La danse inclusive se développe en France. Elle s’adresse aux danseuses et danseurs présentant des limitations fonctionnelles, accompagnés ou non de danseurs sans handicap. La Fédération Française de Danse a organisé en mai 2022 son « Challenge de Danse inclusive ». Reportage pendant les répétitions de Passage, future création de la compagnie « La Possible Echappée ».
Paraplégique à 13 ans, Gladys Foggea dit avoir retrouvé sa liberté de mouvement grâce à la danse. Elle cherche, comme d’autres danseurs professionnels en situation de handicap, à être reconnue avant tout en tant qu’artiste. Kathy Mépuis, danseuse, chorégraphe et pédagogue a fondé en 2007 la compagnie « La Possible Echappée ». Elles sont une dizaine en France, on peut citer aussi la Compagnie « L’Autre Maison » à Marseille, dirigée par le chorégraphe Andrew Graham.
« Le handicap est là, on ne peut pas le nier, mais il fait partie d’une différence qui donne lieu à une autre esthétique. Il est transcendé par la danse » explique Kathy Mépuis. Forte d’un département pédagogique (500 ateliers de danse et de spectacle vivant par an) et d’un département de création artistique (avec une quinzaine de danseurs professionnels), l’association a bien évolué depuis sa création/ Quinze de ses artistes, dont Gladys, vont se lancer à partir du 24 octobre dans un projet de création dédiée à la cérémonie des Jeux paralympiques de 2024, sous la houlette de Robert Swinston, ancien danseur et assistant du grand chorégraphe américain Merce Cunningham.
La compagnie, qui a huit créations à son actif, travaille aussi depuis des mois sur deux spectacles, Esquisses et Passage, qui seront présentés dès novembre dans des salles en Ile-de-France. « La Possible Echappée » s’associe par ailleurs au groupe Univi (médico-social) autour d’une étude visant à mesurer l’impact de la danse sur la santé grâce à des ateliers dans des Ehpad. « Le mot « possible » me plaît beaucoup car ça permet d’aller vers des chemins qu’on pense fermés »poursuit Kathy Mépuis. « L’échappée évoque à la fois un terme de danse classique (échappé) et l’échappée en tant que bouffée d’oxygène ».
L’artiste préfère éviter les termes « danse inclusive » ou « adaptée », tout comme Gladys Foggea. « Ca bouge différemment mais on retrouve cette même liberté qu’une personne valide », explique la danseuse guadeloupéenne. Elle vit aujourd’hui pleinement sa passion, notamment avec Passage, où elle interprète un duo avec un danseur de l’Opéra de Paris, Maxime Thomas. « Il ne connaissait pas le handicap, je n’avais jamais travaillé avec des danseurs de l’Opéra, et étonnement, on a matché » sourit-elle.
Durant des répétitions au Centre Maurice Ravel (12e arrondissement de Paris), le danseur se laisse porter par elle et par le fauteuil roulant qu’elle fait tournoyer, ou s’y appuie pour faire une arabesque. Gladys danse aussi un étonnant tango avec Sabrina Roger, également en chaise roulante. « Il faut allier les déplacements du fauteuil et les bras, c’est ce qui va faire la beauté des mouvements », affirme l’artiste, qui avait été percutée par une voiture et qui pensait son rêve de danseuse brisé à jamais. Plus qu’un objet pour se déplacer, le fauteuil roulant fait partie intégrante de la création. « Souvent, quand on est paraplégique, on a la sensation d’être coupé en deux. La danse m’a vraiment permis de rattacher les jambes avec le tronc et de me réconcilier avec ce corps », ajoute-t-elle.
Sabrina Roger a envie que les gens viennent « non pas pour voir des personnes en fauteuil mais un spectacle ». Elle se souvient avoir été embauchée une fois sur vidéo par quelqu’un qui pensait que le fauteuil était un accessoire artistique. Atteinte d’une maladie génétique lui provoquant des troubles de la coordination, l’artiste, formée à la danse classique, peut tenir des moments sur ses jambes, ce qui ouvre encore des possibilités d’alterner positions debout et assises. « Le jour où j’ai perdu l’équilibre(…), j’ai commencé à danser avec le déséquilibre, à jouer avec l’inertie », se rappelle-t-elle, espérant collaborer avec d’autres chorégraphes. Maxime Thomas, lui, dit avoir vu sa créativité « stimulée » par le seul fait de chercher des solutions différentes. Et de constater qu’il y a au final « beaucoup de points communs ».
Rana Moussaoui – Agence France-Presse
J’ai eu la chance d’avoir été invitée par mon compagnon à une représentation où les danseurs étaient handicapés, j’ai trouvé ça magnifique, car ils ont développé certaines parties du corps qu’une personne non handicapée n’aurait jamais pensé à sublimer… Magique