Dans un rapport rendu public dimanche 29 mai, les magistrats de la rue Cambon regrettent que « les difficultés au plan de la diffusion », déjà constatées en 2004, soient « toujours d’actualité ».
A l’heure où les institutions se projettent, les unes après les autres, vers l’avenir au gré de leurs présentations de saison 2022-2023, la Cour des comptes jette un pavé dans la mare. Dans un rapport thématique intitulé Le soutien du ministère de la Culture au spectacle vivant, rendu public dimanche 29 mai, les magistrats de la rue Cambon pointent des « résultats insuffisants » au regard des objectifs affichés en matière de démocratisation culturelle et d’élargissement des publics, mais aussi de diffusion des oeuvres du spectacle vivant. Le diagnostic n’est pas nouveau et rejoint celui de Bernard Laterjet qui, en 2004, dans son rapport Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, regrettait déjà que « les spectacles tournent peu ou mal », avant d’identifier « l’état de surproduction, résultat d’une absence de régulation » comme « cause principale des difficultés constatées au plan de la diffusion ». Plus de quinze ans après, la Cour des comptes estime que ce constat est « toujours d’actualité », en dépit des recommandations de l’époque, restées lettre morte, pour « redéfinir l’équilibre entre création et diffusion ».
Pour parvenir à cette conclusion et pallier « l’absence de bases de données fiables et exhaustives » quant à la diffusion des oeuvres du spectacle vivant, les magistrats ont rapproché les données de deux sources différentes : celles de l’outil de suivi d’activité Ethnos, utilisé en 2019 par près de la moitié des 300 structures labellisées par l’Etat – centres de développement chorégraphiques nationaux (CDCN), opéras, orchestre, scène nationale, centres dramatiques nationaux (CDN), centres nationaux des arts de la rue et de l’espace public (CNAREP) et pôles nationaux du cirque (PNC) –, et celles de Panorama, une enquête interne au ministère de la Culture réalisée en 2017. Résultat, dans les CDN et les scènes nationales, chaque spectacle donne, respectivement et en moyenne, lieu à quatre et 2,5 représentations, contre sept et trois en 2004. Pis, dans les CDCN, un spectacle de danse est représenté à peine plus de deux fois (2,1), quand un spectacle de cirque compte en moyenne 2,4 représentations.
Même si elle invite « à considérer avec prudence » ces résultats au vu des « lacunes méthodologiques » de l’enquête Panorama et du nombre restreint de structures ayant renseigné leurs données d’activité sur Ethnos en 2019, la Cour y voit la preuve de « la difficulté à promouvoir une certaine forme de continuité et de séries longues dans la diffusion des œuvres au sein des lieux labellisés ». Pour expliquer cette situation, « largement partagée par les acteurs du secteur depuis des années », les magistrats pointent plus particulièrement « les systèmes d’aide publique » qui, en étant « historiquement centrés sur le renouvellement de la création », encourageraient les artistes et les structures à créer, ou à financer la création, de nouvelles oeuvres plutôt qu’à exploiter pleinement les précédentes.
Afin de remédier à ce problème, de réarticuler les missions entre les niveaux centraux et déconcentrés du ministère de la Culture, et de favoriser la démocratisation culturelle et l’élargissement des publics, les magistrats de la rue Cambon édictent cinq recommandations : « définir les grandes orientations de la politique de l’État en faveur du spectacle vivant » ; « établir des objectifs de diffusion plus ambitieux en associant l’ensemble des parties prenantes (État, collectivités, organisations professionnelles du secteur) » ; « associer l’objectif de renforcement de la diffusion des spectacles à celui du renouvellement des publics et de démocratisation » ; « doter la direction générale de la création artistique (DGCA) des outils et de l’organisation lui permettant de disposer au plus vite de données fiables et complètes pour piloter la politique en faveur du spectacle vivant » ; et « associer plus étroitement les DRAC à l’élaboration des orientations de la politique du spectacle vivant ». Reste à savoir si ces pistes de travail seront, cette fois, suivies d’effets.
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