Catherine Marnas voue une passion pour Pasolini. Avec le philosophe Guillaume le Blanc, elle sonde l’âme du poète italien et restaure sa pensée politique toujours d’actualité. La Nostalgie du futur créée au TnBA est un spectacle remuant.
Une barque est échouée sur le plateau, elle s’est fracassée sur la côte et l’état de sa coque ne laisse rien présager de bon pour les occupants de ce radeau de fortune. Deux migrants rescapés (interprétés par Franck Manzoni et Olivier Pauls) errent sur le plateau, un corbeau noir rôde (Bénédicte Simon). Deux êtres sortis de l’univers de Beckett. Deux clowns « mi-Charlot, mi-Godot » explique le philosophe Guillaume le Blanc, comme les personnages du film Uccellaci e uccellini réalisé en 1965. Ils marchent inlassablement sur cette lande de terre, deux clandestins laissés à l’abandon dans une société mondialisée qui pratique l’égoïsme comme le clame haut et fort Pasolini.
Que pèse la parole du poète italien en 2018, 43 ans après son assassinat sur la plage d’Ostie près de Rome ? Catherine Marnas et Guillaume le Blanc réalisent un montage saisissant de textes et d’interviews de Pasolini, alternant passages oniriques et réflexions plus politiques, dans une scénographie magnifique de Carlos Calvo. On est aspiré par les images, par cette forêt crépusculaire d’où scintillent les dernières lucioles promises à la destruction par Pasolini dans l’un de ses textes fondateurs.
Dans cette société « en train de pourrir », les personnages de la pièce trouvent tout de même le courage de danser. Chacun évoque sa part de Nostalgie. Pour les plus anciens, c’est « la nostalgie des pauvres qui voulaient renverser le patron mais pas pour prendre sa place », et pour le plus jeune – Yacine Sif El Islam (silhouette émaciée comme Pasolini, même révolte intérieure), c’est la nostalgie du goût MacDo le samedi avec sa mère et sa sœur ! Ces moments de pure comédie sont vite balayés par le retour à la cruelle réalité. La rupture opérée par Catherine Marnas est radicale et frontale. Les comédiens forment un chœur, alignés face au public. La parole est scandée, jetée à la figure avec violence refroidissante. « Il faut créer un état d’urgence » dit Pasolini dans sa dernière interview quelques heures avant d’être assassiné. « Je maintiens que nous sommes tous en danger ! ». La peur de la répression, du retour du fascisme, du retour de l’ordre moral ; les inquiétudes de Pasolini juste avant de mourir en 1975 sont les nôtres aujourd’hui. Le spectacle de Catherine Marnas donne envie de crier.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La nostalgie du futur
Textes Pier Paolo Pasolini & Guillaume Le Blanc
Mise en scène Catherine Marnas
Avec
Julien Duval
Franck Manzoni
Olivier Pauls
Yacine Sif El Islam
Bénédicte SimonAssistantes à la mise en scène
Odille Lauria
et Rita Grillo
Scénographie
Carlos Calvo
Son
Madame Miniature
assistée de Jean-Christophe Chiron
Lumières
Michel Theuil
assisté de Clarisse Bernez-Cambot LabartaConception et réalisation des costumes
Edith Traverso
assistée de Kam Derbali
Régie plateau
Cyril Muller
Construction décor
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Production Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Coproduction Théâtre Olympia – CDN de Tours, NEST-CDN transfrontalier de Thionville-Grand Est.
Durée 1h30TnBA – Salle Vauthier
9 > 25 octobre 2018
Réserver en ligne
Du mar 9 au jeu 25 octobre
Mar à ven à 20h / Sam à 19hHoraires exceptionnels – FAB : jeudi 11 à 21h et samedi 20 octobre à 19h30
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