Dans le cadre des Fictions France Culture proposées dans la cour du musée Calvet à Avignon, Isabelle Adjani et Lambert Wilson accompagnés au violoncelle par Raphaël Perraud, lisent avec une belle intensité la correspondance amoureuse entre l’auteur nobélisé Albert Camus et la grande tragédienne Maria Casarès.
C’est une liaison passionnée qui débute en 1944 lorsque le romancier et dramaturge rencontre la comédienne à Paris. Cette même année? il lui confie le rôle de Martha dans sa pièce Le Malentendu créée au Théâtre des Mathurins. Plus tard, Maria Casarès sera aussi Dora, la révolutionnaire sentimentale des Justes, donnés au Théâtre Hébertot en 1949.
Albert Camus est marié à Francine, retenue à Oran le temps de la guerre, mais, malgré une brève rupture, ce qu’il vit avec Maria est d’une qui ne s’éteindra jamais jusqu’à sa mort accidentelle dans un accident de voiture en 1960. Cette grande histoire d’amour libre s’exprime abondamment dans les plus de 1300 pages dernièrement publiées chez Gallimard. Un nombre très conséquent de lettres – plus de 800 – y sont recueillies.
Lui se bat contre la tuberculose et s’affaire à l’écriture de son livre-monstre, L’Homme révolté, pour lequel il travaille avec obstination et malgré l’impatiente envie de la voir et la déception qu’il sait provoquer chez elle. Sans répit, elle parcourt les routes à l’occasion de multiples tournées théâtrales. Leur relation est une épreuve du temps, du manque, de l’attente comblés par les mots échangés.
Leurs écrits sont autant une déclaration d’amour ininterrompue qu’une constante sollicitation. Ils sont le témoignage d’un engagement définitif, d’un désir permanent, d’une promesse continue, d’une conquête audacieuse. Leur contenu oscille de la joie à la douleur, jamais frivole, toujours exigeant et engagé, plein de force et de vie. Les scripteurs mutuellement exaltés s’assurent d’un sentiment réciproque dense et profond, magnifiquement relayé par leurs interprètes, Isabelle Adjani et Lambert Wilson, de toute beauté.
Au festival d’Avignon, le public qui a longuement attendu, des heures durant, en fin d’après-midi, dans la rue Vernet, leur a réservé un triomphe. Quand cela commence, Isabelle Adjani et Lambert Wilson se tournent le dos, mais très vite elle prend place à ses côtés sur un petit fauteuil en rotin. Il se lèveront un instant, esquisseront un furtif pas de danse sur The Man I love d’Ella Fitzgerald. L’élégance et la suavité incarnées. Joliment vêtue d’une longue et souple robe claire, elle porte à la main un grand chapeau de paille qu’elle dépose négligemment. Isabelle Adjani est douce, piquante, féline, mutine dans la partition de Casarès, bénignement orageuse, surtout très amoureuse, mais sans concession. Elle refuse de vivre une vie de sacrifice. « Vaincre ou perdre » est son défi intime. Pour Camus, le renoncement n’est pas permis non plus. Empreint de gravité subtile ou d’un lyrisme plus emporté, Lambert Wilson lui apporte une franche détermination doublée d’une forte séduction. Leur voix d’un doux velours s’accordent parfaitement.
La lecture déjà présentée à Villeurbanne et Grignan est un moment de pure passion délicate et immense. Unis pour toujours, Camus et Casarès disent le sentiment puissant qui les relit, plus que de l’attachement, l’appartenance l’un à l’autre envers et contre tout. Elle lui écrivait d’ailleurs : « je sais, quoiqu’il arrive, que nous vivrons et mourrons ensemble ».
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
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