Abd Al Malik se lance dans le théâtre avec la création d’une nouvelle version des Justes d’Albert Camus au Théâtre du Châtelet à Paris. Il en fait une tragédie musicale, avec la participation d’un chœur d’amateurs venus de Saint-Saint-Denis pour faire résonner cette pièce sur la Révolution Russe avec l’époque d’aujourd’hui.
Il neige à Moscou et sur le plateau du Théâtre du Châtelet, un gardien de prison déclame les premières phrases du spectacle, “J’ai la foi”, un poème écrit par Abd Al Malik. Ce gardien, méconnaissable sous sa casquette, c’est Frédéric Chau, comédien issu de la bande du Jamel Comedy Club, adulé par les adolescents, l’une des vedettes du film Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? (6 millions et demi d’entrées et sixième plus gros succès de l’histoire du cinéma). Faire débuter cette nouvelle version des Justes par Frédéric Chau n’est pas anodin pour Abd Al Malik et la nouvelle équipe du Châtelet. Il s’agit d’ouvrir le lieu à un public qui n’a pas l’habitude d’aller au théâtre. Intention louable et nécessaire pour ne pas laisser de côté toute une partie de la population française. Abd Al Malik a donc choisi de faire des Justes, une tragédie musicale pour tous les publics, au risque parfois de se prendre les pieds dans le tapis.
La pièce de Camus s’appuie des faits historiques. Elle raconte comment un groupe terroriste de socialistes révolutionnaires tue dans un attentat en 1905 le Grand-Duc Serge, un despote. Au texte de Camus, Adb Al Malik, ajoute les paroles d’une dizaine de jeunes de Seine-Saint-Denis. Ils sont présents sur scène, c’est le chœur. Ce sont les révoltés du 21e siècle. Ces jeunes-là n’ont pas froid aux yeux et tiennent leur rang dans les dorures du Châtelet, et crient leur révolte face à ceux qui représentent aujourd’hui “le Grand-Duc”: les multinationales qui polluent la planète, le terrorisme religieux, le patriarcat. Ces intermèdes ravivent le spectacle, et sont de petites bulles de respiration dans un ensemble beaucoup trop cacophonique.
Abd Al Malik plonge les comédiens dans un « flow » musical continue. Une forme théâtrale inattendue qui ne laisse aucun répit au spectateur. Par moment, c’est juste assourdissant, on aurait envie d’écouter cette jeune génération de comédiens déclamer Camus, simplement. Ils cavalent souvent après le texte, prisonniers de la musique. Pour beaucoup il s’agit de leur première grande expérience au théâtre. C’est le cas de Sabrina Ouazani (nommée à 13 ans aux Césars pour son rôle dans L’Esquive), de Karidja Touréou ou du rappeur Matteo Falkone. Au milieu de cette troupe, Marc Zinga dans le rôle central de Janek, celui qui lance la bombe dans le carrosse du Grand-Duc, fait office de grand frère. Compagnon de route de Christian Schiaretti au TNP de Villeurbanne, il a déjà montré l’étendue de son talent en jouant Césaire, Shakespeare et récemment Claudel. Son phrasé colle parfaitement à la poésie de Camus. Mais la partition composée par Bilal & Wallen, qui parfois fait penser à de la musique de supermarché, gâche le plaisir d’entendre ce comédien merveilleux. C’est comme-ci le public ciblé n’était pas capable de recevoir la beauté d’un texte du répertoire, sans artifice.
Dans le décor imposant d’Amélie Kiritze-Topor représentant la maison des révolutionnaires, Abd Al Malik projette en vidéo des documents d’archives et fait traverser, tel un fantôme, Camille Jouannest représentant l’âme russe. Elle interprète des chants composés par le rappeur et traduits en yiddish, pour signifier la douleur du peuple juif, chassé de Moscou par le Grand-Duc Serge lorsqu’il était Gouverneur de la ville de Moscou. Des instants poétisés, mais qui ne sont pas expliqués au public. L’intention d’Abd Al Malik était belle, mais sa mise en scène est beaucoup trop chargée et confuse.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Les Justes
Tragédie musicale d’après la pièce d’Albert Camus
adaptation du livret & mise en scène Abd Al Malik
composition musicale Bilal & Wallen
coordinateur artistique Fabien Coste
collaborateur artistique Emmanuel Demarcy-Mota
décors Amélie Kiritze-Topor
costumes Coralie Sanvoisin
lumières & vidéos Vincent Idez
Dora Doulebov Sabrina Ouazani
La Grande Duchesse Clotilde Courau
Ivan Kaliayev Marc Zinga
Stepan Fedorov Lyes Salem
Boris Annenkov Youssef Hajdi
Alexis Voinov Karidja Touré
Skouratov Montassar Alaïa
Foka Matteo Falkone
Le gardien Frédéric Chau
L’âme russe Camille Jouannest
Machine / DJ Bilal
Piano Michael Karago
Clavier / synthétiseurs Didier Bruno Davidas
Guitare Christophe Pinheiro
Basse Izo
Batterie Franck Mantegariet 10 jeunes comédiens amateurs choisis lors d’auditions tenues à Aulnay-sous-bois et ayant participé à des
ateliers créatifs préparatoires : Horya Benabet, Luiza Benaïssa, Amira Bouter, Sarah Diop, Celia Meguerba, Moriba Bathily, Régis Nkissi,Zineeddine Nouioua, Nassim Qaïni, Maxime Renaudeau
Production Théâtre du Châtelet
Coproduction Théâtre de la Ville-Paris.Durée 2h20 avec entracte
Théâtre du Châtelet, Grande Salle
1 Place du Châtelet, 75001 Paris
Samedi 5 octobre à 20 h
Dimanche 6 octobre à 15 h
Mardi 8 octobre à 20 h
Mercredi 9 octobre à 20 h
Jeudi 10 octobre à 20 h
Vendredi 11 octobre à 20 h
Samedi 12 octobre à 20 h
Dimanche 13 octobre à 15 h
Mardi 15 octobre à 20 h
Mercredi 16 octobre à 20 h
Jeudi 17 octobre à 20 h
Vendredi 18 octobre à 20 h
Samedi 19 octobre à 20 h
vous êtes extrêmement tendre avec cette pièce, que j’ai trouvé très amateure, tant dans la mise en scène, le jeu des comédiens, et la platitude du texte (inventé par Abd Al Malik) dit par le choeur. Pour moi , il n’y a pas de théâtre, il ne se passe rien, on s’ennuie profondément. Vous êtes beaucoup plus critiques envers des pièces, où au moins il y a du théâtre et des comédiens à la hauteur. Incompréhensible.