Après le festival d’Avignon où il donne –enfin- sa pièce la plus ambitieuse, any attempt will end in crushed bodies and shattered bones, le chorégraphe belge Jan Martens sera l’invité d’Actoral à Marseille avec un nouveau solo, Elisabeth Gets Her Way. Focus.
Une nouvelle vague belge
A l‘instar de la scène française des années 80, la danse belge a connu un véritable âge d’or avec des créateurs comme Wim Vandekeybus, Anne Teresa De Keersmaeker ou Jan Fabre. Sans oublier les Ballets C. de la B. sous la conduite d’Alain Platel et vivier d’une danse –théâtre. Jan Martens avoue avoir eu une révélation en découvrant la pièce de Fabre, As long as the world needs a warrior’s soul. Une claque salutaire. Très vite Martens dévore les spectacles en ligne, ceux de Anna Teresa notamment. Mais c’est aux Pays-Bas qu’il commence sa formation. Il attendra 2009 pour se lancer dans l’aventure d’une danse à son nom. Depuis il n’a pas arrêté.
Un autre minimalisme
La découverte du travail de Jan Martens dans cette dernière décennie est, pour beaucoup, une heureuse surprise. Contrairement à d’autres artistes flamands, il semble capable de tenir à distance les influences encombrantes de « ses « maîtres ». Seule la danse de Lucinda Childs peut être vue comme une référence subliminale. The Dogs Days are Over (2014) avec sa troupe de danseurs pris dans un mouvement répétitif de sauts surprend. Et séduit. Un peu comme l’approche de l’italien Alessandro Sciarroni, Martens puise dans la répétition matière à penser le monde. Le désir, les corps ainsi offerts troublent nos perceptions. Sur le plateau, on découvre le (faux) jumeaux de Jan, le danseur Steven Michel.
Solo mais pas seul
Encore jeune et déjà « vieillissant », Jan Martens se met à nu (au propre comme au figuré) dans le solo Ode to the attempt. Il se moque gentiment de la danse belge, et de lui-même, raconte ses amours et ses déceptions, évoque son corps et ses limites. En septembre, il reviendra à Marseille pour dévoiler une chorégraphie au singulier : Elisabeth Gets Her Way. Cette fois, ce n’est pas de lui dont Jan parle mais de la musicienne Elisabeth Chojnacka. Des dizaines de compositeurs ont écrit pour son clavecin. Surtout, elle a souvent accompagné… Lucinda Childs. Jan Martens ose donc l’exercice d’admiration à rebours –il n’a pas connu Chojnacka disparue en 2017. Mais il fait de la musique le moteur de sa danse
La consécration d’Avignon
Jan Martens devait être du festival 2020. L’édition annulée pour raisons sanitaire, le chorégraphe va vivre une année dans le doute entre répétitions masquées, report des premières et création. Comme d’autres artistes. Il est un des « rescapés », présent cet été au festival d’Avignon. Sa chorégraphie ANY ATTEMPT WILL END IN CRUSHED BODIES AND SHATTERED BONES est la plus ambitieuse, avec une foule sur scène, des interprètes de Dance on Ensemble et des fidèles du belge. Il est parti sur les marches de protestation, les actions non-violentes mais aussi l’immobilité. La partition est un des points forts de cet opus, à savoir la pièce pour clavecin et orchestre de Henryk Gorecki, mais également la voix de Kae Tempest. « Contenu comme contenant, la résistance que j’interroge s’inscrit dans une mise en tension, et ne refuse pas des musiques qui portent de manière intense des émotions » dit Jan Martens. Cette œuvre va certainement diviser le public (f)estival. Mais Martens avance, essayer de ne pas se répéter.
Le monde d’après
La direction d’un lieu ? Ou d’une compagnie d’envergure ? On peut imaginer le meilleur pour Jan Martens que ce soit en Belgique ou en France. Ainsi une place est à prendre du côté d’Anvers avec le départ de Sidi Larbi Cherkaoui pour Genève. Mais pour le jeune artiste, après une année confinée, l’horizon ne sera plus jamais le même. Créer mais comment ? Par Zoom ? pour la caméra ? Ainsi ANY ATTEMPT WILL END IN CRUSHED BODIES AND SHATTERED BONES a été filmé avant de rencontrer son public. Quoiqu’il en soit, son été sera sur scène.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
ANY ATTEMPT WILL END IN CRUSHED BODIES AND SHATTERED BONES, Cour du Lycée Saint-Joseph, festival d’Avignon, du 18 au 25 juillet, CDCN Toulouse 13 et 14 octobre, CNDC Angers le 16 novembre, 10 et 11 mars 22, Pôle Sud Strasbourg, 5 avril CDN Orléans, 8 avril Le Parvis Tarbes
Elisabeth Gets Her Way, 28 et 29 septembre Festival Actoral, Marseille, 9 février 2022 Hivernales d’Avignon, 22 mars Le Grand Bain Roubaix, 9 avril, La Place de la danse Toulouse,
4 au 13 juillet Théâtre des Abbesses, Paris
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