L’Association des Centres Dramatiques Nationaux, présidée par Robin Renucci vient de rendre publique son Manifeste. C’est le résultat de multiples réunions avec les 38 directrices et directeurs de CDN pendant la saison 2017/208. Ils demandent au nouveau Ministre de la Culture, Franck Riester de « penser la place de l’Art comme axe principal d’un projet de société » et que son ministère devienne celui de la création.
En juillet 2017 en marge du Festival d’Avignon, Régine Hatchondo, alors directrice de la DGCA (Direction Générale de l’Création Artistique) lâche lors d’une réunion entrée dans l’histoire avec les directrices et directeurs de CDN: « vous ne me faites plus rêver, votre système est à bout de souffle ». En décembre de la même année, Robin Renucci, directeur des Tréteaux de France prend la présidence de l’ACDN, avec à ses côtés dans le bureau, Carole Thibaut, directrice du CDN de Montluçon et Joris Mathieu, directeur du Théâtre Nouvelle Génération à Lyon. Ce nouveau bureau a mené tout au long de la saison plusieurs réunions avec l’ensemble de leur.e.s collègues. Une réflexion de la sorte n’est pas arrivée depuis mai 1968 et les rencontres de Villeurbanne. En résulte un manifeste dont nous publions la note de synthèse. Un livre édité aux Solitaires Intempestifs coordonné par Joelle Gayot sortira au début de l’année.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Le Manifeste de l’A-CDN
Ce Manifeste est le fruit de ces réflexions et présente une synthèse de leurs engagements autour de l’Art et la création ainsi que des mesures concrètes qui viennent affirmer l’engagement des CDN dans la construction d’une politique publique forte en faveur de la création.
« Nous témoignons ici de la manière dont nos lieux, portés par un esprit d’innovation, inventent de nouvelles formes de création et de présences artistiques sur les territoires, ouvrent leurs portes à d’autres représentations du monde et expérimentent de nouvelles relations aux œuvres. »
Ce texte déplore en premier lieu le désengagement de l’Etat et l’absence d’une politique culturelle d’envergure qui permettrait de penser la place de l’Art comme axe principal d’un projet de société.
Les lieux de la décentralisation culturelle sont trop souvent les oubliés d’une politique centralisée, qui – comme en témoigne le plan « Culture près de chez vous » -, prévoit de répondre à la problématique de l’éloignement culturel par une logique de « diffusion » au lieu de s’appuyer sur l’expertise et la vivacité des structures de création et de diffusion implantées en région.
Afin de cimenter la présence artistique en régions, il est nécessaire que l’Etat apporte un soutien fort aux équipes en place et opère un rééquilibrage de ses investissements.
« Il n’y a pas eu assez d’imagination et de créativité au pouvoir. Depuis bientôt trente ans, l’Etat n’accompagne plus la transformation des usages et des lieux, les mutations esthétiques, les nouvelles relations à tisser avec les publics. Pourtant ces mutations sont à l’oeuvre dans nos structures, avec les artistes, avec les équipes permanentes, mais elles ne sont pas suffisamment observées ni prises en considération. Les différents gouvernements de ces dernières décennies n’ont pas eu l’intelligence de se saisir de cette mutation pour en faire des outils efficaces de la cohésion sociale. »
Pour donner un nouvel élan à une politique culturelle dépassée, il est urgent de réinvestir le service public et de renforcer les missions et moyens du ministère de la Culture qui doit devenir un ministère de la création.
« Nous pensons qu’une autre politique est possible et que la place prépondérante du ministère de la Culture, de ses structures et de ses outils doit être réaffirmée dans la construction du modèle sociétal de la France. »
La dimension transversale de la question culturelle doit être prise en considération et les équipes de direction des CDN soutiennent pleinement la tenue d’un chantier interministériel sur l’Art et la création, initiative portée par le SYNDEAC.
Une politique publique d’envergure alliant les moyens et champs d’actions du ministère de la Culture, de l’Intérieur, de la Cohésion des territoires, de l’Éducation Nationale, de l’Économie et le ministère de l’Action des comptes publics, permettrait de faire émerger la parole d’un État engagé dans le respect de l’équité territoriale, qui pense l’Art et la Culture comme la colonne vertébrale d’un projet de cohésion sociale et éducative.
Ainsi, un redéploiement des moyens doit être planifié pour rétablir une égalité des droits culturels à l’échelle du territoire.
Le Manifeste présente ensuite plusieurs pistes de réflexions et de mesures concrètes pour accompagner l’évolution des CDN.
Ces propositions abordent notamment des questions d’ordre artistique (renforcement des moyens de création), esthétique (valorisation des écritures contemporaines et protéiformes), budgétaire (fusion des cadres budgétaires 224 et 131), administratif (refonte du FONPEPS), managérial (formation des directeurs et accompagnement des équipes), éducatif (parcours culturel accompagné par les professionnel.le.s du corps enseignant et ceux.elles de la culture) et d’insertion professionnelle (encouragement des jeunes troupes en professionnalisation dans les CDN), juridique (redéfinition de l’accord 2003 relatif à l’emploi artistique), territorial (renforcements de moyens pour assurer une permanence artistique), communicationnel (évolution du cahier des charges de l’audiovisuel public) etc.
« L’État doit se saisir à la fois de cet héritage, de la richesse de ce réseau de structures et du travail de mutation que nous avons entrepris depuis maintenant de nombreuses années. Ce réseau peut devenir une des forces principales du déploiement d’une nouvelle politique sociétale. Il en a l’expérience. Il en a aussi une expertise réelle et prototype déjà des expériences singulières pour adapter ces usages à la mutation du monde. »
Le deuxième ensemble de ce texte est consacré à des exemples concrets de projets qui illustrent et réaffirment les principes fondamentaux de ces maisons :
– L’Art comme direction
– La création à l’oeuvre
– Le Théâtre comme autres représentations du Monde
– Une maison d’artistes pour un mouvement artistique permanent
– Le partage de l’art en Acte
Ces actions témoignent de la diversité et de la vitalité de ces lieux de production qui animent le territoire en remplissant leur mission d’intérêt public et en assumant pleinement leur responsabilité artistique, territoriale, sociale et professionnelle.
Bonsoir,
Pourriez-vous nous mettre un lien qui mène au document complet de ce manifeste ?
Cordialement
Il sera publié prochainement sur le site de l’ACDN. Pour l’instant, il n’est pas en ligne.
Merci beaucoup pour cette information