La dernière pièce de la dramaturge britannique, 4.48 psychose, a été présentée en première française à l’Opéra du Rhin de Strasbourg, dans le cadre du festival Musica, dans une transcription opératique pleine de justesse réalisée par le compositeur Philip Venables.
Disparue en 1999 à l’âge de 28 ans seulement, Sarah Kane a écrit sa cinquième et dernière pièce peu de temps avant d’avoir été retrouvée morte dans les toilettes d’un hôpital psychiatrique londonien, pendue à ses lacets de chaussures. La pièce qui se résume à des bribes de textes discontinues et à une absence d’action théâtrale demeure à la fois lucide et viscérale dans son propos. Sa force dramatique réside dans sa dimension autobiographique comme dans la radiographie qu’elle fait d’un esprit malade, dérangé, fragile, rongé par la souffrance et la dépression.
Souvent endossé par une seule locutrice, le long monologue est ici pris en charge de manière collective et éclatée par six interprètes féminines dont chacune fait entendre la multiplicité des voix intérieures qui s’entremêlent avec souplesse et fluidité comme des différents états émotionnels parfois extrêmes qui traversent le moment clé où elle choisit de disparaître.
Une écriture musicale ravageuse aux influences variées reprend fidèlement la dimension composite du texte initial : fragments de répliques, dialogues intimes, tests cognitifs, listes de médicaments se télescopent. Douze musiciens dirigés par Richard Baker transcrivent l’agitation permanente d’un corps et d’un cerveau intranquilles dans une partition qui laisse parfois échapper un sourd vacarme, assume une proximité avec la cacophonie savamment maîtrisée ou étire un lancinant bourdonnement pour traduire le caractère inconfortable et perturbant de l’oeuvre. De grands coups de tambours tapageurs martèlent avec autorité le discours médical tandis que des mots cliniques sont projetés sur le mur. A côté d’accents d’une sourde violence, la partition emprunte à la musique d’ascenseur, de films ou de jeux vidéo. Elle cite aussi la Messe en si de Bach, un écho sans doute à la profonde tragédie existentielle qui est en train d’être vécue mais peut-être aussi à la foi réelle dont était habitée Sarah Kane jusqu’à ses 17 ans avant de s’en éloigner. Non sans un certain humour noir, l’ensemble orchestral peut aussi se montrer narquois, comme pour imposer une forme de distanciation et ne pas tomber uniformément dans le commentaire psychologisant.
La violence et la crudité heurtantes qu’exacerbe la pièce d’un point de vue sonore ne se retrouve pas nécessairement dans la mise en scène très économe que propose Ted Huffman. La froideur et l’indétermination caractérisent l’espace scénique réduit à un lieu de passage ou de confinement. Les présences féminines (avec une puissante Gweneth-Ann Rand au centre) y errent dans un but plus ou moins défini. Ce décor, une sorte de couloir, blanc et vide, est pertinent dans la mesure où il s’offre comme l' »interzone » dont parle Claude Régy qui a fait découvrir la pièce de Sarah Kane en France. Un mur suggère l’enfermement physique et psychique de l’anti-héroïne. Autour d’elle : un entre-deux entre la vie et la mort.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
4.48 Psychosis
Texte Sarah Kane
Musique Philip Venables
Mise en scène Ted Huffman
Direction musicale Richard Baker
Sopranos Gweneth-Ann Rand Robyn Allegra Parton Susanna Hurrell
Mezzo sopranos Samantha Price Rachael Lloyd Lucy Schaufer
Orchestre philharmonique de StrasbourgCréé le 24 mai 2016 au Lyric Theatre Hammersmith, Londres
En coproduction avec le Royal Opera House,
Covent Garden, Londres
Dans le cadre du festival MusicaDurée : 1h30
Opéra national du RhinME
18 Sept. 2019
20h00
20 Sept. 2019
20h00
21 Sept. 2019
20h00
22 Sept. 2019
15h00
Bonjour,
Cet opéra sera-t-il présenté dans d’autres villes ?
Merci de votre reponse
Malheureusement, pas de dates de tournée pour le moment en France.