Les intermittents du spectacle ont quitté d’eux même le Théâtre National de l’Odéon, au petit matin, ce dimanche 23 mai. « Ce n’est qu’un au-revoir » ont-t-ils écrit dans un communiqué. « Mesdames les Ministres Bachelot et Borne, tant que nous étions à l’Odéon, vous saviez où nous trouver. Maintenant que nous sommes sorti·e·s, attendez-vous à des surprises. » Les représentations de La Ménagerie de verre reprendront donc dès la prochaine représentation prévue mardi 25 mai.
« Rester à l’Odéon c’est devenu un problème d’affrontement avec la direction, ça ne nous intéresse pas » explique ce matin, Denis Gravouil, le secrétaire général de la CGT Spectacle. L’occupation de l’Odéon depuis le 4 mars a été le point de départ d’un mouvement d’occupation des lieux de culture en France et en Outre-Mer, avec comme principales revendications, la suppression de la réforme de l’assurance chômage, le maintien des droits pour tous les chômeurs jusqu’à la reprise totale des activités, et la prolongation de l’année blanche pour les intermittents. Sur ce dossier le Gouvernement a accordé la prolongation jusqu’au 31 décembre, avec des filets de sécurité.
La situation était disparate sur le territoire. Certains théâtres ont pu rouvrir le 19 mai, comme cela a été le cas au Théâtre National de Nice, où les occupants ont distribué des tracts à l’extérieur, en expliquant leurs revendications. Au Théâtre de la Cité à Toulouse, les occupants avaient été évacués le 12 mai dans le calme en présence d’un huissier sous le regard des forces de police, restés à l’écart. A l’Odéon, la direction avait décidé de ne pas jouer la première de La Ménagerie de Verre. Stéphane Braunschweig, le directeur s’en était expliqué dans un communiqué. « La décision du directeur de ne pas donner les représentations , ce n’est pas tenable pour nous, car on veut que ce spectacle ait lieu » explique Denis Gravouil. « Nous, on voulait qu’il ait lieu avec une occupation qui nous permette de parler, qui nous permette d’afficher des banderoles mais on ne veut pas empêcher le spectacle. Donc on va permettre aux spectacles de reprendre ».
« Nous l’avons dit maintes fois, notre intention n’a jamais été d’empêcher la réouverture. Mais nous avons affirmé aussi que nous ne sortirions pas de l’occupation tant que nos revendications ne seraient pas satisfaites. Nous refusons de porter la responsabilité de la fermeture de l’établissement et de l’annulation du spectacle » explique les occupant.e.s de l’Odéon dans leur communiqué.
Le mouvement va se réorganiser différemment comme l’explique Denis Gravouil : « l’idée maintenant est de poursuivre ailleurs, pour continuer à batailler le plus longtemps possible ». « Que la Macronie assume, elle, de rester sourde aux voix des précaires qui se battent pour pouvoir vivre de leur métier et de leurs droits sociaux ! La réouverture n’est pas la reprise du travail pour des millions de personnes, dont les intermittent·e·s du spectacle et de l’emploi » expliquent les occupants dans leur communiqué qui préparent d’autres actions « Occupons partout. Surtout là où on ne nous attend pas. Soyons surprenantes et créatifs ! »
La créativité dans les modalités de protestation, c’est bien la seule solution pour faire vivre les revendications et les imposer dans les agendas politique et médiatique. On voit bien que les actions longues perdent très vite en visibilité et lisibilité, que ce soit pour les médias ou pour l’opinion publique. On ne peut pas occuper un théâtre, surtout subventionné majoritairement par la puissance publique comme on occupe une usine. Nous avons bien vu à la faveur de cette crise sanitaire, qui n’est qu’une manifestation ponctuellement plus radicale de la crise globale des systèmes économiques et politiques qui régentent le monde contemporain, que les oeuvres de l’esprit n’ont pas pénétré le domaine de la nécessité oú règnent en maîtres les rapports de force economiques et politiques. Dans une civilisation qui a, depuis longtemps, renoncer à poursuivre
(Suite) … sa progression vers plus de sagesse et de solidarité, il est logique de voir les citoyen.ne.s, notamment celles et ceux qui désirent plus fortement le pouvoir que les autres, céder aux sirènes d’un narcissisme infantilisant qui flatte leurs égos. Il s’agit d’un problème de conscience collective. Pour lutter contre cela, alors effectivement il nous faut être très créatif et généraliser le domaine de la lutte dans des actions fréquentes mais de courte durée et à petite échelle. Le seul moyen de contrer la dictature de l’économie de l’attention, c’est d’infiltrer la temporalité propre à cette économie, celle du présent permanent.