Le conseil d’administration d’Avignon Festival & Compagnies lance une consultation publique pour faire évoluer le Festival OFF d’Avignon. Des initiatives existent déjà. Initié début avril par la fédération de compagnies professionnelles Les Sentinelles, un appel à la création d’États Généraux du Festival Off d’Avignon incite l’ensemble de la profession à questionner le modèle économique de ce rassemblement. Il en pointe les dérives, et dit la nécessité d’y opposer des pratiques vertueuses.
Chaque année, l’annonce du nombre de spectacles au programme du Festival Off d’Avignon suscite son lot de stupeur et de tremblements. Ils s’apaisent en général dans la fournaise, avant de renaître au printemps suivant, inchangés ou presque. Sauf pour certains, qui ont décidé de faire de ce grand rendez-vous théâtral le cœur d’une pensée et d’une action collective militante. Les neuf compagnies professionnelles de la fédération Les Sentinelles, fondée en 2018, en font partie. En alerte, elles se posent pour objectif de défendre une évolution du Festival d’Avignon. Elles entendent « lutter pour la diversité des esthétiques, actuellement contraintes par des impératifs de durée – pas plus d’1h30 par spectacle, et encore – et de format », dit le trésorier et représentant de la fédération, Laurent Domingos. Elles appellent de leurs vœux davantage de dialogue entre l’ensemble des acteurs impliqués dans le festival. La crise actuelle « éclaire d’une froide cruauté les innombrables fragilités du festival Off, colosse au pied d’argile », lit-on sur la pétition lancée début avril par Les Sentinelles et trois autres organisations : l’AAFA (Actrices et Acteurs de France Associés), les E.A.T. (Écrivains Associés du Théâtre) et le SYNAVI (Syndicat National des Arts Vivants). Son objet : un appel aux États Généraux du Festival Off d’Avignon.
Article 1 : Remettre l’artiste au cœur du Festival
Si les trois organisations citées plus tôt avaient entamé depuis quelques années une réflexion proche de celle des Sentinelles, c’est la première fois qu’elles se rassemblent pour dire la nécessité de changer les choses. « Représentant chacune un métier, une place particulière dans le milieu du spectacle vivant, nos structures sont très complémentaires. Cette crise nous aura au moins permis de développer une action et une pensée politique commune », exprime Éric Verdin, comédien membre des E.A.T. Association qui organise chaque année à Avignon journées interprofessionnelles avec l’AAFA ainsi que des rencontres publiques avec des auteurs, dont certains sont engagés dans des créations présentées dans le Off. « De moins en moins hélas, car monter un texte contemporain peu connu est considéré comme plus risqué qu’un classique. Par crainte d’un échec économique, la plupart des lieux et donc des compagnies évitent de prendre des risques. Au nom de la rentabilité, nous allons vers une dangereuse homogénéisation des écritures », déplore Éric Verdin. L’engagement des E.A.T. pour l’appel aux États Généraux du Off vise à faire bouger ces lignes.
De manière plus générale, c’est à remettre l’artiste au cœur du Festival qu’aspirent les auteurs de la pétition. Et à refaire de ce rassemblement le lieu de la découverte, du galop d’essai. Chose difficile en l’absence de régulation. « On se rend compte aujourd’hui plus que jamais combien l’absence d’entité administrative rend compliquée la gestion du Festival Off d’Avignon. L’annulation de cette édition fait surgir toutes les difficultés existantes pour les artistes et les lieux, mais aussi pour les commerçants, les bailleurs… », dit Yves Pagana, délégué régional du SYNAVI Sud. « Aucune coordination structurée ne permet de limiter les dégâts, de prévoir les accidents et de protéger. Tous les protagonistes sont démunis. Et tous mettront des années à s’en remettre, quand ils ne mettront pas tout simplement la clef sous la porte, détruisant ainsi emplois et enthousiasmes. Et pourtant. Aucun festival de spectacle vivant ne rassemble en France davantage de talents, d’entrepreneurs, de créateurs », résume la pétition qui initie un travail de longue haleine.
Un chantier ambitieux
Le mouvement collectif dont témoigne cette pétition n’en est qu’à ses débuts. « À partir de maintenant, nous travaillons à mettre un maximum de personnes autour de la table. Il n’y a que tous ensemble que nous pourrons définir les principes d’un autre Festival Off d’Avignon. En prenant connaissance des besoins et revendications des uns et des autres, nous serons capables de mettre en place des mesures conjuguant rentabilité et justice », estime la coprésidente de l’AAFA Sophie-Anne Lecesne. « Les comédiens à qui nous avons transmis la pétition ont réagi de manière très positive », poursuit-elle. Laurent Domingos témoigne quant à lui de l’ouverture de bon nombre de responsables de lieux du Off, que les Sentinelles étaient allées rencontrer la saison dernière afin de composer un guide des théâtres à l’usage des compagnies. « Beaucoup ont un modèle économique fragile. Nombreux sont aussi ceux qui aimeraient se diriger vers un modèle plus vertueux », témoigne Laurent Domingos.
Sont encore appelées à rejoindre l’appel l’ensemble des associations professionnelles et mutualistes du secteur – Adami, Sacd, Spedidam, Audiens, Congés Spectacle, Afdas, etc… –, les partenaires sociaux – syndicats, fédérations, organisations professionnelles – ou encore les associations de commerçants. « Il est aussi capital que nous entrions en discussion avec l’association AF&C qui encadre le Off, et qui s’est exprimée en faveur d’une évolution de celui-ci. Nous souhaitons aussi que se noue un dialogue entre le Festival Off et le In », dit le trésorier et représentant des Sentinelles. Un processus au long terme, mais dont ses différents acteurs espèrent voir les premiers résultats lors de la prochaine édition du festival. Il ne faudra toutefois sans doute pas attendre jusque-là pour avoir des nouvelles de cet appel à la création de nouveaux modes d’entraide et de solidarités.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Dans le Off pas plus d’une centaine de spectacles.
100 spectacles qui se jouent tous les jours pendant trois semaines c’est déjà énorme.