Dans About love and death (élégie pour Raimund Hoghe), le chorégraphe Emmanuel Eggermont ravive l’héritage du chorégraphe allemand, agrémentés de ses propres délires.
C’est une histoire de danse. L’histoire d’une collaboration artistique et d’un amour qui traverse la mort, pour nous parvenir. Sur le plateau gris clair, le fond de scène bordé de deux rideaux. Presque le degré zéro de la scénographie. Plutôt étonnant pour Emmanuel Eggermont, remarqué entre autres pour ses scénographies graphiques, du noir profond dans Πόλις (Pólis) (2017) au blanc immaculé dans aberration (2020) en passant par le bleu roi dans All Over Nymphéas (2022). Peut-être cette dernière pièce a quelque chose de plus solennel ? Dans About love and death (élégie pour Raimund Hoghe), le chorégraphe rend hommage à son mentor, le chorégraphe allemand Raimund Hoghe, décédé en 2021, dont il a été interprète. Composé comme une reliquaire de références et de délires, ce solo offre un décryptage incarné du travail de Hoghe, en le transportant dans une autre dimension.
Emmanuel Eggermont s’allonge soigneusement sur le dos, de profil, transformant presque l’espace en tombeau. Une mise à mort ou plutôt une résurrection ? Il est question de Raimund Hoghe, c’est annoncé dans le titre. Faut-il encore savoir où et comment le fantôme va apparaître. Serait-ce dans certains gestes ? Les mains ressemblant à des flèches, grâce à des doigts tendus et serrés, qui donnent des allures géométriques ? Ou des poses où le corps est ramassé sur lui-même, sur les genoux, les bras tendus sur le sol ? Serait-ce à travers les déplacements ? Des traversées en diagonales, consciencieusement répétées. Ou les objets convoqués ? Les verres remplis de sable blanc, dont le contenu est jeté sur scène, le costume noir, les escarpins à talons, une couverture de survie, un jupon coloré… Quand on a jamais vu les pièces de Raimund Hoghe, on ne peut que présumer, imaginer ce que ça pourrait être et fouiller dans les images d’archives.
Composée comme une succession de tableaux, dont beaucoup sont accompagnés par un morceau de musique, About love and death ne se contente pas seulement de rendre accessible l’héritage d’un chorégraphe majeur de l’histoire de la danse du XXe siècle, dramaturge de Pina Bausch, à la poésie troublante. Ou de rendre visible l’admiration et la complicité qui unissait les deux artistes. On croirait qu’il accueille, dans le même temps, les délires d’Emmanuel Eggermont. Sur la B.O. du film Chantons sous la pluie, il réinterprète la scène mythique de ce film, dansée par Gene Kelly, avec son vocabulaire anguleux, où la lenteur est parfois entrecoupée de fulgurances plus rapides. D’autres fantômes habitent les murs d’About love and death. Tant à travers des évocations explicites, comme une archive audio de Joséphine Baker, une chanson de Nina Simone, ou seulement un souvenir de la gestuelle piquée de Michael Jackson. Eggermont dynamise ce jeu de référence par sa facétie et la précision de sa chorégraphie. Volontiers partageur, il nous invite à imaginer et à délirer avec lui, pour raviver et nourrir collectivement les archives de la danse.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
About Love and Death (élégie pour Raimund Hoghe)
Concept, chorégraphie et interprétation : Emmanuel Eggermont
Collaboration artistique : Jihyé Jung
Création lumière : Alice Dussart
Régie sonore : Julien Lepreux
Production et diffusion : Sylvia CourtyRemerciements : Kite Vollard
Administration et diffusion : Violaine Kalouaz
Coproduction : CCNT direction Thomas Lebrun, Le Gymnase CDCN Roubaix Hauts-de-France, CCAM / Scéne Nationale de Vandoeuvre, Les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis, Charleroi Danse Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Avec l’aide de la DRAC Hauts-de-France et de la Région Hauts-de-France.Durée 45 minutes
20 et 21 janvier 2025
Théâtre de la Cité Internationale dans le cadre du festival Faits d’hiver12et 13 mars 2025
Festival Le Grand Bain, Le Gymnase CDCN de Roubaix2 et 3 avr. 2025
CCAM / Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy23 et 24 avr. 2025
Pôle Sud CDCN Strasbourg
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !