Après l’éblouissant Written on skin, le trio gagnant que forment George Benjamin, Martin Crimp et Katie Mitchell récidive avec Lessons in love and violence créé la saison dernière et présenté pour la première fois en France à l’Opéra de Lyon.
Donnée en création mondiale au Royal Opera House de Londres il y a un an, et présentée depuis à Amsterdam et à Hambourg avant Chicago, Barcelone et Madrid, le dernier opus lyrique de George Benjamin bénéficie d’une large exposition et d’une très bonne réception. Il faut dire que Written on skin créé en 2012 au festival d’Aix en Provence avait totalement enchanté le public et la critique unanimes.
Pour cette première française de Lessons in love and violence, l’ensemble de la distribution originelle demeure quasi inchangé. Stéphane Degout reste admirablement habité dans le rôle d’Édouard II, roi d’Angleterre controversé et destitué. En cause, les penchants homosexuels d’un homme marié à Isabelle mais passionné par Gaveston. La superbe soprane Barbara Hannigan qui a pris part à la création de l’ouvrage est remplacée depuis par Georgia Jarman, remarquable en épouse tirée à quatre épingles et pleine d’un séduisant aplomb. L’amant litigieux est formidablement interprété par Gyula Orendt. La suavité des timbres vif argent des deux barytons se marient avec éloquence sous la direction musicale du jeune chef Alexandre Bloch.
Le triangle amoureux est d’autant plus détonnant qu’il se voit transposé aujourd’hui dans un milieu aristocratique où politique et sentiment ne font pas bon ménage. La figure historique d’Edouard immortalisée au théâtre par élisabéthain Christopher Marlowe a déjà donné lieu à un opéra contemporain composé par le suisse Andrea Lorenzo Scartazzini dernièrement créé en Allemagne. Si elle est une source d’inspiration pour le compositeur George Benjamin et son fidèle librettiste, le dramaturge Martin Crimp, c’est qu’elle permet de cristalliser leur goût commun pour l’exploration des sentiments enfouis, des pulsions latentes et des démons qui hantent les individus. C’est une caractéristique de leur travail. Jamais tapageur, leur opéra donne évidemment dans l’intimisme, l’évocation et la suggestion.
Le propos est soutenu par une musique subtile d’une grande variété en ce qui concerne les couleurs et les sonorités orchestrales permettant d’aborder une large belle palette d’émotions. Des tonalités délicatement graves et sombres prédominent. Le débordement menace seulement sous les nappes de sons éthérés qui ne demandent qu’à gronder. L’écriture vocale sollicite d’importantes qualités techniques chez les interprètes et pourtant tous sont d’un naturel confondant tant leur chant est au service de l’expression et de l’intensité dramatique.
La mise en scène de Katie Mitchell est comme souvent chez l’artiste un brin trop glacée et policée mais elle a la qualité de rendre très présents et engagés les chanteurs tous convaincants. Sept tableaux elliptiques se donnent dans une élégante chambre à coucher qui s’offre au regard sous différents plans. Au centre, un lit autour duquel gravite une bardée de conseillers cravatés ou un peuple pitoyable et rebelle comme pour dissoudre brutalement l’imperméabilité entre le chaos extérieur et la sphère privée. Passion et raison s’entrechoquent avec violence et érotisme jusqu’au funeste dénouement.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Lessons in Love and Violence de George Benjamin
Direction musicale
Alexandre Bloch
Mise en scène
Katie Mitchell
Décors et costumes
Vicki Mortimer
Lumières
James Farncombe
Chorégraphies
Joseph Alford
Le Roi
Stéphane Degout
Isabelle
Georgia Jarman
Gaveston, L’Étranger
Gyula Orendt
Mortimer
Peter Hoare
Le Garçon, Le Jeune Roi
Samuel Boden
Témoin 1, Chanteuse 1, Femme 1
Hannah Sawle
Témoin 2, Chanteuse 2, Femme 2
Kristina Szabó
Témoin 3, Fou
Andri Björn Róbertsson
Orchestre de l’Opéra de LyonDurée : 1h30
Opéra de Lyon
Du 14/05/19
au 26/05/19
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