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Rudolph Noureev et Rosella Hightower à Cannes en 1961
Comme il l’avait fait en 2013, Kader Belarbi, Étoile de l’Opéra de Paris sous Noureev et actuel directeur des Ballets du Capitole, rend hommage cette semaine à Rudolf Noureev avec un florilège dansé par le corps toulousain. Mais si le danseur russe tient aujourd’hui sa place dans le panthéon des chorégraphes « classiques », son installation en France en 1961 n’a pas été si évidente…
En mai-juin 1961, Rudol Noureev a 23 ans. Il est en tournée à Paris avec la troupe du Kirov de Léningrad (actuel Mariinsky de Saint-Pétersbourg). La même année le mur de Berlin est construit et Youri Gagarine voyage dans l’espace.
Le 18 mai, il donne sa première interview en France à René Sirvin, du Figaro. Il est alors sur la scène du Palais Garnier dans le rôle du guerrier Solor dans le troisième acte de La Bayadère. Le public remarque sa puissance et sa grâce. Il est costumé d’une aigrette au turban, casaque et chamarrée. A la même période, alors qu’il joue dans le Lac des Cygnes au Palais des Congrès, il chute, victime d’une lésion d’une vertèbre cervicale il se relève pourtant et achève sa prestation, le public une nouvelle fois l’acclame.
Rodolphe Noureev photo Karsten Bundgaard
Plus tard, lors de cette visite, le danseur fait un sacré coup d’éclat : en pleine guerre froide, le 16 juin 1961, il refuse d’être réembarqué dans un Tupolev pour Moscou alors que sa troupe part pour Londres. Il fuit de l’aéroport du Bourget en se ruant vers deux policiers et en leur demandant l’asile politique. Il sera alors très difficile pour lui de retourner un jour en Russie et il ne reverra sa famille qu’en 1987.
Qu’est-ce qu’il l’a poussé à commettre un tel acte ? Il affirme dans son autobiographie : « pour moi, cela signifiait la dignité retrouvée et le droit de choisir, le droit que je chérissais par-dessus tout, celui de l’autodétermination », avant de poursuivre, à propos de la vie qui l’attendait en Russie : « il y avait les chicaneries incessantes, les insinuations et les dénonciations mesquines. Le genre d’existence qui, je le savais bien, avait poussée quelques jeunes artistes de ma génération à se suicider en se jetant dans la rivière plutôt que de poursuivre un combat sans issue ». Désormais libéré, il pourra devenir célèbre, et il ne tient qu’à lui de vivre son élan artistique et son homosexualité comme bon lui semble.
La première biographie parue après la mort de l’icône est signée du journaliste britannique Peter Watson. Il est le premier qui a eu accès au dossier « KGB » du danseur. Les documents remettent en question le côté spontané de la fuite de Noureev. D’après le service d’espionnage de l’URSS, la CIA est intervenue pour faciliter la fuite. Les américains auraient recruté celle qui deviendra l’amie de Noureev, Clara Saint. Cette dernière a toujours démenti. Il semble cependant que ce soit elle qui, après un appel du jeune homme, aurait prévenu la police du Bourget et qui aurait prévenu le danseur que les deux hommes installés au bar de l’aéroport étaient de la police.
Noureev, l’artiste plus réfléchi dans la spontanéité ? Voilà une formule qui pourrait convenir au chorégraphe. Cette exigence inhumaine qu’il s’est imposée toute une vie, lui permet de n’avoir jamais été oublié depuis sa mort en 1993.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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