Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française et Martial Poirson, professeur d’histoire et d’études théâtrales, racontent en 300 pages la passionnante histoire de la Comédie-Française, le plus ancien théâtre d’Europe, né en 1680. Le livre, Comédie-Française, une histoire du théâtre est paru aux Editions du Seuil.
Il manquait « un livre généraliste et grand public » sur l’histoire de la Comédie-Française, écrit Eric Ruf, l’actuel administrateur de l’institution dans sa préface. C’est chose faite avec ce condensé en 300 pages de l’histoire de ce théâtre hors du commun, né en 1680 de la fusion des trois troupes parisiennes du Théâtre du Marais, de l’Hôtel de Guénégaud et de l’Hôtel de Bourgogne. Louis XIV entend mettre fin à la concurrence, et « veut assurer une emprise politique et un contrôle sur les spectacles« . Le pouvoir du Prince.
On dit de la Comédie-Française qu’elle est la maison de Molière. Mais l’auteur l’acteur n’aura jamais vu de son vivant la naissance du Théâtre-Français puisqu’il meurt le 17 février 1673. Ce sont ses comédiens de sa troupe nommée « Hôtel de Guénégaud » (Baron, La Champmeslé, Armande Béjart, Melle Beauval) qui sont invités à fusionner avec les comédiens du Théâtre du Marais le 18 août 1680. La Grange, comédien chez Molière assure implicitement la direction de cette nouvelle troupe qui donne sa première représentation le 25 août. Elle est placée sous la tutelle monarchique. Elle joue sur la scène de l’Hôtel de Guénégaud (9,75 mètres d’ouverture) -la salle peut accueillir 1324 spectateurs – puis dans le nouveau théâtre du Jeu de paume de l’Etoile, rue des Fossés-Saint-Germain, édifié en 1689 pour une jauge de 1500 spectateurs. Le Théâtre tel qu’on le connait aujourd’hui est inauguré le 15 mai 1790 à l’issue de quatre ans de travaux. Il subit un gigantesque incendie en 1900, et doit être totalement reconstruit.
Les deux auteurs retracent donc les grandes phases de l’histoire de ce théâtre à travers 230 documents, dont beaucoup sont inédits. Le Théâtre-Français a suivi tous les soubresauts de l’histoire de France sur ces quatre derniers siècles. Pendant la Révolution Française, la troupe se déchire pour se refonder en 1798. Pendant la guerre de 1870, le foyer sert de refuge pour les blessés. Au cours de la première guerre mondiale, les acteurs sont « mobilisés » pour jouer au front au sein du Théâtre aux Armées et divertir les soldats. Sous l’occupation, le théâtre reste ouvert, mais « les sociétaires « gênants » sont discrètement limogés« .
L’ouvrage raconte les hauts et les bas de l’Institution, devant subir au cours de son histoire la concurrence d’autres théâtres, notamment au début du 19e, où les vedettes ne sont pas au Théâtre-Français, mais à l’Odéon ou sur le Boulevard du Crime (Frédérick Lemaitre, Marie Dorval) et les auteurs en vogue, Dumas, Vigny, Hugo sont joués autant sur les grands boulevards – au Théâtre de la Porte Saint-Martin ou au Théâtre de la Renaissance – qu’au Palais-Royal. Mais finalement, l’institution résiste à tous les effets de mode. Si le style « Comédie-Française » a pu être assimilé au « goût français », aujourd’hui la maison qui emploie 450 salariés a su se renouveler. Elle le doit à tous les administrateurs comédiens ou metteurs en scène depuis 1960: Maurice Escande, Pierre Dux, Jacques Toja, Jean-Pierre Vincent, Antoine Vitez, Jacques Lassalle, Jean-Pierre Miquel, Marcel Bozonnet, Muriel Mayette-Holz et Eric Ruf.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Un très bel ouvrage, j’ai beaucoup apprécié les anecdotes racontées par les auteurs.