La Maison Maria Casarès, un lieu où faire société

Le Festival d’été à la Maison Maria Casarès photo Christophe Raynaud de Lage

À la Maison Maria Casarès dirigée par le duo d’artistes Johanna Silberstein et Matthieu Roy, le théâtre comme ses alentours invitent à la rencontre. Ils préparent leur festival d’été 2021 qui se déroulera du 26 juillet au 19 août.

Pour se rendre à la Maison Maria Casarès, vous devrez d’abord rejoindre – au choix – Angoulême, Limoges, ou Poitiers. De l’une de ces trois villes, la voiture sera indispensable pour traverser ensuite villes, hameaux et campagne aux prés verdoyants. Une fois atteint Alloue, village d’un peu moins de cinq cent âmes, vous y serez. et n’aurez plus qu’à trouver le domaine de la Vergne, acquis en 1961 par Maria Casarès et légué à la municipalité d’Alloue à sa mort, en 1996.

Ce lieu qu’on désigne désormais comme la Maison Maria Casarès et labellisé Centre culturel de rencontre (en 2008), est codirigé depuis janvier 2017 par Johanna Silberstein et Matthieu Roy. Au cœur de ces bâtisses et de leur vaste parc au charme inégalé, le duo d’artistes codirecteurs de la compagnie du Veilleur® continue d’y mener de front ses propres activités artistiques et le déploiement de son projet articulant théâtre et patrimoine. Parce que tout comme la Maison Jacques Copeau sise à Pernand-Vergelesses en Côte d’Or – et bénéficiant au même titre que le site d’Alloue du label du Ministère de la culture de « Maison des Illustres » –, la Maison Maria Casarès suscite chez qui la visite un sentiment double. Celui de tutoyer une part sensible de l’histoire du théâtre, et ce dans ses replis les plus intimes – à travers la personnalité de celle qui en fut la maîtresse des lieux, soit la comédienne Maria Casarès (1922-1996) – comme de découvrir un projet tourné résolument vers le présent – les auteurs contemporains y ayant une place de choix, comme les jeunes équipes

Pour le duo Silberstein-Roy, choisir de diriger cette maison ne laissait rien au hasard, tant les débuts de leur parcours professionnel s’enracinent dans ce territoire. Tandis que c’est dans ces murs que Johanna Silberstein se souvient avoir répété son premier spectacle au sortir de sa formation (à l’École de théâtre – EDT 91), Matthieu Roy est, lui, originaire de la région. Une fois achevé ses études à l’École du Théâtre national de Strasbourg en 2007, ce dernier a souhaité revenir implanter sa compagnie en Poitou-Charentes

Rencontrant la directrice de l’époque Véronique Charrier, Roy y sera ainsi régulièrement accueilli en résidence et le Veilleur® sera même compagnie associée à la Maison pendant une saison. C’est donc assez naturellement qu’une poignée d’années plus tard, lorsque les tutelles décident de lancer un appel à candidatures pour une nouvelle direction, que le duo soumet sa candidature

Cinq années après leur arrivée, Johanna Silberstein et Matthieu Roy continuent de s’épanouir dans ce projet aux multiples ramifications. Car – on le répète – loin d’être une seule salle de spectacles – la Maison Maria Casarès agrège les activités : culture du potager par des bénévoles et des migrants vivant dans un centre d’accueil situé à Confolens, accueil de jeunes metteurs en scène – dans le cadre du dispositif « Jeunes pousses » –, accompagnement d’artistes (qu’ils soient auteur, metteurs en scène, comédiens ou, encore compositeurs) via des résidences, programmation d’une saison estivale de spectacles et de rencontres et ateliers de pratiques à destinations des amateurs comme des professionnels sont autant des propositions développées (et c’est sans évoquer les travaux d’aménagement et de rénovation qui vont bientôt débuter)

L’entremêlement savant de ces divers axes invite à mettre en pratique l’interrogation « comment fait-on société aujourd’hui ? », confie Johanna Silberstein. Une question qui se déplie ainsi au quotidien, dans le croisement des différents visiteurs ou résidents, dans les dialogues informels qui se nouent, comme dans les idées qui infusent en passant d’une pratique à l’autre

Si la pandémie affecte – comme toutes les structures recevant du public – les projets de la Maison Maria Casarès, la souplesse du lieu, comme sa configuration, laissent espérer de belles rencontres cet été pour son festival. Forte du maintien de son édition 2020 (réaménagée) l’équipe se projette activement dans la manifestation qui se tiendra du 26 juillet au 19 août prochain, tout en continuant à accueillir des compagnies en résidence et répétitions. Outre la venue de plusieurs équipes bénéficiant du dispositif Jeunes pousses (dont Marie le Guern-Herry qui travaillera sur Eugen, pièce pour marionnettes de Tankred Dorst et Arnaud Vrech sur le texte À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie d’Hervé Guibert), ce sont deux spectacles mis en scène par Matthieu Roy qui étaient au travail lors de notre visite.

« Gros », écrit et interprété par Sylvain Levey photo Christophe Raynaud de Lage

L’un, Ce silence entre nous, dont le texte est signé par l’autrice roumaine Mihaela Michailov sera créé en septembre au Théâtre de l’Union de Limoges pour les Francophonies – avant de partir en tournée. L’autre, Gros, écrit et interprété par Sylvain Levey, a vu le jour en octobre pour sa version en salles – l’équipe planchant sur la version plein air

Née d’une commande d’écriture posant notamment la question « écrire pour soi, est-ce écrire pour les autres ? » cette autofiction nous plonge dans la vie de Sylvain Levey. De son passage d’un petit garçon chétif refusant toute nourriture à un « petit gros » ; de sa découverte du théâtre et de ses auteurs jusqu’à ses propres débuts en tant qu’écrivain dramatique ; et jusqu’à la mort de son père, l’ensemble dessine les étapes essentielles de son parcours. Traversé de pointes d’humour, Gros assume le dispositif de la confession dans une grande proximité avec les spectateurs en utilisant pour scénographie une coquette caravane des sixties. S’affairant dans ou devant sa caravane, y cuisinant, Sylvain Levey porte avec une sincérité mêlée de pudeur son récit. Son parcours intime d’émancipation par le théâtre peut, par sa justesse, devenir un horizon partagé

Il résonne dans la simplicité formelle de Gros certaines des convictions portées par Johanna Silberstein et Matthieu Roy, telle celle d’un théâtre fondé sur la souplesse et la sobriété, permettant de jouer partout. Interrogés sur la manière dont la pandémie a influé sur leurs réflexions, le duo explique, d’ailleurs, avoir vu depuis un an se confirmer quelques-unes de ses intuitions – de celles expérimentées à Alloue

Outre la nécessité d’offrir des espaces de programmation à jauges réduites, et de proposer des programmations estivales loin des métropoles, il s’agit d’inventer des espaces où le théâtre est un composant parmi d’autres des rendez-vous proposés. « Des lieux de rencontre où l’on peut faire société, parce que diverses activités s’y développent, différentes personnes s’y croisent. » Des lieux, aussi, où sont pensés à chaque moment l’adresse aux visiteurs, aux spectateurs. Des lieux, enfin, où en venant découvrir des œuvres et ceux qui les font, l’on se confronte à des mondes autres – trouvant là qui sait, le désir d’œuvrer à améliorer le sien.

Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr

Le programme de la saison estivale 2021

VISITE CONTÉE

Fragments d’autre : la correspondance entre Maria Casarès et Albert Camus

Partez à la découverte de la correspondance amoureuse entre Maria Casarès et Albert Camus. Équipé d’un casque audio, vous pourrez à votre rythme parcourir cette promenade qui vous conduira à différents points du parc. À chaque étape, vous écouterez un échange entre les deux amants qui laissera place à la musique d’Aurélien Dumont et vous accompagnera à chacun de vos pas.
Un parcours sur les terres de Maria Casarès, à la rencontre de ces deux monstres sacrés du théâtre et des lettres. Une expérience intime et envoutante.

Mise en voix Matthieu Roy | Avec Johanna Silberstein et Philippe Canales | Enregistrement des voix Grégoire Leymarie | Composition musicale Aurélien Dumont | Réalisateur en informatique musicale Étienne Démoulin | avec l’ensemble L’Instant donné et le quatuor Opus 333 | En coproduction avec l’IRCAM et le soutien technique de l’Abbaye aux Dames de Saintes.

VISITE GUIDÉE

Mémoires du Logis de la Vergne, carte blanche à Joël Andrianomearisoa

Accompagné d’un guide et en groupe, les visiteurs partiront à la découverte de l’histoire du Logis de la Vergne et particulièrement du parcours de Maria Casarès : sa vie d’artiste, de réfugié, de femme du XXème siècle. Au delà des traces laissées par son illustre propriétaire, cette visite sera également l’occasion de découvrir l’œuvre de l’artiste plasticien, Joël Andrianomearisoa.

Commissaire d’exposition : Marie-Cécile Zinsou
Écriture et direction de la visite : Johanna Silberstein et Matthieu Roy
Artiste invité : Joël Andrianomerisoa

GOÛTER-SPECTACLE

Allez, Ollie…à l’eau !

Mamie Olive, une arrière-grand-mère presque impotente mais qui a été championne olympique de natation au JO de Londres de 1948, rencontre son arrière petit-fils Oliver… qui a peur de l’eau !

Une rencontre qui semble bien mal commencer ; quoi de commun entre ce petit garçon plein d’énergie et son arrière-grand-mère, convalescente suite à une fracture de la hanche, qui par-dessus le marché lui prend sa chambre sous le prétexte qu’elle ne peut pas monter un escalier… Mais c’est sans compter sur les ruses de Mamie Olive pour aider Ollie à se jeter à l’eau.
Et si ce qui semblait les éloigner finissait par les rapprocher ?

Pour le Festival d’Été, Odile Grosset-Grange adapte en extérieur son spectacle créé en 2014.

de Mike Kenny | Traduction Séverine Magois | Mise en scène Odile Grosset-Grange | Scénographie
Marc Lainé | Distribution Odile Grosset-Grange et Anthony Jeanne | Scénographie Marc Lainé

APÉRO-SPECTACLE

C.R.A.S.H. d’après l’affaire dite de Tarnac

En 2008, explose dans les médias une affaire qualifiée immédiatement de terroriste : un groupuscule d’ultra-gauche implanté en Creuse aurait saboté les caténaires d’une ligne TGV.
Il s’ensuit un des plus grands scandales judiciaires de ces vingt dernières années.

Si cette affaire a autant marqué les esprits, c’est qu’elle fut médiatique avant même que la Justice ait eu le temps de s’en saisir. Elle est devenue un « pure » produit de notre époque : produit de communication d’une politique d’État et produit de journalistes en mal de sensation.
Dans ce spectacle, nous traverserons les différentes étapes du procès de cette « Affaire Tarnac ».
Avec un humour acerbe, nous tenterons de mettre en lumière la situation ubuesque dans laquelle ont été entrainés les accusés mais aussi le système judiciaire.

Écriture et mise en scène Sophie Lewisch (Jeunes Pousses 2019) | Dramaturgie Mariette Navarro |
Distribution Nadine Bechade, Emmanuel Bodin, Florentin Martinez, Charles Pommel, Sophie Lewisch

DÎNER-SPECTACLE

Martyr

Adolescent comme les autres, Benjamin sème la pagaille dans son lycée. Pris d’une crise mystique qu’il revendique haut et fort, ses idées extrémistes bouleversent sa mère, ses camarades et son lycée tout entier. Seule sa professeur de biologie tente de le ramener à la raison en s’engageant à analyser à son tour les écritures saintes et à lui répondre argument contre argument.
Les filles peuvent-elles aller en bikini au cours de natation ? Les cours d’éducation sexuelle ont-ils leur place dans un établissement scolaire ? Et la théorie de l’évolution dans les cours de sciences naturelles ? Petit à petit, Benjamin se drape dans ses habits de « martyr », révélant les failles béantes des systèmes d’éducation familiaux, scolaires et même théologiques dépassés alors par le cours des événements.

Avec un humour glaçant et des personnages hauts en couleur, ce spectacle nous invite à voir les insidieux rouages dans lesquels l’extrémisme tisse sa toile auprès des plus jeunes et la difficulté à y faire barrage.
En rire, pour tenter, peut-être, de mieux s’en prémunir.

de Marius von Mayenburg | Traduction Laurent Mulheisen | Mise en scène Matthieu Roy | Distribution
Nadine Bechade, Clément Bertani, Emmanuel Bodin, Anthony Jeanne, Sophie Lewisch, Florentin Martinez, Charles Pommel, Johanna Silberstein
Ce spectacle a été créé dans une première version en janvier 2014 au TAP, Théâtre et Auditorium de Poitiers. Il est repris exceptionnellement pour le Festival d’Été 2021 avec une nouvelle distribution.