Changement de Présidence pour le Off d’Avignon, mais la direction reste la même. Celle d’un festival plus éthique et solidaire, désormais piloté par Sébastien Benedetto à la tête d’AF&C (Avignon Festival et Compagnies). Le profil de la prochaine édition, du 7 au 31 juillet, se dessine à travers des nuées d’incertitudes, avec notamment pour objectif de lever 5 millions de ressources supplémentaires pour aider les artistes.
Les incertitudes sont nombreuses mais AF&C se tourne résolument vers l’avenir. Les dates sont désormais fixées. Le Off d’Avignon 2021 se déroulera du 7 au 31 juillet. Si le festival peut se tenir bien entendu…
Sur le sujet, Pierre Beyffette, démissionnaire de la présidence d’AF&C, clarifie d’emblée : « ce n’est pas nous qui pouvons annuler le festival, mais le préfet ». Et d’assurer que même en cas d’annulation qui serait décidée par le In, si le préfet décidait de limiter les jauges à 500 personnes par exemple, le Off se tiendrait quand même.
Lors de cette première conférence de presse pour Sébastien Benedetto, tout fraîchement élu donc à la Présidence d’AF&C, on sent que la passation des dossiers doit encore se faire sur les questions techniques. L’actuel directeur du Théâtre des Carmes assure qu’il compte poursuivre l’action initiée par Pierre Beyffette, « dans le sens d’une professionnalisation et d’un travail éthique » et annonce que ce festival de relance se voudra être « essentiel et solidaire ». Voilà pour l’essentiel et pour la com.
« Le principal enjeu, c’est d’éviter tout risque de cluster que pourrait générer l’arrivée de 400000 personnes dans la ville »
Puis Pierre Beyffette évacue rapidement le passé. Il réaffirme avoir quitté la présidence pour des questions d’emploi du temps personnel – il est également producteur – mais aussi parce que « quand, avec la crise, on prend des décisions qui ne plaisent à personne, on devient le centre de conflits. Ceux qui gèrent la crise ne peuvent pas être ceux qui reconstruisent ». Le conflit avec la FTIA (Fédération des Théâtres Indépendants d’Avignon) qui s’est plainte de n’avoir pas bénéficié du Fonds de relance alloué par le Ministère (360000 euros alloués aux théâtres permanents) a dû jouer dans cette décision. Le débat semble aujourd’hui clos et l’on assure que tout le monde souhaite se remettre à travailler de concert. Sébastien Lanz, soulignant que la nomination de l’avignonnais Sébastien Benedetto est en accord avec les préoccupations de relocalisation de l’économie du monde d’après, laisse aussi penser que le profil producteur parisien de Pierre Beyffette, n’a pas été pour rien dans son départ.
Le Off se tourne donc désormais vers l’avenir dans un climat de réconciliation que favorise la personnalité affable de son nouveau Président. La préoccupation principale concernant le festival qui vient, ce sont les conditions sanitaires qui ne peuvent être aujourd’hui anticipées. « Le principal enjeu, c’est d’éviter tout risque de cluster que pourrait générer l’arrivée de 400000 personnes dans la ville », explique Pierre Beyffette. Dans ce cadre, l’équation est claire. « Il faut se préparer avec le protocole en vigueur aujourd’hui. Pour mon théâtre des 3 soleils, on a fait le compte, ça veut dire passer de 8 à 6 créneaux par jour. Peut-être que le protocole s’assouplira, mais qui peut le plus peut le moins » poursuit-il. « Il y aura moins de spectacles, des jauges réduites, et les théâtres ne peuvent pas baisser le prix des créneaux. Il faudra aider les artistes », reprend Sébastien Benedetto.
Pour cela, AF&C veut élargir son fonds de professionnalisation, dispositif initié sous la présidence précédente. « Le problème dans les conditions actuelles, c’est que c’est l’emploi des artistes qui risque de passer à la trappe, leur rémunération », explique Beyffette. Le fonds vise donc à aider les compagnies les plus fragiles, celles qui ne sont pas soutenues par des subventions pour Avignon. L’objectif est d’abonder ce fonds à hauteur de 5 millions.
« Il y a trop de spectacles, les conditions d’accueil sont mauvaises, il y a des difficultés d’accès à la ville »
Pour atteindre cet objectif, plusieurs pistes sont évoquées. Flécher 2 millions du plan de relance de l’État sur ce festival. Solliciter une augmentation des subventions des collectivités territoriales, aujourd’hui dérisoires, en s’appuyant notamment sur une étude qui évaluerait à 50 millions les retombées du festival Off pour le territoire. Du mécénat et enfin, last but not least, la montée en puissance d’une billetterie centralisée. Sur cette dernière qui avait servi à lancer le fonds de professionnalisation, l’idée est de faire passer la taxe sur le billet de 90 centimes à 1,5-2 euros, et de bien davantage faire adhérer les théâtres qui n’ont lors de l’édition 2017 vendu que 1000000 billets – sur un total de 1,7 millions – par ce canal.
« Il y a beaucoup de freins psychologiques, de fantasmes sur la possession des données, par exemple, qui résulterait de cette billetterie centralisée. Il faut rassurer les lieux » détaille Pierre Beyffette. L’idée serait aussi de supprimer les contremarques et d’éviter ainsi les attroupements pas très covid compatibles qui se produisent rituellement devant les caisses des théâtres. Dans un contexte hautement incertain, le Off paraît poursuit donc sa route sur la voie de pratiques plus centralisées et régulées.
Alexia Vidal, comédienne et metteuse en scène membre du bureau d’AF&C, et trop rare femme du bureau d’AF&C, évoque d’ailleurs un avenir à plus long terme du festival Off qui prendrait des directions semblables. Suite à une consultation qui a reçu plus de 800 réponses sur les options à privilégier pour le futur, elle explique que cette dernière a fait ressortir « une vraie demande de réforme : il y a trop de spectacles, les conditions d’accueil sont mauvaises, il y a des difficultés d’accès à la ville. Il y a une demande de régulation même si la liberté fait partie de l’ADN du Off ». Pour cette édition, la pression sera forte. Les compagnies, privées de visibilité depuis un an, ont besoin de se produire. Elles ont des projets tout prêts dans les tuyaux, et reconduisent pour beaucoup leurs engagements annulés en 2020. Le nombre de représentations risque donc de ne s’atténuer qu’en raison des contraintes sanitaires et de laisser du monde sur le carreau. Reste à voir également si les programmateurs seront au rendez-vous. Eux qui vont largement reconduire leurs programmations annulées lors des précédentes saisons risquent de s’absenter. Quant aux spectateurs, sevrés de théâtre et rassurés par le vaccin, se rueront-ils dans les salles, ou attendront-ils de voir comment se déroule ce premier festival du monde d’après ? Autant d’inconnues auxquelles les acteurs du Off sont tous d’ores et déjà confrontés.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Ne pas comprendre qu’on est dans une crise systémique c’est remettre à après demain les grandes décisions (en admettant qu’elles puissent juridiquement être prise). La première c’est celle du « travail au noir ». La SACD et la SACEM ont su imposer il y a très longtemps l’application de la loi sur les droits d’auteur. Comment se fait il que les règles élémentaires du droit du travail sont bafouées par la plupart des compagnies ? Cette application mise en route c’est 2/3 des créneaux qui tombent. Et donc en conséquence du temps libéré pour faire correctement son travail avec des créneaux de 3 ou 4 heures. Et donc au maximum 4 spectacles par jours. Ce qui sera durable aussi c’est la densité de spectateurs dans chaque salle. Si dans ces conditions le OFF peut exister (sachant qu’en parallèle le IN devra aussi faire des adaptations) alors cette « crise » aura été salutaire.