Le Ballet de l’Opéra de Lyon doit faire face au départ, après licenciement, de Yorgos Loukos, condamné par la justice pour discrimination et à la menace du retrait des chorégraphies d’artistes en vue qui le soutiennent. Dans la soirée, William Forsythe et Benjamin Millepied ont fait savoir qu’ils n’avaient pas signé le texte, même si leur nom apparaît. Le quotidien Libération a retiré les noms et attend des explications des co-rédactrices du texte.
La nomination de Julie Guibert à la direction artistique du Ballet de l’Opéra de Lyon il y a à peine une semaine n’aura donc pas eu l’effet -d’apaisement- escompté. Ce mercredi 19 février une tribune signée par une centaine de personnes, dont pas mal de chorégraphes connus et au répertoire de la troupe lyonnaise, critiquait « la procédure ayant conduit au licenciement de Yorgos Loukos ». Pire des « mesures de rétorsion » comme le retrait de pièces au répertoire du Ballet semblent du domaine du possible. Cette tribune publiée par le quotidien Libération et initiée par le journaliste Raphaël de Gubernatis ne manquera pas de verser de l’huile sur le feu. Maguy Marin, Mats Ek ou Lucinda Childs et Benjamin Millepied ce n’est pas rien. Surtout, si les actes suivaient les paroles c’est toute la compagnie qui serait déstabilisée avec des saisons amputées de quelques chefs d’œuvre.
Il est encore trop tôt pour dire de quoi seront faites les saisons à venir, Serge Dorny, directeur de la maison en instance de départ comme Yorgos Loukos n’ont pas souhaité prendre la parole. Leur inimitié par contre est un sujet sur toutes les lèvres du milieu. Que penser de ce clash alors même qu’une décision de justice a été rendue après plusieurs recours ? Le licenciement était-il le seul moyen de réponse –Loukos étant à 6 mois de la retraite. ? Enfin les danseurs ont-il été consultés sur certaines décisions ? Ou manipulés ? Comment sortir par le haut quand le Ministère de la Culture est aux abonnés absents, les responsables de la ville de Lyon plus préoccupés par les élections à venir … Il faudra que les uns et les autres se parlent avant tout. Par contre on peut regretter que la nomination de la nouvelle directrice se soit passée sans appel d’offres. Le talent de Julie Guibert n’est pas en cause mais plutôt la méthode. A croire que personne n’a rien retenu des leçons du passé. Édifiant.
En 24 heures, on aura lu ou entendu pas mal de choses. Et même parfois n’importe quoi. Dire que Yorgos Loukos a « fait le ballet » tel qu’il est c’est ainsi oublier le rôle primordial de Françoise Adret avant lui qui fera venir Maguy Marin pour un Cendrillon ou Angelin Preljocaj toujours au menu de la compagnie. La même Adret qui choisira comme maître de ballet un certain Yorgos Loukos. « C’était une personnalité d’une curiosité incroyable, qui voulait tout voir, toit connaître, rencontrer tout le monde. Et à l’époque, ce n’était pas si courant dans notre milieu » aura confié Yorgos Loukos au Figaro à la disparition de cette grande dame. Ainsi mis le pied à l’étrier, Yorgos Loukos qui succède en 1991 à Adret à la tête du Ballet va renforcer le virage vers la modernité de la troupe. Forsythe ou Rachid Ouramdane, mais aussi les classiques du XX ème siècle que sont Trisha Brown ou Merce Cunningham. Dès 1997 le Ballet de l’Opéra de Lyon se produit aux Etats-Unis et le New York Times s’enthousiasme : « La Cendrillon de Lyon est quelque chose de différent, nous ne voyons rien de tel en ce moment à New York ». Les tournées vont suivre et faire du Ballet lyonnais une référence sur la scène internationale. Yorgos Loukos à son tour tissera des liens très forts avec des lieux comme la Brooklyn Academy of Music. Et si la compagnie a tourné un peu moins ces derniers temps la cause en est les restrictions budgétaires de par le monde. Néanmoins le Ballet de l’Opéra de Lyon doit passer un mois Outre-Atlantique à partir du 18 mars avec le programme autour des Trois grandes fugues. Dont celles de Maguy Marin et Lucinda Childs. – Anne Teresa de Keersmaker n’a pas signé la tribune elle. Que se passera-t’il si les deux chorégraphes que sont Marin et Childs retirent leurs productions ? Quant à l’effet sur la réputation de l’ensemble, il serait désastreux. A moins qu’il ne le soit déjà. Le Ballet de l’Opéra de Lyon mérite qu’une autre page de son histoire s’écrive aujourd’hui.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
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