Pour cette troisième Biennale d’Art flamenco le Théâtre de Chaillot joue la complémentarité – plutôt que les contraires. Il y a le flamenco contemporain d’Andrés Marin ou celui plus ancré dans la tradition de Rafaela Carrasco. Sans oublier le tablao à la sauce José Galvan. Quel flamenco êtes-vous ?
Le titre même de cette création – découverte à Madrid en octobre dernier – Nacida Sombra (Née ombre en français) dit beaucoup de l’ambition de Rafaela Carrasco: mettre en lumière des personnages féminins du Siècle d’Or espagnol. Actrice, mystique ou auteure chacune est sur scène transfigurée par la danse. Le flamenco se veut le prolongement de ces pionnières : Carrasco a imaginé avec le dramaturge Alvaro Tato un récit divisé en quatre lettres dites en voix off. Surtout elle débarrasse sa danse des manières trop apprêtées en vogue dans le travail d’une Maria Pagès ou de Sara Baras. Elle peut compter sur Carmen Angulo, Paula Comitre et Florencia O Ryna à ses côtés pour donner corps aux esprits. Il y a parfois des emprunts à la danse classique espagnole. Nacida Sombra souffre néanmoins d’une bande-son décalée. On aime les musiciens en live, beaucoup moins la partie enregistrée façon free jazz. Au final Rafaela Carrasco signe un ballet de belle facture à défaut de surprendre.
Chez José Galvan ( père d’Israel) on ne s’embarrasse pas de finesse : le flamenco est une fête qu’il s’agit de faire partager. Dans un Tablao de Séville on a ainsi partagé ce moment de joie. Il serait mensonger de dire que la danse n’y laisse pas un peu des plumes. Les solistes invités par le maestro Galvan dont son autre fils peinent à convaincre. Mais dès que José Galvan déboule, silhouette rondouillarde et regard vif, le flamenco devient majuscule. Accompagné de la chanteuse Carmela de Jerez véritable nature, Galvan senior ne boude pas son plaisir. Nous non plus.
Il y a un -gouffre entre cette danse et celle d’Andrés Marin dont le D.Quixote vient d’ouvrir cette Biennale. Le sévillan se réinvente en Don Quichotte -il en a la silhouette, barbe et casque compris- mais rien d’historique dans cette création. L’esprit de Marin vagabonde sur les terres de Cervantes mais tout autant dans une Espagne actuelle passionnée de football. Dans un décor fait de panneaux et d’une rampe de skate -empruntée à la compagnie Blanca Li !- Andrés Marin s’amuse à déployer l’étendu de son talent : sauts vifs, jeu de pieds dont le rythme étourdit. Autour de lui quatre musiciens et une chanteuse font de D.Quixote un concert en fusion. La superposition d’images, de textes et autres textures scéniques nuit un peu à la limpidité du spectacle. On regrette également que les passages en trio avec les solistes Abel Harana et Patricia Guerrero soient rares. Ils portent D.Quixote à des sommets d’intensité. La Guerrero est ici superbe. Et Andrés Marin trace sa voie avec fierté. Qui l’aime le suive.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
D.Quixote chorégraphie du 8 au 10 novembre
Tablao conception José Galvan du 10 au 12 novembre
Nacida Sombra chorégraphie Rafaela Carrasco
Troisième Biennale d’Art flamenco de Chaillot jusqu’au 25 novembre 2017
01 53 65 30 00 www.theatre-chaillot.fr
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