Dernière ligne droite dans la préparation du 72ème Festival d’Avignon qui s’ouvre vendredi 6 juillet. Un festival qui se réduit d’année en année. Olivier Py, son directeur le regrette. Il s’en explique et revient sur la thématique de cette édition et nous parle de sa création Pur Présent.
Quelle tonalité souhaitez-vous donner à ce festival ?
Celle de l’arc-en-ciel. Celle du genre, même si celle de l’affiche est le violet, la réunion des contraires, le rouge et le bleu, c’est la couleur des drapeaux féministes. Pour élaborer la programmation, nous regardons d’abord les artistes avec lesquels nous avons envie de travailler, les projets qui sont en cours, nous regardons si une thématique émerge, celle du genre était très présente. Ensuite on continue de chercher en fonction de la thématique. C’est un bon thème qui recouvre des thématiques diverse.
Beaucoup d’artistes sont programmés pour la première fois, est ce que c’est pour vous une volonté d’effectuer un saut générationnel ?
Cela me réjouit, mais je n’ai pas vraiment fait les comptes. Mais ce qui est vrai c’est que depuis la création du Festival Impatience lorsque j’étais directeur de l’Odéon, on a contribué à faire merger des metteurs en scène dont Thomas Jolly qui est cette année dans la Cour, ou Chloé Dabert qui vient d’être nommée à la direction de la Comédie de Reims. J’appartiens à une génération où nos pères nous barraient la route. J’ai souhaité ne jamais reproduire ce schéma là. Je préfère être un passeur générationnel.
Le festival d’Avignon est un temps fort de l’année théâtrale. On y fait les comptes. Comment trouvez-vous l’état du théâtre en 2018 ?
Il y a une chose du climat politique qui se retrouve chaque année dans les productions qui tient à une inquiétude générale. La grosse inquiétude, c’est l’avenir de l’Europe. On est encore dans la déflagration du brexit, en espérant qu’il n’y ait pas de franxit. On ressent la montée des populismes, et la crise migratoire déshonore la France qui n’est pas capable de porter secours à un bateau avec 400 réfugiés. Ces questions réapparaissent dans les choix des artistes, mais aussi dans les rencontres avec le public.
Après avoir travaillé sur les tragédies d’Eschyle, vous présentez Pur Présent, une tragédie contemporaine. Est ce qu’il s’agit de la continuité ?
J’ai passé 10 ans à traduire les 7 pièces d’Eschyle. Ce sont des textes courts qui ressemblent à des livrets d’opéras. Dans ces pièces écrites il y a 2500 ans, on retrouve l’actualité la plus brûlante comme la question des migrants. Elle ne sera jamais mieux traitée que dans Les suppliantes. J’ai pris une leçon politique et démocratique en travaillant sur ces textes. A partir de ce style, j’ai essayé de faire une réduction de ma propre écriture, dans un lyrisme plus retenu, plus intense, plus intimisé. Ce sont trois tragédies, comme l’écrivait Eschyle. Elles ne sont pas liées à la mythologie.
Et vous êtes parti de cette expérience importante pour vous, votre travail avec des détenus en prison.
La première tragédie se déroule en prison. J’ai vécu cette aventure depuis 4 ans avec 40 garçons exceptionnels, ils m’ont beaucoup apporté sur le plan humain, leur parole est digne d’être rapportée. Je montre le plus bas de l’échelle pour grimper vers le plus haut. La 2ème pièce se passe dans une banque et on décrypte les conséquences des décisions du monde financier sur le bas de l’échelle. J’ai choisi comme décor, un tableau de Guillaume Bresson qui représente une baston dans les quartiers.
Justement l’argent, les ressources, elles sont de plus en plus rares. Comment faîtes-vous pour maintenir le même niveau d’exigence artistique ?
La ville et l’agglomération ont baissé chacun les subventions de 5%, on ne retrouvera jamais ces 10%. L’Etat et la Région ont augmenté les subventions de 2% sur 5 ans. Mais les prix continuent de flamber. Le Festival maigrit, il est passé de 24 jours à 19 jours, si les choses continuent on aura un Festival de 15 jours en 4 ans.
Comment faire ? Faire appel au privé, aux mécènes ?
Non, car nous sommes un festival de service public. Ce festival est important au niveau local. Il fait vire 1 personne sur 4. Il fait rayonner la ville et la France au niveau international. C’est un bon investissement. Il faut que les pouvoirs publics prennent leur responsabilité. En tout cas avec l’équipe on ne crée pas de déficit, et on continuera encore 4 ans avec les moyens dont nous disposons.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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