Dans l’imaginaire collectif, Fanny Ardant est plus une actrice de cinéma que de théâtre. Son immense carrière a néanmoins été jalonnée d’une trentaine de passages sur les planches. C’est d’ailleurs au théâtre qu’elle a débuté en 1976 dans Polyeucte de Pierre Corneille, mis en scène par Dominique Leverd, son premier mari. Elle est de retour au Théâtre avec l’écrivaine fil rouge de sa carrière dans Hiroshima mon Amour, une mise en espace de Bertrand Marcos, avec la voix de Gérard Depardieu pour lui donner la réplique. Depuis plus de 20 ans, Fanny Ardant joue du Duras.
Fanny Ardant et Marguerite Duras, c’est une rencontre entre des mots et une voix, une plume et un timbre tous deux reconnaissables entre mille. La rencontre artistique (elles ne se sont jamais vues) se noue pour la première fois un soir d’hiver 1995 au théâtre de La Gaîté-Montparnasse. Fanny Ardant est la femme fraîchement divorcée de Niels Arestrup dans La Musica deuxième. Le coup de foudre est tardif : Fanny Ardant a cherché celle qu’elle jouera le plus au théâtre pendant presque 20 ans.
Malheureusement, Marguerite Duras ne peut pas venir voir cette Musica. Déjà malade, elle n’est plus capable de se déplacer. L’autrice ne rencontrera donc jamais Fanny Ardant en personne. A ce moment, l’histoire racontée par cette dernière diverge en fonction des interviews qu’elle a donné ces vingt dernières années. Parfois, Duras lui aurait envoyé un exemplaire de La Musica comportant une longue dédicace. Dans d’autres entretiens, Ardant dit qu’elles échangeaient des lettres. De temps en temps, Ardant regrette de ne pas l’avoir rencontrée, d’autres fois, elle confie que c’est sans doute mieux comme ça, puisqu’ « un écrivain, c’est comme les acteurs, il ne faut pas les rencontrer, ils sont souvent décevants » (L’Express, 2014).
La vie avançant, Fanny Ardant deviendra de plus en plus « durassienne ». On la verra dans La Maladie de la mort (2006), Des journées entières dans les arbres (2014), Le Navire Night (2017), L’Eté 80 (2018) et maintenant Hiroshima mon amour.
Au fil des articles, Fanny Ardant dit aimer de Duras, l’univers amoureux dans lequel elle place ses personnages : un monde en dehors de tout conformisme, en dehors de toute construction. Ardant est elle-même en dehors des sentiers battus quand elle s’approprie les mots de Duras. La plupart du temps, elle est seule à avoir la parole sur scène. Nicolas Duvauchelle jouait bien son fils dans Des journées entières, mais pour Hiroshima mon amour, la voix de Depardieu est enregistrée. Dans le Navire Night, elle dialogue avec le violoncelle de Sonia-Wieder Atherton. La Maladie de la mort est jouée comme un monologue, tout comme l’Eté 80.
Il reste encore de nombreuses œuvres qu’Ardant pourrait interpréter. Duras laissant une large place aux femmes d’expérience, nul doute que cette histoire commencée sur le tard pourrait continuer encore quelques décennies.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Marguerite Duras « autrice » : Non, pitié ! C’était un écrivain.