D’abord au Châtelet dans le cadre de la programmation du Théâtre de la Ville hors les murs, et bientôt en tournée, “pArc” déploie ses danseurs atypiques et ses robots humanisés dans un ballet organique subtile et poignant. Avec cette expérience immersive troublante, Eric Minh Cuong Castaing offre bien plus qu’un spectacle chorégraphique. Une utopie bien vivante.
C’est à une expérience inédite et bouleversante que sont conviés les spectateurs de “pArc”, la dernière création d’Eric Minh Cuong Castaing. Une expérience de circulation et de décloisonnement sans précédent. Une expérience de corporalité renversante. Sur le grand plateau du théâtre du Châtelet, le chorégraphe réunit en un même espace déambulatoire, public, danseurs professionnels, enfants en situation de handicap moteur, soignants et parents ainsi qu’une poignée de robots de téléprésence conduits à distance par des adolescent.es neuro atypiques.
Car Eric Minh Cuong Castaing, à la tête de la Compagnie Shonen depuis 2007, axe sa recherche sur cette zone frontière entre la danse et les nouvelles technologies d’une part, entre l’art et le social d’autre part. Et se concentre ces dernières années sur un travail plus global et inclusif qui semble ici s’épanouir sous nos yeux dans sa quintessence et son aboutissement. “pArc” est la création d’un espace commun. Un lieu préservé où la bienveillance, le respect et le souci de l’autre sont à la base des échanges qui s’y créent. Sur ce plateau partagé où quelques tapis de sport sont disposés ça et là, les uns sur les autres, formant des plateformes où s’asseoir, des dénivelés où jouer, des toboggans improvisés, un mobilier sécurisant et accueillant, tous les corps, valides, professionnels, handicapés et robotiques, interagissent dans des allées et venues fluides, des éclats dansés, des courses joyeuses. C’est un terrain de jeu, un territoire de liberté où chacun est toujours à l’écoute de l’autre.
Comme le laboratoire d’une utopie en construction qui nous fait envisager autrement nos interactions, entrevoir une manière différente de faire société ensemble. Par le biais de la danse contact, les enfants, sujets à des empêchements psycho-moteurs lourds (la plupart ne marchent pas) entrent dans des états de corps enivrants, des sensations dont l’intensité se répercute sur leurs visages d’une transparence et d’une expressivité bouleversantes, dans leurs cris et leurs éclats de rire. Tout leur être semble s’éveiller, vibrer à l’unisson, goûter le plaisir immense d’être touché, manipulé, transporté dans les airs, avec une attention de tous les instants. Et l’échange qui se noue entre eux et les interprètes professionnels, tissé de confiance et de douceur, inonde ces instantanés de danse qui nous soulèvent le cœur. Et leur jubilation devient la nôtre. Car aucun d’entre eux n’est véritablement inactif, au contraire, les enfants sont en lien permanent avec les danseurs, par le regard, une parole chuchotée, une réponse corporelle aux stimulations. Et ce lien se propage aux absents, présents par le biais de ces machines mobiles étonnantes tout droit sorties du futur à notre porte.
De portés en dégoulinades sur les tapis devenus multicolores en un retournement de scénographie à peine entrevu tant il y a à voir de partout, de duos en trio voire plus, la gestuelle qui s’invente sous nos yeux relève du soin primaire que l’on apporte à ceux qui en ont besoin autant que de l’impulsion des corps à aller dans telle ou telle direction, au sol ou dans les airs, à s’accompagner sans accroc, dans un enchaînement de mouvements qui irradient leur justesse. Et contre toute attente, les robots roulants trouvent leur place dans ce ballet écrit et improvisé à la fois, ils ouvrent une dimension nouvelle à notre matérialité terrestre, prothèses externes de corps contraints et lointains, ils s’imposent comme un prolongement inattendu et réel. Entre gestes contrôlés et incontrôlés, virtuosité et empêchement physique, entre organicité primaire et machines high tech, entre ici et là-bas, “pArc” est bien plus qu’un spectacle. C’est un nouvel état des lieux du vivre ensemble. Le monde d’après tel qu’on en rêve, où les normes explosent, où les corps peuvent évoluer librement malgré leurs limites, où l’humanité est un jardin hospitalier. Et l’on n’oubliera jamais les rires éclatants de ces enfants et ce qu’ils nous enseignent.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
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Conception
ShonenChorégraphie
Éric Minh Cuong CastaingCo-chorégraphe
Aloun MarchalDramaturgie
Marine RelingerScénographie
Élise Capdenat , Pia de CompiègneLumières
Sébastien LefèvreCostumes
Silvia RomanelliCollaborateur artistique et pégagogique
Gaëtan Brun PicardCoach vocal
Laurie GérardProfesseur relais agrégé musique
Arnaud BarreAvec
Nans Pierson , Fanny Didelot , Mai Ishiwata , Fernando Cabral , No AngerEt la participation des enfants des structures médico-sociales :
IME Cour de Venise (Paris), EREA Madeleine Fockenberghe (Garges-lès-Gonesse), EREA Jean Monnet (Garches), IME La Passerelle (Boissy-Saint-Léger), APF France Handicap (Paris) ; IMP Les Amis de Laurence (Paris) et IMP Les Cascades (Paris).Un projet en collaboration artistique avec Aloun Marchal (co chorégraphie)
Commande du Théâtre du Châtelet
Coproduction Théâtre du Châtelet, Théâtre de la Ville-Paris, Le Lieu Unique
Co-réalisation Théâtre du Châtelet et Théâtre de la Ville-ParisCe projet a reçu le soutien de Malakoff Humanis, du Fonds de dotation Francis Kurkdjian et du Fonds Entreprendre pour Aider. Remerciements aux structures médicales partenaires : IME Cour de Venise (Paris), EREA Madeleine Fockenberghe (Garges-lès-Gonesse), EREA Jean Monnet (Garches), IME La Passerelle (Boissy-Saint-Léger), APF France Handicap (Paris) ; IMP Les Amis de Laurence (Paris) et IMP Les Cascades (Paris).
Théâtre du Châtelet
Dans le cadre du Théâtre de la Ville hors les murs
1er et 2 octobre 2022
à 14h et 17h
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