribuée à l’ovniesque et transgenre HEN de Johanny Bert.
Enfin, le Prix du meilleur Spectacle étranger revient à l’artiste russe Kirill Serebrennikov, pour son très « queer » Outside à qui le Syndicat affirme son entière solidarité face aux intimidations et autres mesures d’assignation dont il est victime dans son pays.
En décernant le Grand Prix Danse à deux œuvres au langage chorégraphique très différents, Body and Soul de Crystal Pite et Une Maison de Christian Rizzo, le collège
Danse tient ici à saluer l’éclectisme d’un art en pleine mutation. Soucieux du monde qui nous entoure, de la société dans laquelle on vit, les critiques ont tenu cette année à distinguer des artistes très différents, ainsi qu’à créer de nouveaux prix afin de témoigner de ce qu’est la danse aujourd’hui. Akram Khan et Lia Rodrigues se partagent le prix de la personnalité de l’année. Leur engagement, l’un sur le devoir de mémoire, l’autre sur le drame qui se joue dans les Favelas brésiliennes, illustrent combien l’art chorégraphique est sensible aux bruissements du monde. En inaugurant le prix de la Performance avec Phia Ménard, le collège danse tenait à dépasser les préjugés, à lutter contre toutes les formes de discrimination. Il en est de même en consacrant le documentaire Danser sa peine ! de Valérie Muller, qui revient sur l’incroyable création de Soul Kitchen d’Angelin Preljocaj avec des détenues de la prison des Baumettes. Philippe Verrièle remporte le prix pour le meilleur livre avec la série Regardez la danse ! Enfin, en offrant, les prix au jeune chorégraphe taïwanais Po-Cheng Tsai à la belle troupe du Ballet de l’Opéra de Lyon et à la lumineuse Cristiana Morganti respectivement révélation, compagnie et artiste de l’année, le collège danse consacre ici une saison sans frontières et sous le signe de l’excellence.
Le collège musique quant à lui salue l’opéra de Cavalli, Ercole Amante, totalement revisité par le duo Valérie Lesort et Christian Hecq. Définitivement baroque, l’œuvre révèle toute sa puissance grâce à une mise en scène inventive et fantasmagorique et une direction musicale au cordeau signée Raphaël Pichon. Soucieux d’un équilibre entre art lyrique et musique contemporaine, les critiques ont souhaité aussi mettre en lumière le jeune talent Florentin Ginot, contrebassiste prodige, le concerto pour piano du célèbre compositeur polonais Zygmunt Krauze ainsi que la voix extraordinaire du ténor Benjamin Bernheim et la dextérité audacieuse de Léo
Warynski, chef d’orchestre hors pair. Par ailleurs, Le Démon d’Anton Rubinstein remis au goût du jour par l’épatant Dmitry Bertman touche au sublime et remporte le prix du meilleur spectacle créé en province et l’étonnant Jacob Lenz de Wolfgang Rihm qui invite à une descente aux enfers hypnotique, la meilleure coproduction
lyrique européenne. Les deux livres récompensés pour la musique portent témoignage, l’un de la foisonnante histoire de l’Opéra de Paris par Mathias Auclair,
l’autre du cheminement artistique d’un immense chef d’orchestre sous le régime soviétique.
Faute de pouvoir célébrer tous ensemble ce palmarès à Chaillot-Théâtre national de
la danse, retrouvez toute la semaine sur le site du syndicat https://associationcritiquetmd.com -les mots des lauréats.
PRIX DE LA CRITIQUE – THEATRE 2019-2020
GRAND PRIX (Meilleur Spectacle Théâtral de l’année)
UNE DES DERNIÈRES SOIRÉES DE CARNAVAL de Carlo Goldoni Mise en scène de Clément Hervieu-Léger – Création théâtre de Carouge – Théâtre du Bouffes du Nord
PRIX GEORGES-LERMINIER (meilleur spectacle théâtral créé en province)
PELLEAS ET MELISANDE de Maeterlinck – mise en scène de Julie Duclos – Avignon La Fabrica – Odéon – théâtre de l’Europe
MEILLEURE CRÉATION D’UNE PIÈCE EN LANGUE FRANÇAISE
FEMININES de Pauline Bureau – Création Comédie de Caen – Théâtre de la Ville
MEILLEUR SPECTACLE ÉTRANGER
OUTSIDE de Kirill Serebrennikov – Avignon
PRIX LAURENT-TERZIEFF
ROUGE de John Logan – Mise en scène : Jérémie Lippmann – Théâtre Montparnasse
MEILLEUR COMEDIEN
ANDRE MARCON – Anne-Marie la Beauté de Yasmina Reza – La Colline
MEILLEURE COMEDIENNE
LUDMILLA DABO dans Une femme qui se déplace de David Lescot – création Festival Le Printemps des Comédiens – Théâtre de la Ville
Ex-æquo – PRIX JEAN-JACQUES-LERRANT (révélation théâtrale de l’année)
ROMAIN DAROLES dans Phèdre ! de François Gremaud d’Après Racine – Avignon – sélection suisse -Théâtre de la Bastille
AURORE FREMONT dans Électre des bas-fonds de Simon Abkarian, Théâtre du Soleil
MEILLEURE CRÉATION D’ÉLÉMENTS SCÉNIQUES
STEPHANE BRAUNSCHWEIG, scénographie de Nous pour un moment d’Arne Lygre – Odéon – Théâtre de l’Europe
MEILLEUR COMPOSITEUR DE MUSIQUE DE SCÈNE
HOWLIN JAWS pour Electre des bas-fonds
MEILLEUR LIVRE SUR LE THÉÂTRE
JEAN-PIERRE HAN, Friction – 30 éditos+1, numéro hors-série, Théâtre-écritures
MENTION SPECIALE – Spectacle Hors norme
HEN de Johanny BERT – création à Avignon (Théâtre du Train Bleu) et Mouffetard
PRIX DE LA CRITIQUE DANSE
GRAND PRIX ex æquo
BODY AND SOUL, chorégraphie de Crystal Pite
(Ballet de l’Opéra national de Paris)
UNE MAISON, chorégraphie de Christian Rizzo,
(ICC-CCN Montpellier, Montpellier Danse, Théâtre de la Ville hors les murs/Chaillot-Théâtre national de la danse)
MEILLEUR INTERPRÈTE
CRISTIANA MORGANTI, Moving with Pina, Théâtre de la Ville/ Théâtre des Abbesses.
MEILLEURE COMPAGNIE
BALLET DE L’OPÉRA DE LYON.
PERSONNALITÉ CHORÉGRAPHIQUE
ex æquo AKRAM KHAN et LIA RODRIGUES
MEILLEUR FILM SUR LA DANSE
DANSER SA PEINE, de Valérie Muller
(Production Béatrice Schönberg, ELEPHANT productions)
MEILLEUR LIVRE SUR LA DANSE
REGARDEZ LA DANSE ! de Philippe Verrièle (Nouvelles Éditions Scala, 2019)
PERFORMANCE
PHIA MÉNARD
RÉVÉLATION CHORÉGRAPHIQUE
PO-CHENG TSAI, chorégraphe de la compagnie B.Dance
PRIX MUSIQUE
GRAND PRIX (meilleur spectacle de l’année)
ERCOLE AMAMTE de Cavalli, mise en scène Valérie Lesort et Christian Hecqu, direction musicale Raphaël Pichon (co production Opéra-Comoque, Opéra royal de Versailles et Opéra national de Toulouse)
PRIX CLAUDE-ROSTANT (meilleur spectacle lyrique créé en région)
LE DÉMON d’Anton Rubinstein, mise en scène Dmitry Bertman, direction musicale de Paul Daniel (coproduction Opéra national de Bordeaux, Liceu Barcelone, Helikon-Opéra de Moscou, Staatstheater de Nutemberg)
MEILLEURE COPRODUCTION LYRIQUE EUROPENNE
JACOB LENZ de Wolfgang Rihm, mis en scène Andrea Breth, direction musicale d’Ingo Metzmacher, Ensemble Modern (coproduction Festival d’Aix, Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, Staatsoper de Berlin)
MEILLEURE CRÉATION MUSICALE
CONCERTO POUR PIANO N°3 « Fragments d’automne » de Zygmunt Krauze, direction musicale de Wilson Hermanto, Zygmunt Krauze, piano (Festival d’Automne de Varsovie et Orchestre national de Metz)
PERSONNALITE ex-aequo
BENJAMIN BERNHEIM, ténor
LEO WARYNSKI, chef d’orchestre
REVELATION MUSICALE
FLORENTIN GINOT, contrebassiste
MEILLES LIVRES
L’OPÉRA DE PARIS, 350 ANS D’HISTOIRE par Mathias Aucliar (Editions Gourcuff Gradenigo)
CONVERSATIONS AVEC GUENNADI ROJDETVENSKY, LES BEMOLS DE STALINE par Bruno Monsaingean (Editions Fayard)
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !