Rendez-vous majeur pour la jeune crĂ©ation, le festival Impatience se tient comme prĂ©vu du 9 janvier au 2 fĂ©vrier 2021. Sans public, mais pour des professionnels curieux des nouvelles Ă©critures. Bien quâĂ huis clos, lâavenir du spectacle vivant est en prĂ©paration.
DĂ©sormais habituĂ©s Ă courir les salles vides en plein aprĂšs-midi, les professionnels du spectacle vivant Ă©taient nombreux â dans la limite autorisĂ©e â le 9 janvier Ă 15h au Théùtre de Chelles. Nouveau venu dans lâaventure Impatience, ce lieu accueillait alors le premier spectacle de la 12Ăšme Ă©dition du festival, HOME, morceaux de nature en ruine de Magrit Coulon. « Comme les 8 autres piĂšces de lâannĂ©e, celle-ci a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©e par le jury bien avant le premier confinement », nous dit JosĂ©-Manuel Gonçalves, directeur du CENTQUATRE-PARIS qui porte la manifestation avec quatre autres lieux : le Théùtre Louis Aragon, scĂšne nationale danse Ă Tremblay-en-France, Les Plateaux Sauvages, le Jeune Théùtre National et le Théùtre de Chelles, en partenariat avec TĂ©lĂ©rama. HOME rĂ©sonne fortement avec lâactualité : trois comĂ©diens y jouent le quotidien dâun EHPAH, dâun « Home » comme on dit en Belgique, oĂč est installĂ©e la toute jeune compagnie de Magrit Coulon, qui signe lĂ un premier audacieux et singulier, qui augure du meilleur pour cette 12Ăšme Ă©dition dâImpatience. Et pour les saisons Ă venir.
Un festival pour demain
Peu ou pas connus de la profession avant leur passage par Impatience, celui-ci est pour de nombreux artistes un prĂ©cieux espace de visibilitĂ©. « En Belgique comme ailleurs, le festival est rĂ©putĂ© pour son rĂŽle auprĂšs des artistes Ă©mergents. Il a donc Ă©tĂ© Ă©vident pour moi dây candidater avec HOME, qui est la premiĂšre crĂ©ation de ma compagnie, nĂ©e dans le cadre de ma formation Ă lâINSAS », explique Magrit Coulon. PrĂšs de 250 artistes ont comme chaque annĂ©e fait la mĂȘme dĂ©marche : ils ont envoyĂ© au jury une prĂ©sentation Ă©crite et vidĂ©o de leur crĂ©ation. « En procĂ©dant ainsi, nous allons au-delĂ des rĂ©seaux familiers aux directeurs de lieux. Nous avons accĂšs Ă des artistes que personne ou presque ne connaĂźt, explique JosĂ©-Manuel Gonçalves. Les compagnies choisies doivent rĂ©pondre Ă des critĂšres prĂ©cis, parmi lesquels : ne pas avoir créé plus de quatre spectacles antĂ©rieurs au projet prĂ©sentĂ© et ne pas avoir connu de diffusion importante en rĂ©gion parisienne. Thomas Jolly, Julie Deliquet, le Raoul collectif ou encore Lisa Guez, tous passĂ©s par Impatience, ont un jour Ă©tĂ© dans cette situation.
Le maintien du festival pour les professionnels fut une Ă©vidence pour toutes les Ă©quipes des lieux concernĂ©s. « En tant que directeurs de lieux, nous nâavons pas dâautre choix que de tout faire pour permettre la rencontre entre artistes et population. Si cette rencontre ne peut avoir lieu cette annĂ©e au moment dâImpatience, sa tenue permettra des rendez-vous futurs ». Magrit Coulon lâespĂšre elle aussi fortement. « Jâaurais Ă©tĂ© trĂšs curieuse de rencontrer les habitants de Chelles, qui me semble ĂȘtre une sorte de citĂ© dortoir. Il est en plus trĂšs Ă©trange de jouer devant un public de professionnels masquĂ©s ! Le fait quâil sâagisse dâun concours nous empĂȘche dâĂ©changer avec eux sur le spectacle. Mais il est important pour nous de montrer HOME, pour lui permettre de poursuivre son existence. Nous avons vĂ©cu de maniĂšre assez violence lâannulation de bon nombre des dates prĂ©vues avant Impatience ; son maintien est donc trĂšs prĂ©cieux pour nous ».
SOS jeune création
Les lieux engagĂ©s dans le festival expriment leur conscience aiguĂ« de la situation des artistes Ă©mergents en temps de Covid. De mĂȘme que tous les professionnels ayant rĂ©pondu prĂ©sents Ă lâinvitation. Pas moins de 250 sont attendus sur toute la durĂ©e du festival, câest-Ă -dire au moins autant que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. Pour le directeur du 104, « les difficultĂ©s rencontrĂ©es par les jeunes compagnies sont multiples, elles vont de la recherche de lieux oĂč travailler jusquâĂ la monstration des spectacles, en passant par lâaccompagnement nĂ©cessaire. Le festival Impatience entend assumer sa responsabilitĂ© dans ce contexte ». Il regrette quâaucun Centre Dramatique National nâait encore souhaitĂ© rejoindre les partenaires du festival : un tel soutien permettrait Ă celui-ci dâassurer mieux encore sa mission. Le soutien des tutelles a par contre Ă©tĂ© Ă la hauteur : aux partenaires habituels dâImpatience, sâest mĂȘme ajoutĂ© le MinistĂšre de la Culture. « EspĂ©rons que ce ne soit pas seulement circonstanciel, mais que cela sâinscrive sur la durĂ©e. Les jeunes compagnies ont plus que jamais besoin de cette aide ».
Cette entrĂ©e du MinistĂšre dans lâaventure pourrait augurer du changement de relations entre artistes et institutions que Magrit Coulon appelle de ses vĆux. « La Covid a rouvert des questions que nous sommes nombreux Ă nous poser, concernant notamment les rythmes de crĂ©ation et la durĂ©e dâobtention du statut dâartiste pour les personnes qui entrent dans le mĂ©tier. Dans notre Ă©quipe par exemple, personne nâa le statut, ce qui nous fragilise beaucoup aujourdâhui ». Impatience lui redonne quelque peu confiance dans un avenir quâelle redoute. « Les jeunes compagnies sont nombreuses, et Ă la rĂ©ouverture des théùtres nous allons forcĂ©ment connaĂźtre un phĂ©nomĂšne dâembouteillage ». Un avis que partage JosĂ©-Manuel Gonçalves, qui fait tout au 104 pour Ă©viter le pire. Il a par exemple augmentĂ© le nombre de « rĂ©sidences dâessai », qui permettent Ă des artistes inconnus du lieu de venir travailler. Ces artistes rejoignent trĂšs rĂ©guliĂšrement la programmation du lieu. Encore une bonne raison dâespĂ©rer pour Magrit et les artistes de sa gĂ©nĂ©ration.
AnaĂŻs Heluin – www.sceneweb.fr
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